Plus d’un tiers des maires ruraux sont épuisés
Deux chercheurs de l’université de Montpellier ont mené des travaux d’enquête sur la santé mentale des maires ruraux en France. Ce travail inédit passe au crible le ressenti, qu’il soit heureux ou plus douloureux, des édiles.
Deux chercheurs de l’université de Montpellier ont mené des travaux d’enquête sur la santé mentale des maires ruraux en France. Ce travail inédit passe au crible le ressenti, qu’il soit heureux ou plus douloureux, des édiles.
C’est un fait méconnu mais la France compte le plus grand nombre de maires au monde. Ils sont 34 893 (dont une majorité de maires ruraux) et jouent un rôle important dans toutes les communes de France. Une étude de l’observatoire Amarok menée par Olivier Torres et Mathieu Le Moal de l’Université de Montpellier s’appuie sur deux enquêtes successives ayant collecté 300 600 données auprès de 1120 maires pour la première (du 22 février au 13 mars 2024), puis de 900 maires pour la seconde (du 7 juin au 11 juillet 2024).
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L'isolement du maire : un facteur aggravant
Il ressort de cette enquête dont est partenaire l’Association des maires ruraux de France (AMRF) que sur la base d’un échantillon représentatif redressé en fonction de l’âge, du sexe et du cumul avec un emploi, 31,40 % des maires font face à un début d’épuisement et 3,48 % sont en risque sévère d’épuisement, ce qui correspond à une fourchette de 1 142 à 1 218 maires actuellement dans le pays.
L’étude précise que bien que ce chiffre puisse paraître préoccupant, il demeure proche de ce que l’observatoire Amarok a pu observer par le passé au sujet de l’épuisement des dirigeants de PME. Il faut souligner que les femmes maires présentent un risque de burnout significativement plus élevé. De même, l’isolement du maire est un facteur aggravant.
« Les maires sont très investis mais très empêchés »
Parmi les éléments constitutifs d’épuisement, les maires font état d’un sentiment de fatigue, de déception, d’un mauvais sommeil et d’impuissance. Les auteurs de l’étude expliquent que le sentiment d’impuissance est relativement plus élevé que pour d’autres professions : il n’arrive ainsi qu’en sixième position chez les dirigeants de PME.
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Des loi « ruralicides » pointées du doigt
Les édiles français sont, pour les auteurs, à la fois très investis mais très empêchés, d’où un certain sentiment d’impuissance. Selon eux, ils souffrent d’une forme de « syndrome d’épuisement de frustration ». En cause notamment : des lois « ruralicides » et des textes qui « privent les maires de toute marge de manœuvre ».
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70 % affichent une satisfaction en tant qu’élu
Et alors que l’idée de maires se sentant découragés est amplement véhiculée dans l’opinion publique, il s’avère que 69,3 % d’entre eux affichent une satisfaction en tant qu’élu. Pour les besoins de l’étude, 34 évènements positifs, les “satisfacteurs”, ont été catégorisés et hiérarchisés pour construire un « satisfactomètre » des maires. Parmi les éléments de satisfaction liés à la fonction d’élu, la réussite d’un projet est le plus fort motif de satisfaction. En deuxième position, les cérémonies ou célébrations sont des évènements vécus comme étant très positifs. Vient ensuite en troisième position une bonne entente avec l’équipe municipale, suivi de près par une bonne entente avec les agents dont il assume la responsabilité.
Les maires dénoncent « la complexité et la lourdeur administrative »
Comme pour les événements positifs, un « stressomètre » regroupant 34 facteurs a été mis en place pour cette étude. Arrivent en tête des phénomènes stressant la « complexité et la lourdeur administratives », puis (et certainement liée au premier facteur) « la charge de travail de la fonction et le manque de temps » et enfin « la gestion des subventions ». Les agressions, souvent médiatisées, sont également évaluées à un niveau élevé de stress mais n’apparaissent qu’à la 6ème position. Parmi les autres sources de stress, les conflits sont durs à vivre, au premier rang ceux qui concernent les élus entre eux.
Création prochaine d’un outil de dépistage de burn-out pour tous les maires
Dans un futur proche, l’observatoire Amarok et l’AMRF vont mettre en place un dispositif de santé mentale pour tous les maires ruraux avec un système de dépistage du risque de burnout et en cas de dépassement d’un seuil d’alerte une écoute sera proposée aux élu(e)s. « En préservant les maires, la République se protège elle-même, en soutenant ceux qui sont au cœur de son fonctionnement quotidien et qui incarnent sa présence auprès des citoyens. Une République mature est une République qui protège ceux qui la servent » concluent les auteurs.