OIV : feu vert pour deux nouveaux produits au chai en 2021
L’aspergillopepsine I, une enzyme pour prévenir la casse protéique, et l’acide fumarique, un inhibiteur de la fermentation malolactique (FML), rejoignent la liste des pratiques œnologiques autorisées par l’OIV. Ces produits sont utilisables pour le millésime 2021.
L’aspergillopepsine I, une enzyme pour prévenir la casse protéique, et l’acide fumarique, un inhibiteur de la fermentation malolactique (FML), rejoignent la liste des pratiques œnologiques autorisées par l’OIV. Ces produits sont utilisables pour le millésime 2021.
Deux nouvelles résolutions concernant les pratiques œnologiques ont été adoptées cet été lors de l’assemblée générale de l’OIV (Organisation internationale de la vigne et du vin) : l’aspergillopepsine I, pour lutter contre la casse protéique et l’acide fumarique, pour prévenir la malo. Le règlement européen suivant les recommandations de l’OIV, ces deux produits sont autorisés dans les chais depuis le 3 septembre dernier.
Un traitement à l’aspergillopepsine I efficace mais énergivore
L’aspergillopepsine I est une protéase issue du champignon Aspergillus et est recommandée dans les itinéraires de vinification des blancs, rosés et mousseux pour éliminer les protéines responsables de la casse protéique. Sa validation fait suite aux travaux de recherche menés par la France et l’Allemagne. Applicable sur moût et sur vin, l’aspergillopepsine I s’emploie « à des doses similaires à celles prescrites pour les préparations enzymatiques », indique Jean-Claude Ruf, coordinateur scientifique à l’OIV. « Son utilisation est conditionnée au chauffage des moûts ou des vins durant une minute entre 60 et 75 °C, précise-t-il. Une filtration doit obligatoirement être réalisée par la suite, afin d’éliminer les résidus de protéase susceptibles de provoquer des réactions allergiques. » Pour Arnaud Mennesson, directeur scientifique chez Lamothe-Abiet, ces conditions contraignantes pourraient freiner le déploiement de l’enzyme sur le terrain. « Seuls les caves et domaines équipés en thermovinification pourront l’utiliser, estime-t-il. Sans parler du coût énergétique, qui paraît énorme alors qu’il existe une alternative tout à fait efficace, la bentonite. »
L’acide fumarique à l'étude dans le Cognaçais
L’acide fumarique, en revanche, pourrait rapidement trouver son public. D’abord étudié au sein de l’OIV pour son rôle acidifiant, c’est finalement pour son aspect inhibiteur de la FML qu’il a été validé en premier. Une bonne nouvelle pour tous ceux qui cherchent à réduire ou éliminer les sulfites de leurs vins. « On a une vraie demande pour cet intrant du côté de Cognac, rapporte Arnaud Mennesson. Beaucoup estiment que les eaux-de-vie sont meilleures lorsque les vins n’ont pas fait leur malo et qu’ils n’ont pas été sulfités. Ils se trouvaient jusqu’ici dans l’impasse. » Au BNIC (Bureau national interprofessionnel du cognac), on confirme que des expérimentations sont en cours pour évaluer l’intérêt de cet acide sur les vins destinés à la distillation. L’OIV recommande l’acide fumarique sur vin à des doses allant de 300 à 600 mg/l. Le rôle acidifiant de l’acide fumarique est quant à lui toujours à l’étude au sein de la commission technique de l’OIV.
Du côté des fabricants de produits œnologiques, les essais en laboratoire devraient débuter avec le millésime 2021, pour une commercialisation effective des produits prévue début 2023.
Bruxelles autorise six produits d’un coup
En 2020, de nombreux textes législatifs n’ont pas pu être actualisés du fait de la pandémie de coronavirus. C’est le cas du règlement UE 2019/934, qui fixe les pratiques œnologiques autorisées dans l’Union européenne. Cette année, Bruxelles fait d’une pierre deux coups. Le règlement européen paru le 3 septembre intègre l’ensemble des résolutions adoptées par l’OIV depuis l’entrée en vigueur du règlement, fin 2019. À l’aspergillopepsine et l’acide fumarique s’ajoutent donc les gommes de cellulose (ou CMC) sur rosé, la PVVP en cours de fermentation alcoolique, les autolysats de levures sur vin fini et les tanins en tant que stabilisateurs de la couleur et antioxydants, dans la liste des pratiques autorisées par l’Union européenne. Les conditions entourant l’utilisation de ces produits sont définies dans les fiches disponibles sur le site de l’OIV.
comprendre
L’acide fumarique, efficace pour bloquer la malo mais pas miraculeux
L’acide fumarique a bel et bien un rôle inhibiteur dès lors que les populations de bactéries lactiques dans le vin sont faibles. C’est ce que révèlent des essais menés par l’équipe R & D de l’ICV en 2018 et 2019. Dans un premier essai sur chardonnay, les chercheurs ont ajouté 0,35 g/l d’acide fumarique lors du soutirage de fin fermentation alcoolique (FA). Dans le second, sur un rosé de grenache, l’acide fumarique a été apporté à 1 010 de densité à 1 g/l. Dans les deux cas, les malos ne s’étaient pas enclenchées fin décembre, alors qu’elles étaient achevées dans les modalités témoins. Le TAV et le pH n’ont pas semblé avoir d’influence.
En revanche, l’effet inhibiteur de l’acide fumarique est moins évident lorsque le milieu est déjà fortement colonisé par les bactéries lactiques. Sur trois matrices différentes, les chercheurs ont apporté les bactéries à hauteur de 106 UFC/ml au lendemain du levurage ou à 1 010 de densité, soit juste avant l’addition d’acide fumarique. Sur l’une de ces trois matrices, un rosé, la malo s’est achevée moins de deux mois après l’ajout de bactéries lactiques, alors qu’elle ne s’est pas faite sur les deux autres matrices. Pour optimiser l’impact de l’acide fumarique, mieux vaut donc contrôler la présence de bactéries lactiques avant l’ajout. À noter qu’un effet acidifiant « bien visible » a été constaté par les chercheurs de l’ICV. « Environ 70 % du fumarique ajouté à 1 010 de densité est transformé en acide malique par les levures fermentaires », relatent les scientifiques.