C’est bien, parfois, de tourner vinaigre !
Laurent Faure a quitté une carrière bien tracée pour devenir artisan vinaigrier, à Coursan, près de Narbonne. Il travaille avec des vignerons pour sauver une cuvée problématique ou pour développer des produits complémentaires aux vins, avec l’idée de créer des produits nobles.
Laurent Faure a quitté une carrière bien tracée pour devenir artisan vinaigrier, à Coursan, près de Narbonne. Il travaille avec des vignerons pour sauver une cuvée problématique ou pour développer des produits complémentaires aux vins, avec l’idée de créer des produits nobles.
Parce que la voie qu’il avait tracée ne lui convenait finalement pas, Laurent Faure a dévié d’une carrière pourtant brillamment commencée par un parcours scolaire et universitaire exemplaire : prestigieux lycée Henri IV à Paris, Khâgne, école nationale de la statistique et de l’administration (ENSAE)… et un boulot dans l’industrie lourde en Afrique.
Au final, il est revenu à son idée première, être producteur de vinaigre à l’ancienne, dans l’Aude, à l’atelier de Granhota à côté de Narbonne. Il revendique d’ailleurs avec La Guinelle à Banyuls-sur-Mer, et Martin Pouret à Orléans, d’être l’un des derniers artisans vinaigriers de France à employer une méthode traditionnelle. « En parallèle de mon début de carrière j’avais fait des expérimentations et en 2013, j’ai sauté le pas pour créer cette activité », raconte-t-il.
À Coursan, l’atelier de Granhota porte les stigmates d’une activité intense et permanente. Les balsamique cuisent, distillant dans l’air une odeur digne de mettre le moins gourmet d’entre nous en appétit. Si les vinaigres sont obtenus avec le temps et par l’action naturelle des bactéries, le balsamique doit lui passer par une cuisson « millimétrée » dans un outil sophistiqué, mis au point avec soin par Laurent Faure. « Cela nous a coûté 200 000 euros, c’est un peu notre secret industriel. » Dans l’atelier devenu trop exigu, les palettes de bouteilles vides attendent, les fûts font leur travail en laissant du temps au temps. Le vinaigre est aussi une histoire de patience.
Des produits nobles issus d’un savoir-faire
Il a développé sa propre gamme de balsamiques et vinaigres aromatisés ou non, soit 50 000 bouteilles vendues en direct et dans les épiceries fines chaque année. Mais Laurent Faure œuvre aussi « à façon ». « Notre travail, c’est de créer des produits dérivés viticoles à partir des produits des vignerons, moûts ou vins », résume-t-il. Des vignerons qui lui expédient des jus pour qu’il les transforme jusqu’à leur renvoyer… en bouteilles. « Le travail à façon, c’est la plus grosse partie de notre activité aujourd’hui. » Il reçoit des vins depuis plusieurs régions de France, depuis l’Alsace en particulier, qui viennent expérimenter dans la vinaigrerie Granhota leur magique évolution en un autre produit. « Les vins ou les moûts qui nous sont envoyés, sont soit refroidis à 2° pour arriver ici à 20°, soit ils partent en camion frigorifique. C’est la vocation du vin que de devenir vinaigre, il faut donc l’en empêcher avant qu’il arrive chez nous ! »
Qui sont ses clients ? Des vignerons donc, une quinzaine pour le moment, mais avec des attentes différentes. « Nous pouvons travailler avec des cuvées qui ont mal tourné par exemple, pour en faire un produit noble, mais nous avons aussi des clients qui ont développé une gamme de vinaigre pour mettre à la vente dans leur caveau de vente directe, en complément de gamme en quelque sorte », ajoute Laurent Faure. Il met un point d’honneur à accompagner les vignerons dans la création de leurs gammes. « Nous les aidons à définir ce dont ils ont besoin, quelle est leur cible. C’est du sur-mesure. » Et de vinaigrier, il est aussi devenu lui-même viticulteur, à la tête de deux hectares de vignes, ainsi qu'oléiculteur, veillant sur quatre hectares et demi d’oliviers !