« Une meilleure organisation du travail avec la repro en bandes dans notre élevage laitier de la Sarthe »
Le Gaec Belherbage, dans la Sarthe, a opté depuis 2019 pour une mise à la reproduction de ses 100 vaches en trois bandes. Un moyen de s’allouer des périodes de travail plus calmes dans l’année, sans vêlage ni insémination.
Le Gaec Belherbage, dans la Sarthe, a opté depuis 2019 pour une mise à la reproduction de ses 100 vaches en trois bandes. Un moyen de s’allouer des périodes de travail plus calmes dans l’année, sans vêlage ni insémination.


Depuis 2019, le Gaec Belherbage a adopté une conduite en bandes pour son troupeau de 100 vaches : les éleveurs inséminent une cinquantaine de bêtes pendant deux mois tous les deux mois pour s’assurer d’en avoir 30 à 35 pleines. « De cette façon, nous disposons de trois lots d’animaux avec dix génisses dans chaque lot, sur des périodes d’insémination et de vêlages regroupées sur trois mois et planifiées à l’avance », dépeint Damien Herpin, associé avec Jennifer, son épouse. Ce fonctionnement implique trois mois dans l’année – en avril, août et décembre – où il n’y a ni vêlage, ni insémination, et avec peu ou pas de vaches taries.
La repro en bandes n’est pas arrivée par hasard sur l’exploitation. Elle est le fruit d’une réflexion visant à rationaliser le travail. Jusqu’en 2013, le Gaec comptait cinq associés. En 2019, suite à différents départs à la retraite, Damien et Jennifer se sont retrouvés seuls associés, avec un salarié embauché à plein temps. « La recomposition de la main-d’œuvre du Gaec nous a conduits à une profonde remise en question, se souviennent-ils. Cela nous a poussés à cerner nos véritables motivations : la stabilité, la sécurité et le besoin de planifier. »
Fiche élevage
3 UMO dont 1 salarié
110 vaches à 10 000 kg
1 million de litres de lait livré
190 ha de SAU dont 90 de prairies
2 robots
85 jours d’intervalle vêlage-1re IA
423 jours d’IVV
25 mois d’âge au 1er vêlage
23 % de taux de renouvellement
Le Gaec disposait alors d’un outil de travail fonctionnel pour produire un million de litres de lait avec deux robots, et les éleveurs ne souhaitaient pas réduire la voilure. « Toute la question était de savoir comment faire pour structurer notre organisation afin de concilier travail et vie de famille », poursuit Jennifer.
Une refonte de l’organisation et de la conduite de la repro
Les éleveurs ont commencé par poser à plat leurs principaux objectifs en termes de travail. « Nous voulions une solution permettant de nous dégager des périodes plus calmes sur l’élevage pour être en mesure de lever la tête du guidon et pouvoir ralentir un peu », expose Damien. Le couple tenait aussi à éviter les vêlages en période hivernale pour limiter de potentiels ennuis sur les veaux. « Nous avions également envie de pouvoir partir en vacances sereinement, sans que le salarié ait à gérer des périodes à risque en notre absence. »

Les périodes de vêlage et d’insémination ont été donc calées en fonction des périodes « allégées » souhaitées : en avril pour les ensilages d’herbe et les semis de maïs, en août et décembre pour concorder avec les vacances scolaires.
En dehors de ces périodes plus creuses, le travail autour de la repro est intense « avec parfois trois à quatre vêlages et cinq à six inséminations par jour, mais il se concentre efficacement », estiment les éleveurs qui multiplient les temps d’observation durant ces périodes. « En une journée, nous passons six à sept fois chacun dans le troupeau », rapporte Jennifer en précisant qu’ils n’utilisent aucun outil de monitoring.
Organiser la repro pour ne pas la subir
Cette conduite en bandes requiert rigueur et exigence. Pour mettre toutes les chances de leur côté, les éleveurs ont contractualisé un suivi repro avec leur vétérinaire. Le contrat prévoit un forfait par vache de dix euros qui inclut les déplacements, les actes vétérinaires et le suivi global du troupeau. S'y ajoutent les frais de médicaments et les diagnostics de gestation facturés au temps passé.

« L’objectif est de limiter les temps improductifs et les risques de réforme liés à l’infertilité, insiste Damien. Nous ne voulons pas de vache en statut inconnu. Comme par exemple, typiquement, une vache qui produit du lait et pour laquelle le temps passe sans que nous n’ayons observé de chaleurs au bout de trois à quatre mois. » Les éleveurs tiennent à savoir où en est chaque vache et si ça vaut le coup ou non de dépenser une paillette. « C’est plus facile aussi de se faire à l’idée qu’une vache ne pourra pas remplir quand on sait ce qu’elle a, que ce soit lié à une endométrite chronique, une malformation ou autre. »
Les vaches sont inséminées à partir de 50 jours
Les rendez-vous avec le vétérinaire sont calés à l’avance, environ cinq par période de repro. Le praticien se concentre sur les vaches non revues en chaleur à 45 jours et les vaches à risques (jumeaux, vêlage difficile…) avec fouille, observation des glaires, échographie avant/après insémination. Il détermine le statut de l’animal ainsi que le type de soins à apporter (antibiotique, prostaglandine, spirale, acupuncture…).

Pour ne pas perdre de temps, les éleveurs recourent aux spirales vaginales contenant de la progestérone pour les vaches. « Chaque année, cela concerne une quinzaine de vaches qui ont bel et bien retrouvé une activité ovarienne mais sans chaleur exprimée, signale Damien. Quinze jours plus tard, elles sont bonnes à inséminer. Nous préférons investir dans vingt euros par spirale que réformer une vache qui tarde à revenir en chaleur. » Les génisses, quant à elles, bénéficient d’un effet flushing avec une complémentation avec 0,5 à 1 kg par jour d’avoine blanche (riche en phyto-oestrogènes) autoproduite, aplatie et broyée.

« Dès la deuxième année de mise en route du suivi repro, le nombre de réformes, essentiellement lié aux problèmes de fertilité, a été divisé par deux, témoigne Jennifer. Le nombre de paillettes par vache est passé de 2,8 à 2,1 et de 1,7 à 1,5 pour les génisses. »
Des avantages collatéraux au suivi en bandes
Ce fonctionnement motive les éleveurs au-delà des aspects travail. « C’est intéressant aussi car nous reprenons la main sur la repro, considère Jennifer qui insémine elle-même les animaux. La repro en bandes peut se montrer un peu déconcertante au début car on a peur de prendre trop de retard, avec un impact sur le revenu. Mais une fois que le système est calé, on prend le recul nécessaire. C’est toujours motivant de démarrer une nouvelle bande. On s’y remet à fond et cela donne un nouvel élan. »

Les éleveurs apprécient également les avantages collatéraux qui découlent de cette conduite. Le suivi des veaux est facilité par l’homogénéité des lots, ou encore la gestion des vaches taries. « Comme elles sont nombreuses, je n’hésite pas à faire une mélangeuse spécifiquement pour elles », précise Damien. « Je fais aussi en sorte que les transitions alimentaires et les changements de silos n’interviennent pas en pleine période d’insémination », conclut l’éleveur en souriant.

Jennifer Herpin « Maîtriser la repro est un moyen pour nous de reprendre la main sur l’élevage. »
Les Plus Les Moins de la repro en bandes
Les Plus
- Allègement du travail d’élevage trois mois par an
- Se libérer sur des périodes définies à l’avance, sans crainte d’incident sur le cheptel
- Conduite du troupeau structurée avec concentration efficace du travail
- Animaux répartis en lots homogènes (veaux, taries) ce qui facilite la conduite technique
Les Moins
- Intensité de travail sur les mois de repro
- Moins le droit à l’erreur avec risque de décalage de certaines vaches
- Davantage de besoins ponctuels en bâtiments
Avis d’expert : Domitille Rondeau, de la chambre d’agriculture de la Sarthe
« Une conduite rigoureuse et exigeante »

« Des conditions de réussite s’appliquent pour la mise en place de la repro en bandes. Il convient notamment d’être à l’aise à l’aise avec la planification du travail et l’utilisation d’outils de gestion du troupeau. Et d’être appliqué dans l’organisation des différentes étapes en respectant rigoureusement les dates et les délais liés à la repro. Du fait d’effectifs animaux plus nombreux sur des périodes plus courtes, il faut aussi anticiper les besoins d’équipements et de bâtiments. La réalisation des inséminations par l’éleveur est un plus pour respecter au mieux les échéances mais ce n’est pas indispensable. Cette conduite permet de maîtriser l’âge au vêlage et le taux de renouvellement, et donc de limliter le nombre d’animaux improductifs. »
Bien tenir le calendrier des trois bandes de 30 à 35 vaches

• Les inséminations se déroulent sur deux mois. Les vaches peuvent être inséminées deux fois sur la période. Celles qui n’ont toujours pas pris changent de bande et seront inséminées sur la seconde période. Pour certaines vaches (environ 15 %), les éleveurs peuvent décider de les décaler sur la troisième bande. L’intervalle vêlage-vêlage passe alors à 18 mois. « Viser un IVV de 12 mois n’est pas notre objectif. Si la vache présente une bonne persistance en lait, un IVV de 18 mois se montre pertinent économiquement », commente Damien Herpin.
• Hors période d’insémination, les éleveurs relâchent la surveillance des chaleurs. Ils se contentent de noter celles qu’ils voient. « Du jour au lendemain, j’arrête d’inséminer, témoigne Jennifer. La rigueur est nécessaire pour tenir le planning, il faut accepter d’être radicale, sinon c’est sans fin, et ça décale tout. »