Produire ses graines, possible mais difficile
Réaliser ses propres semences n’est pas une mince affaire, et donc difficilement rentable. Mais il est possible de créer un GIEE ou de se rapprocher des céréaliers.
Réaliser ses propres semences n’est pas une mince affaire, et donc difficilement rentable. Mais il est possible de créer un GIEE ou de se rapprocher des céréaliers.
Semer des engrais verts est synonyme d’une meilleure fertilité, mais aussi d’intrants supplémentaires. Et les graines ont un coût. Dès lors, pourquoi ne pas décider de les faire soi-même ? D’autant plus que toutes les semences ne sont pas forcément disponibles, notamment dans le catalogue bio. Certains viticulteurs se sont déjà lancés dans l’aventure, mais peu les ont suivis. « C’est déjà technique pour des gens spécialisés, donc pour un viticulteur qui débute dans le semis, la tâche est ardue » analyse Frédéric Rey, responsable semences et plants à l’Institut technique de l’agriculture biologique (Itab). Il faut dire que de nombreux paramètres entrent en jeu. La première difficulté, et surtout dans le cas des bio, c’est de gérer l’herbe, si l’on veut ramasser ce que l’on a planté. En règle générale, plus l’espèce est haute et plus son cycle est court, plus la réussite est aisée. « Multiplier de la féverole n’est pas un gros challenge technique, illustre le technicien. Les céréales passent encore, mais pour le trèfle ce n’est pas la même histoire. » Cette dernière espèce, qui se salit rapidement, doit en plus être fauchée lors de la récolte, puis mise en andain avant de passer la moissonneuse-batteuse. Dans le cas de la féverole en revanche, comme pour la plupart des autres légumineuses, la principale contrainte est de devoir utiliser une batteuse axiale pour ne pas risquer de casser les graines. Produire ses propres semences est d’autant plus compliqué que les fruits des différentes espèces ne sont pas mûrs en même temps, ce qui complique l’organisation. Car les récolter trop tôt n’est pas bon pour la germination, et trop tard elles tombent au sol avant la moisson. De même, il peut y avoir besoin d’une phase de séchage, de tamisage ou de préparation avant le stockage.
S’associer avec un céréalier, un concept gagnant-gagnant
« Gérer toutes ces opérations pour plusieurs espèces demande beaucoup de travail et pèse sur le foncier d’un point de vue des rotations », estime Chloé Gaspari, du groupement de recherche en agriculture biologique. La solution résiderait donc plutôt dans la constitution d’un GIEE à plusieurs viticulteurs motivés, en se partageant les tâches et les espèces. « Mais même ainsi ce ne sera pas forcément rentable par rapport au temps passé, surtout en conventionnel », prévient Frédéric Rey. Pour Éric Maille, conseiller à AgroBio Périgord, l’autoproduction de semences passe aussi par des ententes avec des céréaliers ou éleveurs. « Il peut être intéressant d’aller voir les agriculteurs voisins, affirme-t-il. Ils sont équipés et savent produire ce type de graines. » Selon lui, c’est l’occasion d’instaurer une relation gagnant-gagnant : le céréalier peut vendre ses semences au viticulteur plus chères qu’à sa coopérative, et en même temps être moins onéreux que les semenciers classiques. « Lors de l’une de mes formations, un agriculteur expliquait vendre une semence à 0,50 €/kg à sa coopérative. Et un vigneron disait l’acheter 1,50 €/kg, observe le conseiller. Il y a donc moyen de contractualiser sur la base d’un prix médian. » D’après ses calculs, un mélange de sept espèces certifiées semences et bio que l’on achète dans le commerce revient à 290-300 €/ha. Un prix significatif qui peut amener les vignerons à sous-doser, alors que la clé des semis d’engrais verts est justement le surdosage. Néanmoins, le même mélange en semences fermières bio vaut 73 €/ha ! « Mais si l’objectif est de réduire les coûts, le viticulteur peut commencer par s’associer avec d’autres, pour passer des achats groupés », conclut Éric Maille.
voir plus clair
Tester ses semences avant de les utiliser
Avant de semer, Éric Maille recommande d’effectuer un test de germination tout simple, qui n’est pas sans rappeler la tradition des lentilles de la Sainte-Barbe. Pour cela, il faut prendre 100 grammes de chaque espèce, les disposer sur du papier absorbant dans une assiette, avec de l’eau et dans le noir. Après quelques jours, il suffit de compter ce qui a germé. Si le taux de reprise est inférieur à 70 %, mieux vaut refuser le lot ou revendre ses semences à quelqu’un intéressé par les qualités nutritionnelles et non germinatives des graines. Entre 70 et 100 % de germination, le dosage de l’espèce doit être adapté en conséquence.