« La canne d’arpentage nous fait gagner en autonomie à la vigne »
Le château Lafite Rothschild est équipé depuis plusieurs années d’une canne d’arpentage, un outil qui lui permet d’être autonomes dans la délimitation des plantations, des lots de vendange, etc.
Le château Lafite Rothschild est équipé depuis plusieurs années d’une canne d’arpentage, un outil qui lui permet d’être autonomes dans la délimitation des plantations, des lots de vendange, etc.
« À la belle saison, il n’y a pas une semaine sans qu’on n’utilise la canne d’arpentage », annonce Romain Labeyrie. Assistant chef de culture au parc de matériel au château Lafite Rothschild, il gère les traitements, la fertilisation et l’intégration des nouvelles technologies.
L’intérêt pour la canne d’arpentage a débuté il y a une dizaine d’années, lorsque l’exploitation de 110 hectares a intégré un logiciel de traçabilité parcellaire. « Nous avions, à cette époque, fait arpenter tout le domaine par un géomètre pour obtenir un parcellaire précis (contours et calcul des surfaces réelles) », se souvient Romain Labeyrie. Après chaque arrachage ou nouvelle plantation, il fallait de nouveau faire appel au géomètre pour dessiner les contours et surfaces des nouvelles parcelles.
« Le fait de travailler avec un géomètre nous demandait du travail en post-traitement pour affiner les contours de notre parcellaire en fonction de besoins précis et inhérents à notre métier (largeurs des sentiers ou encadrement plus larges des rangs en bordures de parcelles), témoigne l’assistant chef de culture. Ces besoins nous imposaient de retravailler les bordures avant de les incorporer dans notre logiciel de traçabilité. »
Une antenne GPS d’une précision centimétrique
Le domaine viticole finit par investir dans une canne d’arpentage et internaliser le savoir-faire. « L’achat de cette canne d’arpentage nous rend totalement autonomes. Les arpentages et posttraitements sont réalisés plus rapidement, les modifications peuvent être faites en temps réel, sans attendre le retour d’un géomètre : nous gagnons en simplicité et en rapidité de mise en œuvre », indique Romain Labeyrie.
Dans un premier temps, le château a fait le choix de s’équiper d’une antenne DGPS au coût contenu, mais pour laquelle il fallait payer un abonnement coûteux (annuel ou horaire), avec une précision d’environ 10 cm. « Cet achat nous a permis de nous lancer dans la géolocalisation, et de mieux identifier nos besoins » observe-t-il, avant de passer dans un second temps sur une antenne RTK, qui ne nécessite pas d’abonnement (hormis une ouverture de ligne annuelle chez le fournisseur du service).
« Nous avions, au préalable investi dans une base RTK sur l’exploitation pour connecter les équipements GPS de nos tracteurs. Tracteurs que nous avons équipés de coupures de tronçons pilotés par GPS RTK pour la réalisation des traitements phytosanitaires. Cette évolution technologique nous permet d’économiser les intrants, de travailler de manière plus précise et plus écoresponsable », apprécie l’assistant chef de culture.
La canne d’arpentage équipée de l’antenne RTK se connecte sur cette même base pour une précision centimétrique et un calage sur un même référentiel que le matériel GPS de leurs tracteurs.
Une prise en main simple et ludique
Le kit d’arpentage se compose d’une antenne GPS RTK, d’une canne dotée d’un niveau à bulle, afin qu’elle soit parfaitement verticale au moment de la mesure et d’un support pour le Smartphone. L’exploitation a acheté en plus un Smartphone renforcé Trimble, « même si n’importe quel Smartphone sous Android peut faire l’affaire. Il suffit de télécharger l’application ArpentGis pour que ce soit fonctionnel. Attention toutefois à la batterie, car c’est gourmand en puissance », avertit Romain Labeyrie. La prise en main de l’ensemble est simple et ludique. En moins d’un quart d’heure, n’importe qui est en mesure de réaliser l’arpentage d’une surface.
Marquer tous les éléments de biodiversité
L’application autorise trois types de mesures : des points, des lignes et des surfaces. Ces trois modes sont utilisés par l’exploitation, labellisée HVE, pour intégrer par exemple les éléments de biodiversité. « Les points servent à matérialiser les arbres. Les lignes, les haies et cours d’eau et les surfaces, des zones à délimiter », explique l’assistant. Les informations de géolocalisation du Smartphone sont transmises au logiciel ArpentGis sur l’ordinateur du bureau, sur lequel Romain Labeyrie change le format d’AGI à Shape, pour être intégrées au logiciel de traçabilité de l’exploitation.
Du terrain vers l’ordi et de l’ordi vers le terrain
Mais le logiciel d’arpentage est aussi utilisé dans l’autre sens. Les cartes de vigueur NDVI sont par exemple utilisées pour définir les lots de vendange, la récolte étant manuelle sur l’intégralité de l’exploitation. « Sur l’ordinateur, nous allons délimiter les zones de vigueur forte ou faible. On va intégrer ces cartes sur le Smartphone, puis se rendre à la parcelle et poser des jalons en s’aidant de la canne d’arpentage, pour une récolte différenciée, explique Romain Labeyrie. Pour le moment, le château Lafite Rothschild ne pratique pas la fertilisation avec modulation de dose, mais l’évolution du matériel nous permettra rapidement de réaliser cela. »
La création des nouvelles parcelles
La canne est également utile pour les nouvelles plantations. À partir d’une carte des jachères réalisée préalablement à l’aide de la canne d’arpentage, Romain Labeyrie dessine sur l’ordinateur les contours de la future parcelle, en tenant compte de l’ensemble des besoins et contraintes techniques (distance avec les parcelles voisines, orientation des rangs, contexte géographique de la future parcelle…).
« Après l’implantation de la parcelle, nous pouvons si besoin faire autant de retouches que l’on veut en un minimum de temps. Une fois ce travail réalisé, nous connaissons de manière précise la surface à planter : nous pouvons ainsi commander le nombre exact de plants de vigne nécessaires, apprécie l’assistant chef de culture. Ensuite, je charge les données sur le Smartphone et, avec la canne, je vais placer des jalons pour marquer les délimitations de la future parcelle. Il me faut en tout et pour tout deux heures seul pour réaliser cela, sans avoir à sortir le décamètre. » La création précise des parcelles permet ainsi d’importer un parcellaire collant parfaitement à l’implantation terrain. Ce parcellaire précis aide l’assistant chef de culture à optimiser l’organisation de l’ensemble des travaux réalisés tout au long de l’année.
D’autres usages possibles
En résumé, s’équiper de la canne d’arpentage a permis au Château Lafite Rothschid d’être autonome pour la géolocalisation de nombreux points et surfaces. « C’est tellement simple à utiliser qu’on n’hésite pas à employer la canne pour nos différents essais, ajoute Romain Labeyrie. Et encore, je ne l’exploite pas autant que je le voudrais. Pendant une période, je géolocalisais les bois morts et les foyers de maladie à l’aide de cet outil, mais j’ai arrêté, car ces opérations étaient trop chronophages. »
L’autoguidage des tracteurs en test en 2025
La canne pourrait également servir pour la saison prochaine, où sera menée une campagne de tests d’autoguidage – un des tracteurs est équipé – sur une petite surface de vieilles vignes, afin d’étudier la faisabilité de cette technologie de guidage en viticulture. « Pour être précis, il faudrait pointer tous les deux ou trois pieds de vigne, ce qui demandera du temps, reconnaît Romain Labeyrie. Peut-être devrons-nous déléguer cet arpentage précis. »