Les intrants de la filière viticole seront plus verts grâce à l’hydrogène
Les fournisseurs de la filière viticole, à commencer par les plus énergivores, voient dans l’hydrogène un levier pour améliorer le bilan carbone de nos intrants.
Les fournisseurs de la filière viticole, à commencer par les plus énergivores, voient dans l’hydrogène un levier pour améliorer le bilan carbone de nos intrants.
Le verre et les engrais font partie des intrants qui pèsent le plus sur le bilan carbone d’une entreprise vitivinicole. « Il y a une très forte demande de produits avec une plus faible empreinte carbone dans la filière vin, car la bouteille représente une part non négligeable », observe Jacques Bordat, président de la fédération des industries du verre. En effet, ce seul poste représente en moyenne une vingtaine de pourcents des émissions d’un vigneron. Chez les verriers, le sujet est bien plus qu’abordé, il est devenu une véritable priorité.
S’ils travaillent encore sur l’efficacité des fours et la part de verre recyclé, ils savent qu’une nouvelle technologie sera nécessaire pour changer réellement la donne. « Cela fait longtemps que nous regardions vers l’hydrogène, mais ce n’était pas un sujet, admet le président. Puis il y a eu un changement de braquet au niveau politique il y a peu, et maintenant on en parle. » L’avantage de l’hydrogène, par rapport aux fours électriques, c’est qu’il n’y a pas besoin de changer de technologie. Aussi les industriels commencent à explorer cette piste, en France comme à l’étranger. Dans l’Hexagone, il y a notamment eu un essai récemment sur un four à Pyrex en fin de vie, avec un pool d’acteurs verriers, pour regarder comment il se comporte.
Des tests prometteurs mais des recherches encore nécessaires
« Les résultats sont concluants et confirment des observations faites à l’étranger : on peut introduire une part importante d’hydrogène dans les fours », informe Jacques Bordat. Cela ne veut pas dire que la technologie soit mature pour autant. Des travaux de recherche sont nécessaires pour adapter au mieux les réglages et la conduite des fours avec un nouveau combustible. De plus, les fours actuellement mis en service le sont pour une quinzaine d’années, sans qu’ils ne s’arrêtent, ce qui n’est pas de nature à accélérer les choses. En attendant, l’hydrogène est un axe de développement qui fait partie des points retenus dans la feuille de route pour 2050. « Nous voyons les solutions techniques assez bien, c’est la transition qui interroge, avoue le président. Car nous devons rester compétitifs. » Pour lui, il est clair que les industriels devront partir sur de l’hydrogène vert pour reste en cohérence avec les objectifs de décarbonation. Mais quels seront les prix et les disponibilités ? La priorité sera-t-elle donnée à l’industrie ou à la mobilité lourde (camions, bateaux, avions…) ? Alimenter les verriers, qui représentent 0,6 % de la consommation totale d’énergie en France, ne sera pas une mince affaire.
La confiance règne davantage du côté des fabricants d’engrais. Yara, numéro un mondial des engrais, va commercialiser les premiers fertilisants décarbonés en Norvège dès 2023. De même, Borealis, un autre leader du marché des engrais, et Hynamics, filiale du groupe EDF spécialisée dans l’hydrogène décarboné, ont décidé d’investir dans une unité de production d’hydrogène par électrolyse pour fabriquer de l’ammoniac et produire des engrais azotés décarbonés à l’horizon 2025-2026 à Ottmarsheim en Alsace. Des investissements décidés de longue date pour atteindre l’objectif de la neutralité carbone et qui tombent à pic dans une période où le gaz, matière première majeure pour l’élaboration des engrais se fait rare et cher.
Un levier pour réduire l’empreinte carbone des viticulteurs
Les engrais azotés traditionnels sont fabriqués à partir d’hydrogène issu de gaz naturel (essentiellement du méthane), qui est combiné avec l’azote de l’air pour former l’ammoniac. « Environ 80 % du coût de production de l’ammoniac est lié à l’utilisation du gaz naturel », explique Delphine Guey, directrice de la communication, des affaires publiques et de l’engagement sociétal chez Yara. Cette production d’engrais azotés a un impact environnemental important puisque la production d’une tonne d’ammoniac dégage environ 2 tonnes de CO2.
Les projets portés par Yara et Borealis utilisent l’électrolyse pour produire l’hydrogène. « La production d’une tonne d’ammoniac ne dégage ainsi plus que 200 kilos de CO2. Mais elle est également plus coûteuse car l’électrolyse est une technologie gourmande en électricité », remarque Delphine Guey. Tout comme chez les verriers, pointe chez les fabricants d’engrais la question du prix de l’hydrogène et de la compétitivité. Pour ces deux projets, l’électricité est bas carbone, c’est-à-dire majoritairement nucléaire. Mais dans d’autres environnements, il pourrait être envisagé de faire appel à des énergies renouvelables. Or il existe un rapport de 1 à 3 entre le coût de production de l’hydrogène à partir du gaz (environ de 2 euros le kilo en juin dernier) et l’hydrogène vert (6 euros le kilo). Pour que le coût de ce dernier, donc de l’ammoniac et in fine des engrais azotés décarbonés, soit compétitif, des aides publiques seront nécessaires.
Avoir 30 % d’engrais azotés débarbonés à moyen terme en Europe
Reste que pour les producteurs agricoles, l’utilisation d’engrais décarbonés serait un puissant levier pour réduire leur empreinte carbone : « avec les engrais décarbonés qui ont les mêmes propriétés et la même efficacité que les engrais issus du gaz, les agriculteurs peuvent réduire l’empreinte carbone de leurs cultures de 10 à 30 % en une seule fois », précise Delphine Guey.
Après une première commercialisation de ces engrais décarbonés en Norvège en 2023, Yara prévoit de fournir plus de 80 000 tonnes dès 2027 pour toute l’Europe et cible un objectif de 30 % d’engrais azotés décarbonés à moyen terme. La mise en service du nouveau site Borealis est prévue pour 2025 et pourrait représenter 15 % des besoins français en hydrogène.
Un consortium pour de l’acier vert
Un consortium industriel de six entreprises françaises a créé en juin dernier la société GravitHy. Son objectif ? Devenir un acteur incontournable de l’acier vert, grâce à une production basée sur l’hydrogène. « Il est temps d’opérer un changement de technologie, de remplacer les anciens hauts fourneaux par des DRI [minerai de fer préréduit, NDLR] produits à partir d’hydrogène vert et bas carbone et combinés à des fours à arc électrique », commente Karine Vernier, à la tête du consortium. Pas moins de 2,2 milliards d’euros sont prévus, pour construire la première usine à Fos‐sur‐Mer en 2024. La production industrielle commencerait en 2027, à hauteur de 2 millions de tonnes par an.
Le géant ArcelorMittal prévoit, lui aussi, de construire une unité DRI à Dunkerque, d’une capacité annuelle de 2,5 millions de tonnes. « Pour transformer le minerai de fer avec à terme de l’hydrogène, sans recourir au charbon, explique le groupe. Ces nouveaux équipements industriels seront opérationnels à compter de 2027 et remplaceront progressivement d’ici 2030 deux hauts-fourneaux sur les trois actuels d’ArcelorMittal à Dunkerque. »
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