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Du labo aux champs, doucement mais sûrement

Qu’il s’agisse de nouvelles méthodes d’analyse ou de pratiques qui pourraient permettre de prémunir, voire guérir les plants de vigne, plusieurs programmes de recherche affichent déjà quelques avancées. Nous avons sélectionné les cinq pistes les plus prometteuses.

Les maladies du bois – Esca, Black Dead Arm (BDA) et Eutypiose – font l’objet d’une attention particulière dans les programmes du PNDV (Plan national dépérissement du vignoble). Avec l’acquisition de nouvelles connaissances sur leur mode d’action, plusieurs pistes semblent émerger. “La recherche coûte chere et à travers le plan dépérissement, l’état a mis les sous sur la table nous permettant de créer une nouvelle dynamique”, se réjouit Christophe Bertsch, directeur du laboratoire Vigne, biotechnologies et environnement de l’université de Haute-Alsace (UHA). Il coordonne le projet Euréka, dont les avancées pourraient changer la donne pour bon nombre de vignerons.

L’endothérapie végétale réduit les symptômes foliaires liés aux maladies du bois

Le premier axe du projet Euréka s’intéresse à l’endothérapie végétale, “une méthode curative qui vise à introduire la molécule antifongique directement sur la partie du bois infectée par le champignon”, indique le directeur du laboratoire de l’UHA. Une application ciblée, qui dans la pratique ne prend pas plus de temps que la taille et bien moins de temps que le curetage. Les premiers essais conduits en 2018 sur gewurztraminer et riesling, deux cépages extrêmement sensibles, à l’aide de deux molécules utilisées soit de façon isolée, soit mélangées, dévoilent des tendances intéressantes. “On observe une diminution des symptômes foliaires entre l’année n et l’année n-1 sur les modalités traitées avec les deux molécules antifongiques mélangées”, témoigne Christophe Bertsch. Ces molécules ne sont pour l’heure pas utilisées dans les traitements phytosanitaires, ce qui n’en fait pas encore une solution concrète mais bien une piste à suivre. “En 2019, nous exportons les essais dans l’Yonne sur d’autres cépages, et augmentons le nombre de blocs statistiques”, s’enthousiasme le chercheur.

La variété sauvage V. sylvestris utilisée en double greffage

Dans le cadre du second axe du projet Euréka, Christophe Bertsch développe la technique du double greffage. “Nous avons pas mal de vignes sauvages en Alsace et en Allemagne, et nous avons constaté que certains de leurs individus étaient résistants aux maladies du bois”, atteste le chercheur alsacien. Puisque le tronc est le point sensible, il décide de greffer sur le porte-greffe une tige de V. sylvestris sur laquelle est ajouté un greffon de V. vinifera, ici de gewurztraminer. Les essais menés en pots révèlent pour l’heure que le double greffage est tout à fait possible sur le plan physiologique puisque la vigne pousse. “Nous allons effectuer des greffes en vert au printemps et introduire le champignon pour voir comment les plants se comportent”, dévoile Christophe Bertsch avant de rappeler que ces manipulations prennent du temps et qu’il est peu probable qu’une solution miracle soit trouvée d’ici à la fin du projet en 2022. Mais le nombre de données sur ces maladies du bois sera lui, bien plus conséquent.

Étudier les interactions plantes-pathogènes grâce à l’imagerie médicale

Les outils d’imagerie de type IRM ou rayon X s’exportent au domaine végétal. C’est en tout cas ce que dévoile projet Vitimage, porté par Loïc Le Cunff et Cédric Moisy de l’IFV. Ces technologies s’avèrent pertinentes pour comprendre les mécanismes d’infection de la plante par les pathogènes impliqués dans les maladies du bois. Et ce, grâce à un suivi en direct de ce qu’il se passe dans le cep vivant. À terme, il serait même possible d’identifier des variétés résistantes et « d’évaluer l’effet de molécules de lutte sur le développement du champignon dans le bois », explique Cédric Moisy.

Connaître en quelques jours la sensibilité des plants à l’Eutypiose

Le projet Test-eutypa qui fait suite à une thèse menée par la chercheuse Chloé Cardot constitue une avancée certaine concernant la reconnaissance de la sensibilité des plants à l’Eutypiose. La maladie, qui tend à disparaître au profit de l’Esca est toujours bel et bien présente dans le cognaçais. “Au cours des six derniers mois, nous avons travaillé sur le transfert d’une manipulation de laboratoire à une station d’expérimentation”, explique Gérald Ferrari, directeur de la station viticole du Bureau national interprofessionnel de Cognac (BNIC) et porteur du projet Test-eutypa. Utiliser ce test en routine signifie d’une part l’installation de nouveaux équipements, et d’autre part la mise en place d’une logistique différente. “Les premiers tests valident le bon fonctionnement de la chaîne de traitement, nous pourrons passer aux essais en pots dès le printemps” témoigne le directeur. L’objectif est ici de fiabiliser le test et le diffuser auprès d’autres laboratoires privés et publics. “La sensibilité au vignoble met environ quinze ans à apparaître, alors qu’avec ce test, on peut l’identifier en deux à trois jours”, poursuit Gérald Ferrari. Un outil d’utilité certaine pour les pépiniéristes et autres techniciens de sélection végétale.

Un « vaccin » contre les virus du court-noué

“Les maladies du bois sont une préoccupation certaine mais les viroses constituent une très grande menace”, avertit Christophe Riou, délégué mission dépérissement. Et ce n’est pas la Champagne qui contredirait ce propos puisque c’est le vignoble français le plus touché par les virus du court-noué. À Colmar, les équipes d’Olivier Lemaire travaillent depuis près d’un an sur le projet Vaccivine. Ce dernier vise à créer une sorte de vaccin pour désensibiliser les plants de vignes aux virus du court-noué. “Nous venons tout juste de valider les techniques de séquençage à haut débit pour caractériser le génome complet des souches virales présentes dans un pied de vigne”, se félicite Emmanuelle Vigne, chercheuse à l’Inra de Colmar. Un point fondamental puisque ces techniques permettraient d’une part de reconnaître les mécanismes de défense de la plante et de les stimuler, mais également d’identifier des souches du virus dites “hypo-agressives”. “À la manière d’un vaccin, on pourrait alors imaginer une stratégie de protection à la carte en introduisant dans les plants ces formes hypo-agressives qui ne génèrent pas de symptômes”, détaille Emmanuelle Vigne. Actuellement, ces différentes formes du virus sont en cours d’identification au vignoble. Une commande de 1 000 pieds de vignes primo-infectés a été effectuée afin d’étudier l’impact des virus hypo-agressifs, notamment sur les rendements. “La livraison est prévue pour 2022 donc bien que nos essais avancent, il faut garder en tête que l’obtention de résultats concrets prendra du temps”, indique la chercheuse de l’Inra.

À l’avenir, une attention particulière portée aux projets de transfert

Alors que la “promotion 2018” d’appels à projets concentre un grand nombre de programmes sur l’interaction plante-sol, le PNDV a rendu son verdict sur la sélection des projets 2019, le 19 janvier dernier. À l’heure où nous écrivons ces lignes, nous ne connaissons pas les lauréats mais une attention particulière aura été portée aux projets appliqués ou de transfert. Une manière pour les gérants du programme de réaffirmer leur volonté de passer aux expérimentations de terrain dans les plus brefs délais.

voir plus loin

La recrudescence des maladies du bois

Les maladies du bois – Esca, Black Dead Arm (BDA) et Eutypiose – sont qualifiées de “ré-émergentes” par Christophe Bertsch, puisque des écrits de 1920 en faisaient déjà mention. “Ce qui fait de ces maladies du bois une préoccupation majeure, c’est qu’il n’existe pas de traitement efficace pour la simple et bonne raison que nous n’en connaissons pas l’étiologie”, explique le chercheur. En clair, on ne connaît ni le ou les responsables de ces dégénérescences, ni les causes, et il est même parfois difficile d’en reconnaître les symptômes. L’interdiction en 2001 de l’arsénite de sodium, seule substance réellement efficace mais terriblement toxique, a très probablement un lien avec la recrudescence de l’Esca, tout comme le changement climatique. « Mais il est très difficile de savoir dans quelle mesure chaque facteur impacte la propagation des maladies du bois », note le chercheur.

Quoi de neuf concernant la flavescence dorée ?

Les programmes de recherche liés à la flavescence dorée ont moins attrait à la recherche appliquée. Du fait de son statut de maladies de quarantaine, des moyens de lutte colossaux sont déployés sur le terrain via les GDON (Groupement de défense contre les organismes nuisibles). Les obligations de traitements dans les vignobles et chez les pépiniéristes, d’arrachage et de prospection sont en place depuis déjà plusieurs années. “Pourtant, nous ne parvenons toujours pas à contenir la maladie “, explique Audrey Petit, coordinatrice du projet Risca, dans une vidéo de présentation. Ce dernier vient tout juste de débuter et s’attardera à comprendre les causes de l’échec de la lutte contre le vecteur de la flavescence dorée. Une approche pluridisciplinaire de la maladie est prévue.

Retrouvez tous les programmes de recherche du PNDV sur bit.ly/2su9AzG

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