Sécuriser l’hygiène du chaponnage
Minimiser les problèmes d’élevage après l’ablation des gonades des jeunes coqs et pintadeaux repose sur un ensemble de bonnes pratiques avant, pendant et après le chantier de chaponnage.
Minimiser les problèmes d’élevage après l’ablation des gonades des jeunes coqs et pintadeaux repose sur un ensemble de bonnes pratiques avant, pendant et après le chantier de chaponnage.
Autrefois mets de luxe, le chapon de poulet a conservé son image de produit d’exception de la gastronomie française, tout en se démocratisant largement. Selon le Synalaf, environ 1,4 million de poulets label rouge sont chaponnés quasi exclusivement pour être consommés fin décembre, auxquels il faut ajouter environ 300 000 chapons labels de pintades et environ un million de chapons de poulet non-label.
L’obtention de ces chapons passe obligatoirement par une intervention chirurgicale réalisée par du personnel compétent, non vétérinaire, comme le permet la réglementation (arrêté du 5 octobre 2011).
En pratique, les chaponneurs professionnels au geste assuré sont appelés par les organisations de production label et bio, ou encore des éleveurs indépendants. Une équipe peut opérer plusieurs milliers de poulets par jour, à condition que le chantier soit bien organisé. Depuis quelques années, des vétérinaires accompagnent ces chantiers pour vérifier et garantir le respect des conditions d’hygiène et le bien-être des animaux. C’est le cas du docteur Mokrane Mellal, praticien en Bretagne. Il nous a fait part de ses conseils quelques semaines avant le début de la saison du chaponnage.
Limiter le stress des volailles
Pour faciliter l’intervention et la récupération des volailles, il est recommandé d’opérer des poulets âgés de 3 à 4 semaines au maximum (700-800 g de poids vif). Leur faible emplumement facilite l’asepsie du champ opératoire.
Avant l’intervention, les volailles sont mises à jeun suffisamment tôt, afin que les intestins soient vides pour faciliter l’extraction des deux gonades par l’incision pratiquée. Les volailles sont en diète totale depuis la veille (12 h maximum selon la réglementation). Auparavant, elles ont reçu des réhydratants pour compenser le début de la diète alimentaire.
Pour limiter le risque d’aspergillose, les éleveurs peuvent pulvériser des antimycosiques (type énilconazole) les deux jours précédents. Il est aussi recommandé de ne pas repailler pour limiter la charge en particules aériennes.
Juste avant d’être opérés, tous les oiseaux sont placés dans des caisses d’attente. « Évitez de superposer les caisses remplies, idéalement posées sur des tréteaux pour une meilleure ventilation », détaille le vétérinaire. À cet âge, il faut placer au maximum 29-30 animaux par caisse de 55 sur 80 centimètres (180 à 200 cm2 par individu). « Et bien sûr, le délai d’attente entre la mise en caisse et l’opération est court. »
Durant le chantier, la température optimale d’intervention est de 26-27 °C dans le bâtiment, correspondant à la consigne de températures et fatiguant moins les intervenants. Un chantier doit se dérouler dans le calme en minimisant les bruits, source de stress pour les animaux. Certains éleveurs mettent de la musique.
Après l’intervention, les chapons sont relâchés dans le bâtiment séparément des femelles. Ils ont immédiatement accès à de l’eau et de l’aliment.
Réduire le risque d’infection
Un élevage n’étant pas une salle de chirurgie, l’aseptise totale est illusoire, mais on peut s’en approcher.
Juste avant l’opération, un premier assistant positionne les volailles tandis qu’un second asperge le champ opératoire d’une solution désinfectante (gluconate de chlorhexidine à 0,05 %). « Après cette pulvérisation, il ne faut jamais passer de main sur le plumage, car elle forcément chargée de bactéries », souligne le vétérinaire.
Quant au chaponneur, il ne touche jamais les animaux qu’il opère. Après chaque série de volailles opérées, les instruments sont désinfectés par trempage dans le désinfectant à 0,5 %.
Soutenir l’oiseau avant et après l’opération
Pour accompagner spécifiquement le chaponnage, le vétérinaire conseille une cure de vitamines et de renforçants distribués la veille dans l’eau de boisson. Elle se prolonge les deux jours suivants en ajoutant des produits à base de plantes ou d’huiles essentielles pour accélérer la cicatrisation des plaies.
On n’intervient pas sur un oiseau malade. Dans certains cas, une autopsie peut être réalisée la veille, afin d’examiner l’état des sacs aériens, un aspect mousseux pouvant faire suspecter une colibacillose.
Avoir une bonne hygiène générale
L’arrivée des huit intervenants (2 chaponneurs avec 6 attrapeurs et manipulateurs) nécessaires pour un bâtiment de 400 m2 (2 200 coqs à opérer), se prépare dès le parking à situer à bonne distance de l’élevage.
Mokrane Mellal recommande de nébuliser du désinfectant les roues et les bas de caisses des véhicules, sachant qu’ils circulent d’élevage en élevage.
Les tenues et chaussures doivent être propres et spécifiques à chaque chantier. Il ne faut non plus oublier le matériel d’intervention (tables, caisses de stockage temporaire, instruments, lampes frontales, petit matériel) qui a été nettoyé et désinfecté à la fin du chantier précédent.
Le sas sanitaire, avec au moins deux zones (sale et propre), doit être équipé et utilisé par tous (eau, savon, gel hydro alcoolique, essuie-tout jetable à disposition).
« La principale difficulté est de faire respecter la biosécurité en cours de chantier, notamment lors des pauses et à la fin du chantier quand la fatigue se fait sentir, constate le vétérinaire. Je conseille de délimiter un espace extérieur désinfecté (chaux au sol par exemple) avec deux pédiluves (désinfectant liquide puis chaux) avant de retourner dans le bâtiment. » Des pédisacs peuvent aussi être enfilés pour sortir.
Accompagnement et conseils du vétérinaire
« Il est bien loin le temps où on employait des antibiotiques en préventif sur les chapons, relate Mokrane Mellal. Maintenant, nous privilégions les alternatives non médicamenteuses, comme la démarche Alterbiotique du groupe Cristal. Les antibiotiques sont vraiment notre dernier recours pour soigner des volailles malades. »
En partenariat avec l’organisation de production, les vétérinaires peuvent :
- Former les intervenants (attrapeurs saisonniers et nouveaux chaponneurs) aux bonnes pratiques de biosécurité, à l’hygiène et à la protection animale ;
- Préparer les plans de prophylaxie (PSE) adaptés à chaque élevage de chapons selon leur contexte sanitaire. L’an dernier, Mokrane Mellal a constaté dans un élevage de la mortalité à 22 semaines, liée à Ornithobacterium. « En réalité, un pneumovirus se 'cachait' derrière cette bactérie opportuniste. J’ai préconisé une vaccination contre la grosse tête pour les chapons de cette année. » Connaître la qualité bactériologique de l’eau de boisson est aussi un préalable ;
- Faire une visite de chaque chantier de chaponnage pour rectifier le tir si nécessaire et encadrer l’intervention de chaponnage ;
– Réaliser le bilan sanitaire de la saison passée avec l’organisation et/ou l’éleveur avant de redémarrer la saison.