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En Languedoc, l’évolution des cours favorise la rentabilité du vin bio

Cerfrance, réseau associatif d’expertise comptable, a livré une étude validant la meilleure rentabilité de la production de raisins en agriculture biologique par rapport au conventionnel en Languedoc-Roussillon. La situation est actuellement assez favorable par rapport à d'autres régions, surtout pour les IGP.

© X. Delbecque

« Actuellement le marché des vins bio est favorable, la filière est économiquement intéressante. Les équilibres économiques sont néanmoins encore fragiles. » On doit cette analyse à Anne Claire Durel, conseillère d’entreprise Cerfrance Gard, qui a présenté une étude sur les coûts économiques de production de raisins en agriculture biologique et sur la rentabilité d’une conversion au bio, lors du Sitevi de Montpellier en novembre dernier. Le centre de gestion a pour cela compilé les données de ses clients du Languedoc-Roussillon, majoritairement coopérateurs, sur l’année 2017.

Un viticulteur qui se pose la question de se convertir au bio doit d’abord évaluer le coût supplémentaire de production engendré par un itinéraire technique en viticulture biologique par rapport à son itinéraire en viticulture conventionnelle (main-d’œuvre, matériel…). Anne Claire Durel le chiffre entre 500 et 1000 €/ha (voir encadré).

En plus de ces charges directes, le viticulteur ne doit pas oublier d’estimer les charges liées aux trois années de conversion. En effet, le surcoût de production de 500 à 1000 €/ha doit être supporté pendant les trois ans, sans pour autant pouvoir bénéficier du label bio, donc souvent sans vendre le vin plus cher. « Cela peut s’élever à 2000 €/ha au total pour les trois ans, après soustraction de l’aide à la conversion (350 €/ha/an) », prévient Anne Claire Durel. Certains acheteurs commencent cependant à payer davantage le vin en conversion.

À cela se rajoute le manque à gagner lié à une possible perte de rendement, « estimée de 0 à 20 %, surtout en début de conversion ». Le total, charges de conversion et pertes de rendement, est loin d’être anodin. « Il peut se chiffrer à près de 100 000 € sur trois ans pour un vignoble de 20 ha en IGP et en coopération. »

Les cours actuels financent la conversion

Question cruciale : est-ce que le prix de vente du vin bio va compenser ces coûts supplémentaires ? Tout dépend des régions, du rendement et bien sûr des prix de vente. Par exemple, « pour un coopérateur, en IGP oc rouge, avec un rendement de 80 hl/ha en conventionnel qui peut baisser à 65 hl/ha en bio, il faut un écart de prix entre le bio et le conventionnel de plus de 46 €/hl pour que la conversion bio soit rentable. Actuellement et depuis un an, le différentiel est de 70 à 80 €/hl, ce qui rend la filière AB économiquement viable ».

En revanche en AOP côtes-du-rhône générique, l’équilibre économique est plus fragile. « Pour un rendement de 50 hl/ha en conventionnel, il faut un différentiel de prix de plus de 65 €/hl. Il est actuellement de 70€/hl, la filière AB est donc tout juste économiquement viable et depuis peu. Avant fin 2018, l’écart était inférieur à 40 €/hl. » En général, le financement de la conversion et des charges supplémentaires se chiffre à moins de 100 €/hl, soit moins de 0,75€ par bouteille.

Et à l’avenir ? « Tout dépendra de l’évolution des prix en bio. On n’a jamais connu d’écart aussi important qu’actuellement entre la rémunération du bio et celle du conventionnel. On a espoir que ça se maintienne. »

500 à 1000 €/ha de surcoût de production

Produire en bio coûte 500 à 1000 € de plus par hectare. Pour le Cerfrance Gard, ce surcoût provient d’abord des besoins supérieurs en main-d’œuvre, surtout pour l’entretien du sol, estimés à une trentaine d’heures à l’hectare, soit 400 €/ha. Vient ensuite le coût liée à une utilisation plus intense du matériel pour 250 €, comprenant l’amortissement et l’entretien (tracteurs, interceps…) ainsi que la surconsommation de GNR (gazole non routier) pour + 68 €/ha. On pourrait penser faire des économies sur le poste des intrants mais ce n’est pas le cas. On a bien une diminution du coût des produits phytosanitaires en bio mais le coût des engrais est souvent plus important. On arrive à un surcoût de 26 €/ha en moyenne en bio. À tout cela se rajoutera le coût de la certification de 200 à 500 € par exploitation. Le calcul ne prend cependant pas en compte les aides à l’achat de matériel.

En bordeaux générique vrac, seul le bio est rentable

Dans le Bordelais aussi, pour le vrac en appellation générique, le bio est devenu bien plus rentable que le conventionnel, qui ne rémunère plus assez les producteurs.

Le Cerfrance Gironde, qui mène des études comparatives entre filières bio et conventionnelle, a chiffré les coûts de production du vin en vrac en conventionnel à 1200 € le tonneau de 900 l, soit 133 €/hl, pour les trois AOP génériques bordeaux, bordeaux supérieur et cotes de bordeaux en rouge. Les coûts en bio, plus variables selon les années, s’élèvent en moyenne à 200 €/hl. On a donc un surcoût de production de 67 €/hl en bio. « Aujourd’hui, le marché absorbe largement ce surcoût, analyse Antony Cararon, responsable conseil Cerfrance Gironde. Les vins bio se vendent à 2000 € le tonneau environ, soit 222 €/hl, et il y a de la demande. Cela n’a pas toujours été le cas, les cours ont bien progressé : ils étaient autour de 166€/hl il y a quelques années, et donc trop bas pour bien rémunérer les producteurs bio qui commercialisent en vrac. »

Le marché des vins conventionnels s’est lui effondré. « De 2013 à 2018, le conventionnel se vendait bien, tiré par l’export et en particulier par le marché chinois, on atteignait aussi 166€/hl juste avant la crise. Mais les prix ont chuté depuis fin 2018, en raison d’un contexte international moins favorable (accords commerciaux entre la Chine et l’Australie, droits de douane aux USA…). On est actuellement (en décembre 2019) bloqué à 111 €/hl en moyenne et parfois moins. On ne couvre plus les frais de production. »

Résultat, certains vignerons vont passer en bio pour des raisons économiques. « C’est parfois une question de survie. Mais il ne faut pas se précipiter pour autant, prévient Antony Cararon. Sans compétences techniques pour gérer des surfaces en bio, le vigneron risque des pertes de rendement. La montée en compétences est primordiale pour réussir une conversion en bio. »

Quid du surcoût lié à cette conversion ? « Pour les petites structures, il s’agit essentiellement d’heures de main-d’œuvre souvent effectuées par l’exploitant lui-même. Pour les grosses structures, c’est plus problématique, il faut pouvoir sortir les salaires et gérer une nouvelle organisation avec plus de travail au printemps. »

Quant aux écarts de rendements entre bio et conventionnel, « ils sont de l’ordre de 15 % et bien évidemment variables selon la technicité du vigneron, l’état du vignoble et les conditions climatiques. »

 

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