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Les dernières avancées sur les biofilms de bretts

Pourquoi et comment les biofilms de Brettanomyces se forment-ils ? Comment les éliminer ? Telles sont les questions sur lesquelles Paul Le Montagner, doctorant à l’ISVV de Bordeaux, s’est penché dans le cadre de sa thèse encadrée par Isabelle Masneuf .

La levure Brettanomyces est capable de survivre en conditions stressantes en formant des biofilms. Ce mode de vie particulier suppose donc de revoir les protocoles de nettoyage du chai habituellement préconisés.
La levure Brettanomyces est capable de survivre en conditions stressantes en formant des biofilms. Ce mode de vie particulier suppose donc de revoir les protocoles de nettoyage du chai habituellement préconisés.
© J.-C. Gutner

Des biofilms pour survivre en milieu hostile

« Le biofilm est un mode de vie développé par les micro-organismes pour survivre dans un environnement hostile. Cela consiste en une agglomération de cellules qui vont adhérer de façon irréversible à une surface. La colonie produit ensuite des substances extracellulaires, qui agissent comme un bouclier vis-à-vis des produits désinfectants », explique Sandrine Rousseaux, maître de conférences à l’Institut universitaire de la vigne et du vin (IUVV) de Dijon. Ce mode de vie particulier expliquerait pourquoi il est si difficile de se débarrasser des bretts une fois qu’elles ont fait leur apparition dans le chai. Et remet en cause l’efficacité des protocoles de nettoyage habituellement préconisés.

Un mode de vie adopté par brett

Dans le cadre de sa thèse débutée en 2020 et financée par le laboratoire Excell, Paul Le Montagner, doctorant à l’Institut des sciences de la vigne et du vin (ISVV) de Bordeaux, s’est attaché à identifier et caractériser les mécanismes qui entrent en jeu dans les phénomènes de bioadhésion. Pour cela, il a étudié le comportement de 49 souches représentatives de la diversité génétique de brett. « Après 3 heures de culture, la quasi-totalité des souches répondent au phénomène de bioadhésion, explique-t-il. Cependant, la taille de la colonie formée et sa configuration sont variables selon les souches. » Des différences comportementales que le doctorant n’est pas encore en mesure d’expliquer.

Des morphologies de cellules atypiques

Au cours de ses observations au microscope, Paul Le Montagner a remarqué qu’une même souche de brett pouvait changer de morphologie pendant la bioadhésion. Il a notamment observé une partie des cellules sous forme pseudohyphale. « Pour le moment, on ne sait pas pourquoi elle opère ce changement morphologique, ni les conséquences que cela a », rapporte le doctorant. En 2019, Manon Lebleux, doctorante à l’IUVV, avait elle aussi eu la surprise d’observer pour la prmeière fois les bretts sous forme de chlamydospores.

Deux paramètres clés identifiés

Les travaux de Paul Le Montagner révèlent que les phénomènes de bioadhésion sont liés à deux paramètres clés. L’électronégativité, d’une part, qui dépend de la composition de la membrane en protéines de surface, et l’hydrophobicité. Il est toutefois encore trop tôt pour établir un lien de cause à effet, si ce n’est que les souches testées sont majoritairement hydrophiles. Autre remarque, le groupe le plus éléctronégatif est celui formé par les souches les plus résistantes aux sulfites.

Un lien possible avec la sensibilité au SO2

Aucune certitude n’existe à ce stade sur le lien entre bioadhésion et résistance aux sulfites, mais une tendance se dessine. « Au bout de 3 heures, le groupe le plus bioadhésif s’avère être celui qui est composé de souches triploïdes caractérisées par leur sensibilité aux sulfites, analyse Paul Le Montagner. Il faudra d’autres suivis pour pouvoir tirer des conclusions définitives. » Seule certitude, la production de phénols volatils est plus importante en condition adhérée. Le chercheur a par ailleurs mis en évidence la mise en place rapide des mini-biofilms. « En optimisant le phénomène, il faut seulement 10 minutes pour observer de la bioadhésion sur des coupons d’inox 316, qui est le support majoritairement utilisé en vinification », rapporte le doctorant.

Un protocole de nettoyage à l’étude

La finalité de la thèse de Paul Le Montagner est de pouvoir établir des protocoles de nettoyage adaptés à la lutte contre les biofilms. Un sujet sur lequel planche également l’équipe de Sandrine Rousseaux, à l’IUVV. « On a une piste intéressante avec l’acide lactique, qui est beaucoup utilisé dans la filière viande pour le nettoyage des carcasses », expose la chercheuse. En 2019, un protocole de nettoyage dans lequel était utilisé de l’acide lactique à 5 % pour un temps de contact de 15 minutes avait montré une réduction des populations viables cultivables, sans toutefois permettre une élimination totale de brett. Une sensibilité différente à l’acide lactique selon la souche avait par ailleurs été mise en évidence. « Nous sommes en train de tester des protocoles à des concentrations et temps de contact plus élevés », indique Sandrine Rousseaux. Les résultats sont attendus pour début 2022.

De nombreuses inconnues entourent encore la notion de biofilms en œnologie. À commencer par le fait que les études portent uniquement sur les colonies de bretts. Or, les biofilms sont censés être un écosystème microbien, intégrant des levures, mais aussi des bactéries. « C’est pour cela que je préfère à ce stade parler de bioadhésion plutôt que de biofilms », conclut Paul Le Montagner.

voir plus loin

La formation de biofilms varie selon le type de finition inox

De précédents travaux menés par l’IUVV de Dijon ont montré que la propension de brett à former des biofilms dépendait du support, avec un risque plus élevé sur le bois que sur l’inox. En 2020, le service technique d’Inter Rhône a approfondi le sujet et cherché à savoir si des différences étaient également observées sur un même support, mais présentant des finitions différentes. La réponse est oui. « Nous avons formé des biofilms à partir d’une souche de Brettanomyces que nous avons introduite sur trois types de finitions d’acier inoxydable : satiné 316, bouchonné 316, et High Clean Inside (HCI), une finition développée par la société Albrigi », explique Claudine Degueurce, assistante de recherche chez Inter Rhône. Après 14 jours d’incubation, le dénombrement par cytométrie de flux a confirmé la formation de biofilms sur les trois finitions. « La quantité de cellules viables était significativement supérieure sur la finition satinée par rapport à la finition HCI, qui présentait le biofilm le plus petit. L’écart n’est toutefois pas significativement différent entre la satinée et la bouchonnée, ni entre la bouchonnée et la HCI », commente la chercheuse. L’hypothèse la plus probable est que la finition satinée est la plus rugueuse des trois.

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