Le vin de demain
Les machines viticoles en route vers le zéro diesel
L’électricité occupe une place de plus en plus prégnante dans la motorisation des engins viticoles avec des versions tout électrique ou hybride. Mais elle n’est pas la seule alternative au diesel.
L’électricité occupe une place de plus en plus prégnante dans la motorisation des engins viticoles avec des versions tout électrique ou hybride. Mais elle n’est pas la seule alternative au diesel.
De la même façon que dans le monde automobile – où les véhicules électriques et hybrides ont le vent en poupe – le monde viticole se montre intéressé par l’électrification des engins qui circulent dans les vignes. Les premiers robots sont pour la plupart à motorisation hybride ou électrique . Les enjambeurs électriques font désormais partie intégrante du paysage de certains vignobles à interrangs étroits. Aujourd’hui, l’évolution de l’autonomie des batteries permet en effet de répondre aux besoins des usages viticoles. Mais pour bon nombre d’exploitations déjà équipées, l’un des arguments est aussi environnemental, avec comme objectif d’atteindre la neutralité carbone, c’est-à-dire d’absorber autant de carbone de l’atmosphère que l’exploitation en produit. Si les cultures constituent le puits de carbone, le principal levier pour atteindre la neutralité est de réduire les émissions. Et bien souvent, les exploitations engagées dans cette voie s’équipent, en plus d’engins électriques, de solutions de production d’électricité, comme les panneaux photovoltaïques sur les bâtiments professionnels. Commercialement, cette neutralité se montre être un argument marketing, auquel bon nombre de clients finaux ne sont pas insensibles.
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Un coût énergétique divisé par dix
Techniquement, l’électrification des engins présente également de multiples intérêts. Remplacer l’hydraulique par l’électrique évite les fuites d’huile qui peuvent polluer les sols ou la récolte. Sur les enjambeurs, les moteurs électriques procurent des rendements bien supérieurs aux transmissions hydrostatiques, mais aussi plus de couple et de nervosité. Les coûts énergétiques sont divisés par dix. L’entretien est très simplifié, ce qui limite l’immobilisation de l’enjambeur. Sur le long terme, les coûts de maintenance et d’utilisation compensent le surcoût à l’achat. Selon l’intensité d’utilisation, le retour sur investissement se fait sur six à neuf ans. Si le principal frein concerne l’autonomie, les enjambeurs peuvent sans problème assurer une journée de pulvérisation, moyennant éventuellement une recharge rapide le midi. L’activité qui s’avère la plus énergivore est le transport sur la route. Mais les progrès sont rapides : les constructeurs d’enjambeurs électriques annoncent chaque année une progression de l’autonomie des batteries autour de 10 à 15 %, à poids équivalents.
Autre argument des engins électriques, le confort. Fini le bruit et les vibrations des moteurs thermiques. Hormis un léger sifflement caractéristique des motorisations électriques, les seuls sons qui l’on entend sont ceux des outils attelés et les bruits de roulement.
L’électricité en appoint du moteur thermique
Le tout électrique n’est pas la seule orientation envisagée par les constructeurs de tracteurs. Ainsi Carraro dévoilait il y a deux ans l’Ibrido, un tracteur spécialisé doté d’un moteur thermique compact et d’une transmission mécanique à 24 rapports avant et 24 arrière. Mais il dissimulait également une batterie placée juste devant la cabine, ainsi qu’un moteur électrique. Dans ce concept, le conducteur avait le choix entre n’utiliser que le moteur thermique, que le moteur électrique (par exemple dans les bâtiments) ou les deux conjointement. Cette solution est considérée sérieusement par plusieurs constructeurs de tracteurs spécialisés qui peinent à loger sous le capot tous les équipements de dépollution, notamment le catalyseur SCR. Il est possible de se dispenser de ce dernier pour passer la norme Stage V, si le moteur fait moins de 55 kW (74 ch), annonce-t-on chez Carraro. Coupler l’électrique au thermique permet ainsi de répondre aux besoins ponctuels de puissance, par exemple en phases d’accélération ou de montée, de ne travailler qu’en thermique une fois la vitesse de croisière ou le plat atteint, et même de récupérer une partie de l’énergie cinétique pour recharger les batteries, en descente ou en décélérant.
Un pont avant électrique
De son côté, le constructeur italien Landini s’est vu décerner début novembre le prix de l’innovation technique de l’édition 2020-2021 du salon Eima pour son tracteur Rex4 Electra Evolving Hybrid. Conçu sur la base d’un tracteur Rex 4, il dispose d’un moteur diesel de 110 ch et d’une boîte de vitesses entièrement robotisée commandée par un joystick multifonction. Le poste de conduite bénéficie d’une suspension semi-active pilotée électroniquement. Mais la principale innovation concerne le pont avant. Entièrement suspendu, il dispose de deux moteurs électriques indépendants, un pour chaque roue. À cela, s’ajoutent des capteurs, des calculateurs électroniques, un générateur et une batterie, le tout étant géré par le Power Management System. Plutôt que d’être classiquement entraîné mécaniquement, le pont avant moteur est ici animé électriquement grâce à la batterie. Celle-ci se recharge en descente et/ou lors des phases de décélération et de freinage, mais aussi directement via le moteur thermique. S’appuyant sur les informations sur le pont arrière, cet essieu motorisé électriquement peut modifier le ratio de traction entre les roues avant et arrière de manière indépendante. Il est ainsi possible d’augmenter la vitesse de rotation des roues avant pour réduire le rayon de braquage jusqu’à 15 %. Landini annonce également une meilleure stabilité dans les transports, ainsi qu’une économie de carburant de 10 % grâce à la récupération de l’énergie électrique.
Quels exemples en grandes cultures
Avec son concept de tracteur Konzept, l’Autrichien Steyr propose une autre façon d’entrevoir l’hybride thermique-électrique. Le moteur FPT 4,5 litres de 160 chevaux entraîne un générateur qui anime indépendamment cinq moteurs électriques, quatre dans les moyeux de roue et un pour la prise de force. Tous les moteurs électriques sont reliés entre eux et pilotés de manière à ce que la puissance soit toujours appliquée là où elle est nécessaire en fonction de la situation. Un système eTorque-Boost, alimenté par une batterie centrale, délivre un surplus d’énergie en cas de pics de puissance, faisant passer la puissance disponible à près de 250 chevaux. La traction électrique à variation continue dispense de transmission mécanique et de composants hydrauliques. L’animation directement au niveau des roues ouvre la voie aux quatre roues directrices, améliorant la maniabilité. Le circuit hydraulique du tracteur et la prise de force sont à commande électrique, ce qui permet des régimes variables, ainsi que les mouvements d’inversion. Rechargeable sur le secteur, la batterie se recharge aussi dans les descentes et les phases de décélération.
Sur sa gamme de tracteurs de forte puissance 8R, John Deere propose une autre façon d’intégrer l’électricité en remplaçant l’unité hydraulique (pompes et moteurs) de la transmission à variation continue par deux moteurs électriques. S’ensuivent un meilleur rendement de boîte et des coûts de maintenance réduits. En outre, ce module électrique peut fournir jusqu’à 100 kW (136 chevaux) de puissance pour des besoins extérieurs, par exemple pour entraîner un pont moteur électrique sur un engin tracté. Cette conception permet d’utiliser l’énergie excédentaire produite par la transmission et d’améliorer le rendement global du convoi, en réduisant le patinage tout en proposant un meilleur comportement dans les dévers.
Fendt e100 Vario - Lancement commercial en 2024
Dévoilé en 2017, le prototype de tracteur électrique e100 Vario a pu être testée par la presse en septembre dernier. Plusieurs engins continuent d’engranger des heures de test dans des exploitations agricoles, ainsi qu’à la municipalité de Munich. Ses performances ont été validées pour des usages intensifs, aussi bien pour des outils animés mécaniquement ou hydrauliquement, que pour des appareils à entraînement électrique. Le concept général est resté le même, à savoir un modèle du marché sur lequel ont été retirés réservoir et moteur thermique afin de les remplacer par des batteries et un moteur électrique de 50 kW (68 chevaux). C’est notamment sur les batteries que Fendt porte son attention. Différentes technologies sont testées au champ et en laboratoire de manière intensive. Le constructeur envisage une commercialisation au plus tôt en 2024 et travaille déjà à une seconde génération dans laquelle beaucoup d’éléments de l’architecture du tracteur seraient repensés.
en savoir plus
Détails techniques de l’Ibrido
Réduction de la cylindrée du moteur IC de 82 kW à 56 kW grâce à l’introduction de l’architecture électrique hybride parallèle.
Électrification de tous les auxiliaires.
Dimensions compatibles avec l’application Tracteur spécialisé.
Moteur ICE 56 kW 2,2 litres.
Moteur électrique 20 kW (puissance continue).
Batterie LiFePO4 d’une capacité de 25 kWh.