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Journée blé dur
Contrats, pâtes premium : comment la France veut relancer sa filière blé dur

Suite à une étude de grande ampleur, les acteurs du secteur du blé dur en France ont opté pour un plan stratégique et un plan de développement ambitieux pour « faire filière ». Produit premium, contractualisation et R&D sont au cœur du projet de la filière blé dur.

Lors de la table-ronde de présentation de la stratégie de filière pour le blé dur à La Rochelle le 1er février 2022, pendant la journée blé dur organisée par Arvalis - Institut du végétal : Matthieu Killmayer (Arvalis), Nicolas Prévost (Durum), Frédéric Gond (Comité de pilotage filière blé dur), Jean-François Loiseau (Intercéréales), Eric Thirouin (AGPB) et Stéphane Jézéquel (Arvalis). Bernard Skalli (Sifpaf/CFSI) et Claude Tabel (Union des semenciers) participaient en visioconférence.
© Thierry Michel

Réunis en présentiel à La Rochelle ce mardi 1er février 2022 lors de la journée blé dur organisée par Arvalis – Institut du végétal (les débats pouvaient également être suivis à distance), les acteurs du secteur en France ont d’abord découvert les constats et pistes de développement d’une vaste étude (10 mois de travail, 80 entretiens réalisés, 8 réunions de suivi) concernant tous les maillons de la chaîne de production et de transformation du blé dur dans l’Hexagone.

Coût, productivité, valeur, benchmark, prise de recul, enjeux : autant d’aspects qui ont guidé ces travaux effectués par le Ceresco (ex-Blézat Consulting, un cabinet de conseils en alimentation, filières et territoires) et son PDG Bertrand Oudin, à la demande commune d’Intercéréales, de FranceAgriMer, de l’AGPB et du Sifpaf/CFSI. Tout ceci dans un contexte de crise sanitaire liée à la Covid-19, une reprise économique aussi forte que difficile à maîtriser (adéquation offre/demande, emballage, logistique…), une mauvaise campagne de production pour le principal acteur des échanges mondiaux en blé dur (le Canada), des prix qui ont flambé à la fin de l’été 2021 et des habitudes de consommation en nette évolution sur un temps très court.

Le diagnostic a porté sur les étapes de la production (exigence de la culture, risque porté par l’agriculteur, conduite de la culture, azote, gaz à effet de serre, baisse des surfaces, forces et faiblesses du maillon…), du travail du grain (faits et chiffres, silos parfois inadaptés en taille, défi du sans insecticide de stockage, augmentation de la collecte en bio, capacité à gérer la variabilité de la quantité et de la qualité lors d'une même campagne, fort risque commercial…) et de la transformation (marché très concurrentiel, augmentation du nombre des marques, pas de positionnement des acteurs français sur le haut de gamme, végétalisation de l’alimentation, compétitivité de l’offre française face aux concurrents internationaux…).

Actions, axes et groupes de travail

De l’ensemble de ces travaux, réflexions et échanges, les représentants de l’ensemble des acteurs du secteur ont déduit un projet stratégique articulé autour de quatre notions. D’abord l’idée de valorisation avec la création d’une démarche Premium « pour valoriser la qualité du produit et de la logistique française ». Pour Jean François Loiseau, président d’Intercéréales, « la question des pâtes premium est une vraie bonne question, en parallèle de celles de la génétique et de la contractualisation. La mise en musique est bien sûr à organiser mais on peut se servir d’exemples existants comme en orge de brasserie/bière ou pour certains blés tendres ».

Ensuite, le thème, peut-être le plus ardu à accepter pour certains acteurs, de la contractualisation. « C’est un peu à l’encontre de nos habitudes de producteurs mais nous sommes en présence d’un marché mondialisé, même s’il l’est moins qu’en blé tendre » précise Eric Thirouin, président de l’Association générale des producteurs de blé. L’idée serait de démarrer avec de petits volumes (jusqu’à 15 % du volume produit par l’agriculteur sous contrat), « pensé à la fois en termes combinés de prix et de volumes, et en logique pluriannuelle sur trois ans par exemple », ce qui permettrait de sécuriser les relations entre le producteur et son organisme stockeur notamment. Rappelons que la contractualisation et l’organisation en filière sont des points essentiels pour que le secteur du blé dur soit exonéré de la réglementation Egalim 2. « C’est une bonne idée de se donner un objectif sur de petits volumes pour créer un contrat de confiance entre les acteurs. Gardons à l’esprit aussi que les signaux du marché doivent se transmettre à l’ensemble des acteurs pour éviter d’avoir des acteurs tampons qui encaisseraient à eux seuls ces signaux, ce serait catastrophique. C’est notre travail dans les semaines à venir, avec tous nos droits mai aussi nos devoirs » ajoute Jean François Loiseau. « Je suis en plein accord avec Jean-François Loiseau et Eric Thirouin. Il est très cohérent de parler de contractualisation en ayant à l’esprit que la contractualisation n’est pas une raison d’être mais une incitation à durer. Au final, c’est le consommateur qui tranchera » renchérit Bernard Skalli, président du Sifpaf/CFSI.

Dans cet état d’esprit, le contrat blé dur lancé le 11 janvier par Euronext et Sitagri est plutôt bien accueilli par la filière. « C’est un bon outil qui doit faire ses preuves maintenant » a lancé Nicolas Prévost, responsable de la commercialisation de la collecte Arterris et directeur commercial de  Durum SAS. Ce contrat, qui se devra d’être le plus liquide possible pour signifier quelque chose, donnera au moins la possibilité aux différentes parties prenantes de s’appuyer sur un repère prix.

Le troisième point concerne la relance d’une dynamique des investissements, notamment en matière de sélection variétale et de recherche. Mais cette idée concerne aussi les outils de l’aval de la filière : adaptation de la logistique et des transports, outils d’analyse des grains permettant une gestion meilleure et plus rapide des flux arrivant et sortant, outils d’aide à la décision, numérisation et digitalisation de la data à toutes les étapes de la production afin de capitaliser dessus et de mettre en place de la modélisation…

Enfin, l’innovation est aussi au cœur de ce plan, avec deux aspects : les outils de travail du grain et les enjeux de demain (climat, environnement, biodiversité, émission de gaz à effet de serre et décarbonation pensés sur l’ensemble de la filière).

Sur ces aspects de financement (investissements, R&D, innovation), Jean François Loiseau a bien précisé que « nous avons tous un effort de guerre collectif à faire, pas que les agriculteurs, tout le monde ».

Tous les intervenants sont également tombés d’accord pour dire que toutes ces thématiques, par ailleurs organisées en neuf groupes de travail, ne vont pas les unes sans les autres : pas de rendement, pas de compétitivité, pas de segmentation commerciale sans R&D, sans innovation produits, sans ajustement des outils ou encore sans prise en compte de la demande des clients – consommateurs – citoyens et inversement. Intercéréales, FranceAgriMer, l’AGPB et le Sifpaf/CFSI ont inscrit ce plan stratégique, conformément aux engagements pris à la fin de l’été 2021, dans l’esprit d’Egalim2.

 

LA FILIÈRE BLÉ DUR EN FRANCE EN QUELQUES CHIFFRES (2020)
Plus de 22 000 producteurs de blé dur en France,
Production de1,3 million de tonnes de blé dur sur 252 000 hectares,
1/3 de la production de grains est utilisée par la semoulerie française, dont 14 % est exporté sous forme de semoule,
2/3 de la production de grains est exportée (vers l’UE et les pays du Maghreb),
5 usines de semouleries, 7 usines de pâtes et 4 sites de production de couscous,
Production de plus de 258 000 tonnes de pâtes sèches, dont 18 % exportées,
Production de près de 90 000 tonnes de couscous, dont 26 % exportées.

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