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Ces microbes de la vigne qui vous veulent du bien

Les microorganismes gravitant autour de la vigne pourraient abriter des richesses insoupçonnées. L’étude du microbiote ouvre la voie à des vignes en meilleure santé et à des produits de biocontrôle.

Le microbiote de la rhizosphère interagit avec la vigne, comme ce champignon qui développe son mycélium au milieu des racines.
Le microbiote de la rhizosphère interagit avec la vigne, comme ce champignon qui développe son mycélium au milieu des racines.
© Mycéa

Une équipe de chercheurs de l’Inrae de Bordeaux et Dijon a lancé un véritable travail de fourmi. À savoir, identifier les microorganismes qui vivent sur la vigne et essayer de comprendre comment ils interagissent. Et cela dans le but, à terme, de trouver des moyens de lutte contre les ravageurs de la vigne, en particulier contre les champignons (mildiou, oïdium). « Nous espérons déceler un agent de biocontrôle », commente Corinne Vacher, directrice de recherche à l’Inrae de Bordeaux. Un composé fongicide par exemple. Il faut dire qu’une véritable guerre chimique se déroule dans ce monde microscopique, chacun essayant de protéger ses intérêts. Peut-être y a-t-il, dans le lot, un microorganisme ayant des effets négatifs sur les pathogènes de la vigne. « Le séquençage de l’ADN pour connaître les microorganismes associés à la vigne est de plus en plus facile et rapide, analyse l’ingénieur. Bientôt il sera possible de le faire en direct dans les vignes grâce à un appareil portatif. »

Pour maximiser leurs chances, les chercheurs vont aller étudier ce qui se passe dans les parcelles qui sont systématiquement peu impactées par les maladies cryptogamiques. De même aux États-Unis, berceau d’origine du mildiou et de l’oïdium, où l’on va rechercher d’éventuels virus de ces agents pathogènes. De son côté, David Bohan, de l’Inrae de Dijon, travaille sur des interactions entre les microorganismes, qui pourraient être clés dans l’installation de la maladie. « Ces interactions sont régies par des règles connues : prédation, commensalisme, parasitisme… On peut étudier le lien entre Plasmapora viticola et les autres espèces qui vivent sur la feuille », explique-t-il. Avec quelques espèces, le projet semble simple. Mais imaginez quand il en vit des centaines sur une même feuille ! Il s’agit donc pour les chercheurs de se servir des outils mathématiques et statistiques et de développer une intelligence artificielle. Si le projet paraît fou, il n’en est pas moins porteur. Une récente thèse a d’ores et déjà montré que des tissus de vigne sains disposent d’un microbiote beaucoup plus diversifié et dynamique que ceux infectés par l’oïdium.

Apporter un microbiote adapté au terroir

Les instituts de recherche ne sont pas les seuls à travailler sur le créneau. La société Mycea fait le pari d’utiliser les champignons pour améliorer la santé des végétaux. Et cela de deux façons. D’une part, en cherchant dans le règne fongique des souches qui produiraient des molécules aux propriétés fongicides. « Nous avons déjà une collection provenant de divers milieux, explique Patricia Laclau, cheffe de projet chez Mycea. Nous testons des extraits sur différents pathogènes des cultures dont le mildiou, l’oïdium, le black-rot pour la vigne. Certains candidats sont prometteurs. »

Mycea concentre également ses efforts sur la biostimulation des plantes, grâce à la symbiose mycorhizienne associant racines et champignons mycorhiziens. Grâce à leur réseau de filaments dans le sol, ces champignons augmentent la superficie de prospection des vignes en eau et nutriments. Mycea développe ainsi la solution Mycoterroir consistant à réenrichir les vignobles pouvant être déficitaires avec des populations indigènes de champignons mycorhiziens adaptés au terroir pour stimuler durablement la vigne. Les premiers essais au champ montrent une amélioration de la croissance et du rendement des ceps ayant été inoculés.

 

 
Ces microbes de la vigne qui vous veulent du bien

 

Chez BioIntrant, c’est davantage sur les bactéries que l’on travaille. « Certaines ont des actions antagonistes avec les champignons pathogènes, expose Renaud Nalin, président fondateur. Nous explorons cette voie sur le blé, et allons le faire sur vigne. » La jeune pousse a isolé pas moins de 4 000 souches dans les systèmes naturels. Ici aussi, l’aspect biostimulant n’est pas en reste. L’entreprise se met petit à petit à tester les souches pour multiplier les plus intéressantes afin d’en faire des produits adaptés à la vigne. « Ces bactéries agissent sur l’environnement racinaire, à la manière des probiotiques dans notre tube digestif, illustre le dirigeant. Elles ont pour vocation de réveiller un microbiote en dormance. » Ces souches pourraient permettre un jour aux vignes d’être davantage résilientes face aux stress abiotique et hydrique.

Multiplier les meilleures souches issues de sa parcelle

La start-up Mycophyto pousse la logique un cran plus loin, avec une prospection directement dans les parcelles des viticulteurs. L’entreprise fondée en 2017 s’est lancée sur le créneau des champignons mycorhyziens à arbuscules (CMA) indigènes. Elle propose, pour le moment, deux types de prestations. La première, Mycaudit, consiste en un audit des microorganismes de la parcelle concernée. « Le but est d’identifier les CMA déjà présents dans la vigne et le potentiel mycorhizien du sol », présente Mathilde Clément, responsable R & D de la société. Pour cette opération, compter 10 000 à 15 000 euros (éligible au crédit d’impôt recherche). L’offre suivante, Mycostart, propose de multiplier les CMA indigènes intéressants trouvés sur la parcelle, de les inoculer à la vigne ou au sol sous forme solide (complantation) ou liquide (vigne en place) et de vérifier que la symbiose s’est bien opérée. Là, il faut compter 25 000 à 50 000 euros. Deux autres offres sont en cours de développement, afin de produire à plus grande échelle des mix de CMA déjà validés.

La start-up vient de finaliser un projet avec Bérillon. « Le pépiniériste souhaitait augmenter de 3 % ses taux de réussite de soudure entre porte-greffe et cépage, améliorer le développement des plants et leur état sanitaire », pose Mathilde Clément. À l’issue des deux ans de travaux, le taux de réussite a progressé de 1,6 %, la nutrition phosphatée s’est améliorée de 20 % et le poids des pieds a augmenté de 20 % en partie aérienne et de 9 % au niveau racinaire !

voir plus clair

Le microbiote désigne l’ensemble des individus microscopiques d’un organisme. Chaque cep a son microbiote, chaque organe (feuille, racine…) a ses partenaires. Certains microorganismes sont néfastes, d’autres sont bénéfiques et d’autres encore sont neutres. Certains interagissent entre eux, d’autres non. Selon les espèces, ils peuvent être présents de façon temporaire ou bien permanente. Lorsque ces individus sont sur la plante (sur les feuilles par exemple), on parle de microbiote externe. Il existe également un microbiote interne. Tout cela forme l’holobionte, c’est-à-dire un hôte avec l’ensemble de ses microorganismes.

 

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