Des équipements pour protéger la vigne des coups de chaud
Filets, panneaux solaires, tunnels. Plusieurs solutions techniques sont testées pour faire face aux gros pics de chaleur.
Filets, panneaux solaires, tunnels. Plusieurs solutions techniques sont testées pour faire face aux gros pics de chaleur.
Faut-il mécaniser la protection des vignes face aux grandes chaleurs, afin d’éviter l’échaudage et les impacts du réchauffement climatique ? Les étés sont globalement de plus en plus chauds, les pics de chaleur de plus en plus fréquents : les dates de maturité sont de plus en plus précoces, les maturations deviennent difficiles, la vigueur des ceps baisse, les grillures et échaudages sont de plus en plus nombreux, les degrés alcooliques montent et la typicité des vins change. « Dans le Bordelais, là où avant on avait des vins à 13 degrés, il n’est plus rare d’avoir des degrés alcooliques autour de 15 degrés », cite pour exemple Christophe Marange, directeur général de Viti-Tunnel. Après le quart sud-est de la France, ce vignoble, mais aussi la Bourgogne ou le Val de Loire, s’interrogent activement sur les solutions techniques qui pourraient être mises en place, afin de limiter cette dérive. Si l’irrigation procure des baies plus grosses et un peu moins concentrées en sucre, elle n’empêche pas les risques d’échaudage contre lesquels seuls le feuillage, des produits ou des ombrages artificiels peuvent agir.
Aussi, plusieurs tests sont menés, notamment dans la moitié sud de la France, afin de contrecarrer les effets du réchauffement climatique.
Le filet d’ombrage retarde la maturité
Afin de protéger les vignes et notamment les grappes des fortes chaleurs, de nombreuses expérimentations ont été mises en place depuis quelques années dans le sud de la France, à l’aide de filets d’ombrage, parfois de différentes couleurs (cristal, vert ou noir). Ces filets se caractérisent par une occultation de la lumière allant de 25 à 75 %. Selon leur hauteur, ils ne protègent que la zone fructifère ou jusqu’à 80 % de la hauteur du palissage. Ils se distinguent des filets paragrêles par des mailles en bandelettes, contre des mailles à fils ronds pour les filets paragrêles. En ressort une durée de vie du filet d’ombrage de l’ordre de dix ans, contre plus de vingt ans pour les versions paragrêles. Ceux-ci sont en revanche limités en termes d’occultation à 25 %, une valeur insuffisante pour protéger efficacement contre les coups de chaud.
Dans de nombreux essais, les filets offrant un ombrage de 50 ou 70 % permettent de réduire de manière drastique l’échaudage des grappes et donc de limiter la baisse de rendement. Le moment de la pose du filet (avant floraison, véraison ou nouaison) ne semble pas en revanche avoir d’influence. Que le filet soit posé uniquement d’un côté ou sur les deux faces, uniquement sur la zone fructifère ou sur la majeure partie de la hauteur de la vigne, une baisse de la température de 1 à 2 °C, voire jusqu’à 4 °C à la surface des baies, est constatée derrière les filets : des essais varois montrent que plus les chaleurs sont fortes, plus la différence de température est importante. D’autres essais menés en Espagne indiquent que la température est même plus faible derrière les filets occultant à 50 % que dans ceux occultant à 70 %, les premiers offrant semble-t-il le meilleur compromis entre ombrage et ventilation.
Moins d’échaudage des baies
Concernant la maturité, la mise en place de ces filets d’ombrage joue sur la date de récolte, « qui peut être décalée jusqu’à onze jours, explique Silvère Devèze, de la chambre d’agriculture du Vaucluse. De même, les baies sont moins colorées et plus acides. Pour les vins rosés, la couleur moins prononcée n’est pas préjudiciable. Pour le rouge, un peu plus. Les moûts se montrent aussi riches en azote. Côté dégustation à l’aveugle, il n’y a pas d’impact ressenti. » Des observations semblables ont été réalisées au Centre de recherche viticole de Corse (CRVI), qui teste des filets noirs ou verts à 20 et 50 % d’ombrage. « Le sciaccarellu est sensible au flétrissement et les essais menés sont encourageants face à cette problématique. Plus le maillage est dense, plus les températures sont fraîches et moins les baies sont riches en tanins et anthocyanes », explique Amélie Lambert, du CRVI, qui constate que les vrilles ne s’accrochent pas dans les filets.
En termes de ressources en eau, les filets impactent positivement la culture, avec des stress hydriques mesurés moindres dans les parcelles non irriguées et une réduction des apports d’eau en irrigation pilotée allant de 25 à 75 % selon les années et le niveau d’ombrage.
« Le tarif des filets de 4 000 à 10 000 euros par hectare reste néanmoins un frein et peut compromettre la rentabilité des exploitations, conclut Sylvère Devèze, sans compter le coût de la mise en place. » Philippe Augénie de la société Filpack, qui propose des filets pour la vigne, souligne « qu’il faut aussi envisager tous les effets positifs, notamment sur le long terme, comme la réduction de l’incidence du mildiou, car l’eau pénètre moins, mais aussi du black-rot de 30 %. »
Des panneaux photovoltaïques pilotés par l’agronomie
Autre méthode pour générer de l’ombrage : les panneaux photovoltaïques. Montés sur des structures au-dessus des vignes, ces panneaux ont notamment pour mission de fabriquer de l’électricité. « Mais ils ont avant tout l’objectif de générer un ombrage, précise Alexandre Cartier, de la société Sun’Agri, spécialisée dans le montage de projets d’agrivoltaïsme. Ces panneaux sont avant tout au service de la culture. Le pilotage de leur orientation est agronomique et répond aux besoins physiologiques de la culture, même si c’est au détriment de l’efficacité énergétique de l’installation. »
Les premiers sites viticoles installés, à Tresserre, dans les Pyrénées-Orientales et à Piolenc dans le Vaucluse, font état de réductions drastiques de la température sur le sol, les feuilles et les grappes, avec des différences de 8 à 22 °C. En 2023, les différences de rendements allaient de 10 % en chardonnay à 45 % en grenache blanc, à la faveur des cultures ombragées. Sur les cinq dernières années, la récolte est retardée d’une semaine et les vins sont plus acides et moins alcoolisés (-1 % vol.). Viticulteur à Tresserre, Pierre Escudié constate une évaporation réduite de 25 %. Une vigne ombragée non irriguée affiche des meilleures performances qu’une vigne irriguée sans panneaux.
En outre, ces panneaux limitent les pertes énergétiques lors des gelées printanières, en gagnant 2 °C.
Le financement de ces installations – autour de 1 000 000 euros par hectare – est assuré par un investisseur tiers. Mais le viticulteur peut co-investir jusqu’à une hauteur de 49 % pour bénéficier de la vente d’électricité contractualisée sur vingt ans.
Des tests d’ombrage avec le Viti-Tunnel
Connu pour réduire les attaques de maladies cryptogamiques, les dégâts des gelées et des grêles, le Viti-Tunnel sera également testé pour ses effets contre les fortes chaleurs cette saison. « Il faudra deux années de mesures pour aboutir à des premiers résultats fiables et intéressants », explique Christophe Marange, directeur général de la firme.
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