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[CONDUITE BIO] Veiller à l'état initial de l’outil de production

À Saussignac en Nouvelle-Aquitaine, au Château Le Tap, Olivier Roches cultive 12 hectares de vigne. Il s’est installé en 2001 et a obtenu sa certification AB en 2010. Les stratégies d’entretien du sol et de protection sanitaire qu’il développe se sont forgées dès les premières années mais avec le recul, il a réalisé combien l’état initial des vignes était un facteur clé.

Olivier Roches, vigneron au Château Le Tap a obtenu sa certification bio il y a dix ans.
© C.GERBOD

Aujourd’hui, les vignes du château Le Tap sont restructurées à près de 90 % avec une densité à 5 500 pieds/ha (2 m x 90 cm). Initialement, le domaine était essentiellement planté à 2500-3000 pieds/ha. Avec l’état vieillissant des vignes et le taux de manquant, Olivier Roches ne pouvait guère compter que sur 2 000 pieds/ha selon ses comptages. Cette faible densité l’a confronté à des rendements très bas les premières années. « J’aurais dû accélérer la remise en état des vignes pour disposer plus vite d’un outil performant. Sur un bon outil de production, on peut installer le travail du sol et accepter d’avoir 10 à 15 % de baisse de rendement les premières années. » Veiller d’abord à la performance de l’outil de production est le conseil qu’il donnerait à une personne voulant se convertir en bio. Aujourd’hui, il atteint en moyenne des rendements à 50 hl/ha. Il enregistre même des 60 hl/ha sur ses sémillions et 60 hl/ha sur ses malbecs.

Une organisation implacable pour maîtriser l’herbe

La gestion de l’herbe était au départ un frein pour le vigneron, par peur que ses vignes soient jugées « négligées » par ses voisins. « Je me suis soigné, sourit Olivier Roches. L’herbe n’est pas un ennemi. Il ne faut plus avoir le côté jardin à la française. » Il veille tout de même très soigneusement à la tonte des talus qui entourent ses vignes. Il y attache d’autant plus d’importance qu’il pratique l’accueil au domaine pour la vente et l’hébergement avec des gîtes.

Dès le début, il a compris qu’il fallait gérer la concurrence de l’herbe de bonne heure dans la saison. Il s’est équipé de lames interceps, puis de disques. Il y a ajouté des brosses qui lui permettent de gérer la pousse en avril-mai lorsque la terre est collante. Pour l’efficacité et la rapidité d’intervention, il s’est organisé avec deux tracteurs : l’un outillé pour le travail du sol qui accueille lames, disques et brosses. L’autre dédié à la pulvérisation.

Ses vignes sont enherbées un rang sur deux. Il envisage de passer à l’enherbement total sur ses rangs de cabernet franc pour calmer leur vigueur. Il couple brosses ou lames plus gyrobroyeur pour limiter les passages. Il en fait en général quatre. Il souhaiterait mieux s’outiller pour travailler ses 5 ha de vignes en pentes qui lui prennent deux fois plus de temps que celles situées sur le plateau.

Sur la fertilisation, il a aussi calé les choses rapidement. Au début de son passage en bio, il se rappelle avoir déversé 40 t de fumier dans ses vignes. Un boulot énorme. Il a essayé aussi le marc composté. Puis il s’est dit qu’il était plus rationnel de faire appel à des engrais organiques mis au point par des spécialistes. Il réalise un épandage tous les deux ou trois ans en alternance, en fonction de la vigueur de ses vignes. Il a réalisé quelques essais d’engrais vert, mais sans se lancer réellement dans cette voie.

Construire sa stratégie de lutte contre le mildiou

Il n’a pas eu de répit pour la protection sanitaire. En 2007, le mildiou lui a fait perdre 50 % de sa récolte. « J’ai utilisé un produit qui se vendait comme rémanant mais qui n’a pas protégé la vigne poussante. » Il aurait pu reculer mais il a au contraire décidé de persévérer avec l’aide d’AgroBio Périgord. « En moyenne sur quinze ans, je suis à moins de 2 kg/ha de cuivre métal », affirme le vigneron. La pression mildiou tout le monde l’a. En bio on doit juste faire beaucoup plus attention. »

Il est à 9 à 10 traitements par an. Il mélange trois différentes formes de cuivre dont les efficacités se complètent. Il a pris l’habitude d’ajouter 10 % de purin d’ortie dans la bouillie et a dédié une cuve à sa préparation. Il juge que ça peut avoir un effet insectifuge et dynamisant foliaire. « Même si c’est placebo, je le fais. »

Pour atteindre ces résultats, il souligne l’importance de la qualité de pulvérisation. « J’ai toujours su que c’était important. Il faut toucher le maximum de feuilles. Je ne suis pas en pneumatique. J’ai un aéroconvecteur mais je m’en sors bien. » Il trouve que les gouttes plus lourdes permettent de mieux toucher les feuilles et favorisent moins la dérive. Il est aussi très attentif au vent. S’il gère ses 12 ha avec un salarié, c’est lui qui tient à assurer les traitements. « Je sais combien j’en mets. »

Pour éviter les problèmes de dessèchement sur le cabernet sauvignon, il le ramasse tôt et le dédie à sa cuvée de rosé.

Il regrette de manquer de temps pour expérimenter davantage mais il s’est engagé dès 2011 dans le réseau ferme Dephy. « Ça me permet de rester dans l’actualité. Ça me force à sortir la tête du guidon, de voir ce qui peut se faire. » Il a ainsi pu tester le Roméo pour renforcer l’immunité de la plante et a jugé cette expérience positive.

Des projets diversifiés pour assurer l’avenir de l'exploitation

En 2019, il a presque doublé sa production grâce aux effets de la restructuration de ses vignes, à une année favorable et à la prise en charge des 2,5 ha de vignes du château des Vigiers, un hôtel de luxe voisin. Il envisage d’investir dans un nouvel espace de stockage et de vente dès que possible. Il vient aussi d’acquérir un 3e gîte qu’il a rénové en partie avec des matériaux écologiques. La vente directe appuyée sur le potentiel touristique du Périgord est un point majeur de sa stratégie commerciale.

À un peu plus long terme, sa sensibilité à la biodiversité et son envie de transmettre à ses enfants le poussent à s’interroger plus globalement. « Je suis convaincu qu’on ne peut pas continuer à faire de la monoculture ». Il dispose d’un demi-hectare de bois où il imagine d’ici quelque temps y faire un petit élevage de cochons noirs en semi-liberté.

 

Éric Maille, technicien viticole en agriculture biologique et biodynamique à Agrobio Périgord

"Sur 10 vignerons bio, les angoisses seront différentes"

« Pour tous les vignerons les mêmes problèmes se posent mais sur 10 vignerons les angoisses seront différentes. Tout dépend de leur passé. Le bio n’est pas une substitution de pratique. C’est la mise en place d’un nouveau système de production. Ce n’est pas compliqué, c’est exigeant. Il n’y a pas plus d’impasses techniques en bio qu’en conventionnel, ni de rendements forcément inférieurs. J’accompagne des domaines en bio depuis vingt ans et je n’ai jamais eu de cas de déconversion.

Pour la lutte contre le mildiou nous préconisons des associations de produits cupriques mais c’est un peu la cerise sur le gâteau. Ce qui compte avant tout, c’est la qualité de pulvérisation. Elle doit être irréprochable car la logique de réduction des doses et de produits de contact oblige à être toujours plus précis. Chaque matériel a ses avantages et ses inconvénients, ce qui compte avant tout c’est le bon réglage. Un vieux pulvé très bien réglé sera toujours plus performant qu’une machine très récente mal réglée.

Les échecs peuvent venir aussi d’une mauvaise interprétation de la maladie, d’une mauvaise maîtrise des produits à utiliser, d’une méconnaissance du cycle du champignon… Le cuivre n’a aucun pouvoir fongicide. Quelle que soit la formulation du produit, c’est l’ion Cu2 +, qui en solution dans l’eau, a une action antigerminative sur les spores de mildiou. L’idée qui a été retenue est que le cuivre était lessivable. Cela induit des erreurs de positionnement des traitements. Arrosé par la pluie, le sulfate de cuivre va libérer les ions cuivre. Si on passe seulement après la pluie, ça n’aura pas d’effet sur les spores déjà installées."

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