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Un œil neuf sur les indicateurs du sol

Pour ceux qui souhaitent mesurer et objectiver l’impact de leurs pratiques au vignoble, de nombreux moyens se développent.

De plus en plus de viticulteurs viennent se former à la caractérisation de l'état du sol et à la gestion agroécologique.
De plus en plus de viticulteurs viennent se former à la caractérisation de l'état du sol et à la gestion agroécologique.
© Racine SAP

Nous avons longtemps regardé le sol à travers les analyses physico-chimiques. Texture, granulométrie, pH, teneur en azote et éléments minéraux sont des choses qui nous parlent et que nous maîtrisons, chacun à notre niveau. Ces analyses orientent nos plans de fumure et itinéraires techniques. Mais de plus en plus de viticulteurs trouvent cette vision étriquée. « Nous voyons arriver, en grosse majorité, des personnes qui ont déjà réglé les problèmes techniques sur leurs parcelles et qui veulent aller plus loin, témoigne Thibaut Déplanche, directeur général du laboratoire Celesta-lab. Des gens qui se remettent en question, ainsi que leurs itinéraires. » L’entreprise est spécialisée dans l’analyse de la biologie des sols, des produits organiques et le diagnostic de la fertilité biologique des parcelles agricoles. En plus des indications physico-chimiques, Celesta-lab quantifie les micro-organismes du sol en mesurant la biomasse microbienne, réalise une analyse compartimentale de la matière organique et déduit l’activité biologique. « En somme nous donnons les outils pour piloter la fertilité du sol », résume le directeur.

Un service spécial de caractérisation du sol pour répondre à la demande

Il constate un intérêt croissant pour ce type de prestation. L’an dernier, malgré la crise du coronavirus, le laboratoire a connu une augmentation de 15 % de ces analyses, et la demande de formations agronomiques de la part de la profession explose. Un constat partagé par l’entreprise Racine, distributeur implanté en Provence. Lors du suivi et du conseil de leurs clients, les techniciens sont de plus en plus sollicités sur ces thématiques, au point que la société a décidé de monter un service dédié à la caractérisation du sol. « L’activité de notre cellule 'État du sol' est surtout pédagogique, explique Claire Scappini, responsable technique Racine. Nous faisons des tournées de parcelles avec les viticulteurs pour regarder les problèmes. » Il s’agit dans un premier temps pour la technicienne de localiser avec ses clients les différences de vigueur, les mouillères, les zones d’érosion, les turricules laissés par les vers de terre.

Lire aussi : Estimer l’état du sol en un clin d’œil

Puis ils poursuivent les investigations, selon les cas, par la lecture de fosses pédologiques, des slake tests, pour voir la tenue à l’eau des agrégats, ou encore des tests « moutarde », pour faire sortir et compter les vers de terre. De même, ils essaient de voir l’état de la matière organique avec un petit test à la soude. « Une fois que l’on a fait ces observations, on cherche à comprendre ensemble ce qui ne va pas dans le fonctionnement du sol, poursuit la technicienne. Parfois cela peut passer par une analyse plus complète, où l’on fait étudier la nématofaune par le laboratoire Elisol. Cela nous donne des indications sur la minéralisation, la lignine et les parasites par la même occasion. »

Montrer que l’herbe et la matière organique ne sont pas ennemies du viticulteur

Pour Claire Scappini, le rapide essor de la certification Haute valeur environnementale (HVE) dans la filière a donné un coup d’accélérateur à la réflexion sur les sols et l’agroécologie. Elle observe ces trois dernières années une grosse modification dans la façon de penser des viticulteurs : il y a une prise de conscience que l’herbe n’est pas qu’un ennemi. Même si elle est encore pour beaucoup synonyme de concurrence. « De même, on a longtemps simplifié la vision de la matière organique en disant que c’était de l’azote, remarque Thibaut Déplanche. Ce qui fait peur aux vignerons. Mais ce n’est pas qu’un réservoir nutritif, elle a aussi un rôle dans la porosité, la rétention de l’eau, la cohésion des agrégats. Et en vigne elle est loin de causer des problèmes de vigueur. »

Lire aussi : La biologie du sol, nouvelle composante des analyses agronomiques en vigne

Que ce soient des viticulteurs qui ont développé une sensibilité particulière à la vie du sol et souhaitent réduire leur impact, ou d’autres qui sont lassés de passer leur vie sur le tracteur, nombreux sont ceux qui s’interrogent de nouveau sur le rôle de la matière organique, le fonctionnement des vers de terre et des micro-organismes. « Mais ils ont du mal à voir comment marchent les mécanismes de la fertilité », note Claire Scappini. Une fois ce savoir acquis, c’est une myriade d’indicateurs qui s’ouvrent à eux pour piloter leurs pratiques : quantité et qualité des organismes vivants dans le sol (test bêche, analyse biologique…), dynamiques de minéralisation (test du slip, litter-bag, analyses de la matière organique…) ou encore structuration du sol (slake test, test bêche…).

 

Vincent Goumard, vigneron sur 16 hectares à Jonquières, dans l’Hérault

Les analyses biologiques me permettent de prendre les bonnes décisions

« J’ai pendant longtemps réalisé des analyses de sol classiques, qui me donnaient le taux de matière organique, le rapport C/N, les éléments… mais je pressentais qu’il manquait quelque chose. C’est une vision figée, une photographie. Depuis 2015 je réalise des analyses plus fines, qui donnent une indication sur la dynamique de minéralisation. Je fais cela sur quelques parcelles représentatives et celles où j’ai des problèmes en particulier, et je renouvelle au bout de 5 ans. J’ai ainsi vu des différences dans l’évolution du sol et constaté que mes pratiques sont pertinentes par rapport à mon objectif de vigne autonome et d’équilibre du sol. Ces analyses me permettent de piloter mes pratiques et de prendre les bonnes décisions. Car quand la matière organique baisse, la vigne ne montre pas tout de suite de signaux d’affaiblissement. Lorsqu’on s’en aperçoit sur le végétal c’est qu’il est trop tard. De telles analyses ont un coût, un millier d’euros environ, mais je trouve que c’est un investissement pertinent. On peut vite le rentabiliser en renouant avec les rendements. »

Quand l’analyse du végétal donne des indications sur le sol

Il y a deux ans, le laboratoire Auréa Agrosciences a lancé l’outil NutriSarment, un diagnostic du végétal au secours du sol. « C’est une offre nouvelle de service d’analyse, expliquait Alain Kleiber, ingénieur conseil au laboratoire, lors de son lancement. Les analyses de sarment existent déjà, mais nous avons travaillé sur des indicateurs qui donnent une idée conjointement sur les sarments et sur le sol. Cela nous permet d’être beaucoup plus précis dans les explications et les conseils. » En effet, le plus souvent, l’analyse de végétal n’est utilisée que pour identifier des carences ou des problèmes sur une parcelle. Or, selon le laboratoire, son champ d’application est beaucoup plus large, notamment pour caractériser le fonctionnement d’un sol, en termes de contraintes sur la nutrition ou de réponse aux conditions pédoclimatiques. C’est le cas par exemple pour les dysfonctionnements de la rhizosphère. Les facteurs qui limitent l’activité des racines pénalisent notamment les prélèvements de la vigne en phosphore, calcium, magnésium, fer, soufre et zinc. Ainsi, de faibles teneurs de ces éléments dans la plante peuvent trahir un manque de porosité, un excès d’eau ou encore des tassements de sol. Pour être sûr que cela provient d’un dysfonctionnement lié au sol, l’outil NutriSarment confronte la disponibilité de l’élément au sol et sa présence dans le végétal : si l’élément est disponible mais qu’il n’est pas retrouvé dans les sarments de la vigne, c’est qu’il y a eu une entrave à la nutrition.

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