Le Beaujolais s’inquiète de la perte du potentiel de ses sols
Les Entretiens du Beaujolais, organisés par l’IFV et la Sicarex, ont rappelé aux viticulteurs de la région l’importance de la matière organique — et de son bon entretien — dans les sols viticoles.
Les économies réalisées, depuis une quinzaine d’années, sur les apports de matière organiques commencent à se faire sentir sur des sols du Beaujolais qui ont la caractéristique de “ brûler ” particulièrement vite cette composante essentielle. Les taux de matière organique dans bon nombre d’entre eux ont donc atteint des niveaux faibles. Les mesures, effectuées par le bureau d’études Sigales (1) dans l’horizon 10-30 cm de 561 profils pédologiques prélevés dans les six familles de sols principales de la région, indiquent en effet un taux moyen de 1,1 %, soit un niveau qualifié de “ bas ”.
Mais surtout, de nombreux profils sont situés sous ce seuil, donc à un niveau jugé “ très faible ”.
Des situations contrastées selon le type de sol
L’analyse plus fine de ces taux montre en fait des variations importantes par type de sol : pour les sols issus de granite, aucun profil n’atteint le chiffre de 1 % de taux de matière organique, une limite pourtant basse. Avec une teneur moyenne de 0,76 %, les niveaux dans ces sols sont par ailleurs trois fois inférieurs à celui des sols argileux et calcaires de la même région (2 %). Les sols lessivés issus des formations anciennes de piémont atteignent quant à eux un taux moyen de 0,92 %, donc là encore, une quantité particulièrement basse. Ces faibles teneurs en matière organique sont à mettre en lien avec leur texture : très sableuse et avec des taux d’argiles peu élevés. “ Or, pour ces types de sols sableux, on recommande des pourcentages compris entre 1 % et 1,3 % ”, indique Isabelle Letessier, pédologue chez Sigales. “ Les situations vis-à-vis de la matière organique en beaujolais sont donc à considérer différemment selon le type de sol ”, rappelle celle-ci.
Conséquences sur la quantité et qualité
Pour Denis Chastel-Sauzet, viticulteur et président de la Sicarex, ces stocks amoindris de matière organique seraient en partie responsables des petites récoltes enregistrées depuis quelques années dans le Beaujolais. Du côté de l’azote des moûts, le constat est identique : “ On observe une baisse et un déficit chronique du niveau d’azote dans les moûts ”, témoigne Jean-Yves Cahurel, ingénieur à l’IFV. Les teneurs en azote ammoniacal mesurées sur le réseau du suivi de la maturation de la Sicarex Beaujolais sont passées de 95 mg/l en moyenne sur la période 1977-2003, à 40 mg/l sur la moyenne 2004-2009… Soit une teneur divisée par plus de deux !
Toute la difficulté pour les vignerons va consister à “ remonter ” ce taux. Mais cela ne pourra se faire que progressivement, grâce à des apports raisonnés et uniquement dans un objectif à long terme : “ Remonter un taux de matière organique quand on est vraiment bas est problématique, car, en cas d’excès d’apport, vous pouvez avoir des problèmes sur la qualité, résume Denis Chastel-Sauzet… Avec la matière organique, il faut donc y aller lentement. ” Bref, s’armer de patience…
(1) Sigales est le bureau d’études qui a réalisé les études du sol et du terroir du Beaujolais
L’analyse des teneurs en matière organique par appellation montre de nettes disparités, en lien avec leur taux d’argile. Les sols des crus les plus granitiques – sur la gauche du graphique – sont en moyenne très peu argileux (entre 7 % et 10 %) et très pauvres en matière organique (entre 0,6 et 0,8 %). A l’inverse, les 133 profils prélevés dans l’AOC beaujolais indiquent un taux de matière organique moyen de 1,7 % et une teneur en argile de 27 %, donc trois fois plus argileux que les précédents.
Source : Sigales