Les nouvelles menaces qui planent sur le vignoble
De nouvelles menaces venues d’Europe, d’Asie ou d’Amérique planent sur nos vignobles. À suivre de près pour certaines d’entre elles.
**** Drosophila suzukii : de plus en plus redoutable
Drosophila suzukii est une mouche des fruits de la famille des drosophiles. Originaire d’Asie, elle progresse en Europe depuis 2008. Observée pour la première fois en France en 2009, elle serait à l’origine de la pourriture acide. Les premières attaques ont été observées en vallée du Rhône. Désormais, cette drosophile est présente dans de nombreux vignobles du bordelais, alsaciens et probablement bourguignons. « Drosophila suzukii est redoutable car elle est dotée d’un ovipositeur rigide qui lui permet de pénétrer les fruits tôt en saison afin d’y pondre. Son cycle de développement est très court (environ 10 jours) et lorsqu’elle pond, elle transmet tout un cortège de bactéries qui vont acidifier le milieu », expliquent Denis Thiéry et Lionel Delbac de l’Inra de Bordeaux. « La lutte contre ce ravageur est difficile car son cycle de vie très court nécessite une intervention rapide et on est souvent trop proche de la vendange pour envisager une lutte insecticide. On ne maîtrise pas encore l’usage des parasitoïdes efficaces contre les drosophiles », ajoute Denis Thiéry. Elle est donc sous surveillance.
*** Maladie de Pierce : vigilance accrue
La maladie de Pierce est provoquée par Xyllela fastidiosa, une bactérie nuisible sur de nombreux végétaux. « Elle a fortement touché les vignobles californiens dans les années 1990 et elle a été identifiée dans le sud de l’Italie dans la région des Pouilles en 2013 dans des vergers d’oliviers. Plus récemment, elle a été observée sur vigne dans quelques parcelles en Italie », observe Denis Thiéry, directeur de recherche Inra. Cette maladie provoque des défauts de lignification (mauvais aoûtement), les feuilles deviennent jaunes et brunes puis tombent et les rameaux meurent. Après un à cinq ans, la vigne périt. « La maladie de Pierce est à prendre très au sérieux, elle est classée comme organisme nuisible de quarantaine au niveau européen. Elle est transmise en particulier par Homalodisca coagulata (appelée aussi cicadelle pisseuse) mais le risque est de voir d’autres insectes vecteurs transmettre cette maladie, commente Denis Thiéry. Quand la maladie est observée, il est souvent trop tard, la vigilance est donc d’actualité avec une surveillance du territoire et le piégeage de ravageurs qui pourraient véhiculer la maladie de Pierce. » En effet, aucune solution curative n’existe à l’heure actuelle.
*** L’enroulement de la vigne est en expansion
Maladie virale, l’enroulement de la vigne entraîne la décoloration des feuilles (rougissement ou jaunissement selon les cépages) et leur recroquevillement. « La vigne peut continuer à
produire mais progressivement les rendements vont diminuer de 10-15 % à parfois plus de 40 %. Au niveau qualitatif, l’enroulement provoque des retards de maturation auxquels il faut ajouter des teneurs de sucres et d’anthocyanes plus faibles que dans les moûts de ceps sains », observe Étienne Herrbach, chercheur à l’Inra de Colmar (1). Cette virose est observée sur de nombreux cépages, en particulier sur pinot noir depuis plus de dix ans en Bourgogne mais aussi en Alsace, région où les symptômes sont moins visibles car il s’agit surtout de cépages blancs. En France, trois virus ont été identifiés comme étant à l’origine de l’enroulement. Leur propagation se fait avant tout par le matériel végétal, mais aussi, pour deux d’entre eux, par des cochenilles et notamment les farineuses et celles à coque. C’est sans doute d’ailleurs la pullulation des cochenilles qui explique en partie l’explosion de la maladie dans certaines zones comme le sud de la Bourgogne.
Pour maîtriser l’enroulement, « la qualité sanitaire du matériel végétal de plantation apparaît déterminante en espérant pourquoi pas une lutte biologique avec des prédateurs naturels
à terme », ajoute Étienne Herrbach.
** Antispila oinophylla : un papillon venu d’Italie qui attaque les feuilles
Antispila oinophylla est un papillon défoliateur qui sévit depuis quelques années dans les vignobles du nord de l’Italie et qui a été observé pour la première fois en Paca cette année. On le dénomme aussi « mineuse des feuilles italiennes ». Il s’attaque principalement aux plants de
chardonnay, cabernet sauvignon et muscat.
Il développe jusqu’à trois générations par an et les larves creusent des galeries dans le parenchyme (tissu cellulaire) des feuilles. Pour l’instant, Antispila oinophylla n’a pas causé de gros dégâts économiques, la présence de guêpes parasitoïdes comme celles de la famille des Eulophidés permettant de réguler ce type de ravageur.
Toutefois, la défoliation dans certaines vignes italiennes a été suffisamment importante pour
que les viticulteurs s’en inquiètent. « En cas de fortes pullulations, le recours aux insecticides
de type régulateurs, Bt, peut être envisagé », souligne Denis Thiéry.
** Red Blotch : principe de précaution
Le Red Blotch est une maladie récemment identifiée dans la Nappa Valley, en Californie. La manifestation la plus visible est un rougissement foliaire très marqué dû à un virus. La maladie ne semble pas affecter l’aoûtement des rameaux ni la pérennité des ceps. Il ne semble pas non plus que le rendement soit réduit. Par contre la maturité est perturbée avec des teneurs en sucres réduites (jusqu’à 3 degrés d’alcool probable en moins). Aucune méthode de lutte ou curative n’étant disponible, le principe de précaution s’applique. « En Europe et en France, les processus de sélection sanitaire et de conservation du matériel végétal ainsi que l’obligation de quarantaine qui s’impose au matériel végétal introduit est normalement efficace pour éviter le développement de nouvelles maladies de type viral mais le Red Blotch ne fait pas encore partie des agents testés en Europe lors de la certification », commente Laurent Torregrossa de Montpellier SupAgro.
** Le retour du phylloxéra sur feuilles
« Les symptômes de phylloxéra sur feuilles qui peuvent être observés sur certains ceps dans quelques parcelles n’ont rien à voir avec l’épidémie qui a sévi il y a plus d’un siècle et qui attaquait le cep de vigne par les racines », explique Lionel Delbac, ingénieur à l’Inra de Bordeaux.
Le retour du phylloxéra se fait sous sa forme gallicole : l’insecte piqueur suceur provoque sur la face inférieure des feuilles une prolifération et un épaississement des tissus avec la formation de galles où les femelles vont pondre et donner naissance à des larves qui vont coloniser le reste du feuillage. « Cette forme du phylloxéra est particulièrement observée dans les sols limoneux ou argileux qui ont subi d’importantes variations hydriques et sur certains cépages comme le merlot ou le cabernet franc », commente Lionel Delbac. Et de souligner : « le meilleur moyen de lutter contre le retour de cette maladie et en particulier contre une possible dérive vers la forme racinaire est de continuer de recourir à des porte-greffes et ne pas céder à une certaine mode ‘d’authenticité’ ».
* Epiphyas postvittana : à suivre dans le cortège des tordeuses
Epiphyas postvittana est un lépidoptère à chenille très polyphage de la même famille que l’eudémis, la cochylis et la pyrale de la vigne. Originaire d’Australie et répertorié comme espèce à fort pourvoir invasif, il est apparu en 2007 en Californie et est entré en Europe par l’Italie.
Ce lépidoptère inquiète les producteurs fruitiers et viticulteurs car les larves sont très voraces
et s’attaquent aux fruits ou baies. « Ce ravageur ne pose pas véritablement de problème dans nos vignobles à la différence des États-Unis où de nombreux dégâts sont observés. La question est plutôt de savoir si ce lépidoptère peut s’installer dans la communauté des tordeuses qui concerne nos vignobles. Sa lutte pourrait alors s’envisager dans celle contre les tordeuses », indique Denis Thiéry.
(1) Les travaux sur l’enroulement à l’Inra de Colmar sont co-financés par France Agrimer
et les interprofessions d’Alsace (CIVA), Bourgogne (BIVB) et Champagne (CIVC).
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