Alimentation des porcs : Une flore de soupe sous contrôle
Une mauvaise qualité microbiologique de la soupe impacte la consommation voire la santé des porcs. Le point sur les critères d’alertes et les mesures préventives et correctives, lors d’une réunion Airfaf Pays de la Loire.
Une mauvaise qualité microbiologique de la soupe impacte la consommation voire la santé des porcs. Le point sur les critères d’alertes et les mesures préventives et correctives, lors d’une réunion Airfaf Pays de la Loire.
Lors du passage à l’alimentation liquide en début d’engraissement, vous constatez un manque d’appétit des porcs : leur niveau de consommation n’a toujours pas atteint les 100 % de la courbe d’alimentation au bout de quatre à cinq jours et ils tardent à retrouver leur ingéré de fin de post-sevrage. Une fois éliminée les premières causes, c’est-à-dire un mauvais réglage de la machine à soupe ou une éventuelle contamination des céréales en mycotoxines pour les fafeurs, la raison est peut-être à chercher dans la qualité microbienne de la soupe. « Une soupe de mauvaise qualité sanitaire n’a pas bon goût et n’est pas consommée », a rappelé Fabien Larcher, vétérinaire Selvet (groupe Chêne vert conseil), lors d’une réunion d’Airfaf Pays de la Loire, organisée en partenariat avec Nutréa le 27 février à Beaupréau, en Maine-et-Loire. Deux autres signes cliniques sont évocateurs d’un problème de flore : des pertes liées à des entérotoxémies en engraissement et des truies dont la consommation plafonne en maternité.
Un équilibre entre les bonnes et les mauvaises bactéries
La soupe n’est pas un milieu inerte. Elle est composée d’une flore constituée de micro-organismes provenant des matières premières, de l’eau (attention à sa qualité microbiologique) ou du biofilm, qui tapisse les cuves et l’ensemble des circuits de distribution. « La fermentation démarre dès le mélange des matières premières avec l’eau dans la soupière. Tout l’enjeu est d’orienter l’équilibre microbien vers une flore positive (riches en bactéries lactiques) et de limiter la prolifération de levures ou de bactéries pathogènes. »
Avant toute chose, c’est la réalisation d’analyses qui permettra de statuer d’un problème de flore. Pour avoir un échantillon représentatif, le vétérinaire conseille de faire au minimum deux prélèvements de soupe (l’un dans la soupière et le second en bout de ligne), de préférence le matin, et de les envoyer au plus vite au laboratoire, protégés par des pains de glace (ne pas les congeler). L’analyse bactériologique est basée sur les critères de flore totale à 30 °C, coliformes totaux (indicateurs d’hygiène), bactéries lactiques (flore non pathogène) et ASR (anaérobies sulfito-réducteurs, indicateurs de biofilm). Compter 75 euros par prélèvement. « L’interprétation d’une analyse de soupe n’est pas toujours évidente. On se base surtout sur le ratio entre les bactéries lactiques et les coliformes (qui doit être supérieur à 10 000) et la teneur en ASR, inférieure à 1000 pour une bonne flore (voir tableau)."
Un risque d’amines biogènes plus élevé en FAF
Il existe peu de références concernant les levures et celles-ci sont dures à qualifier, certaines étant bénéfiques et d’autres non. Lallemand retient 500 000 UFC/ml comme valeur maximale à partir de laquelle la qualité et la conservation des matières premières doivent être réévaluées. Certains champignons produisent des métabolites dont de l’alcool, de l’acide acétique,… qui impactent le goût et l’appétence de l’aliment. C’est aussi le cas des amines biogènes, issus de la dégradation par les bactéries des acides aminés de synthèse et dont les noms parlent d’eux-mêmes : putrescine, cadavérine… Une étude Lallemand de 2011 avait montré que les matières les plus à risques concernant la présence d’amines biogènes étaient les coproduits et le maïs humide. Pour les fafeurs, maintenir une bonne flore passe donc d’abord par une bonne maîtrise de la qualité sanitaire des matières premières : dépoussiérage des céréales, acidification à la récolte du maïs, acidification des coproduits, nettoyage régulier des cellules de stockage…
Le vétérinaire recommande par ailleurs un nettoyage hebdomadaire des cuves de soupe (lavage manuel ou automatique, sous haute pression ou à l’aide d’acides mais pas de désinfectants) suivi d’une vidange du fond de cuve. Selon Lallemand, le biofilm se reconstitue en cinq jours. Les descentes devraient idéalement être nettoyées avant chaque mise en engraissement, à l’aide d’un furet. « Ce sont les zones les plus contaminées de l’élevage. On a mesuré jusqu’à 100 g de dépôts par mètre linéaire. »
Il est aussi conseillé de fabriquer la soupe juste avant sa distribution. Par ailleurs, l’incorporation en continu ou par phase de bactéries lactiques ou d’acides permet de l’hygiéniser avec un effet antibactérien en particulier sur les coliformes et les clostridiums. « Privilégiez les mélanges d’acides organiques dont l’acide lactique pour avoir un effet synergique », précise-t-il.
Le décapage du circuit de soupe ne doit être pratiqué qu’en cas de diagnostic d’un problème de qualité de flore. « Sinon on casse le bon biofilm. » Après un nettoyage à haute pression des cuves, il consiste en un passage d’un produit alcalin jusqu’aux circuits, un rinçage et un détartrage à l’aide d’un produit acide en laissant agir quatre à six heures avant rinçage et vidange. « Ce protocole doit obligatoirement être suivi d’un réensemencement à l’aide de probiotiques et/ou de mélanges d’acides. Il est risqué de laisser la flore se refaire toute seule car les entérobactéries sont souvent les plus rapides à se développer. »
Le saviez-vous ?
Le biofilm est constitué d’un amas de bactéries, d’algues et de matières organiques et minérales. On le repère par son aspect visqueux lorsque l’on passe le doigt sur une surface. Il se développe sur les parois des cuves de soupe, les tuyaux et en particulier sur les zones de contact entre la soupe et l’air, notamment les descentes… Au-delà de l’hygiène, le biofilm a aussi un impact sur la valeur alimentaire de la soupe. En 400 mètres de circuit, le biofilm peut consommer jusqu’à 30 % de la lysine de synthèse incorporée dans l’aliment. Les bactéries du biofilm ont en effet un métabolisme 100 à 1000 fois plus actif que les bactéries de la soupe.
L’ensemencement Bactocell en pratique
À l’occasion de la réunion Airfaf, Maya Boone de Lallemand a présenté la bactérie lactique vivante Bactocell, utilisable à triple dose pour ensemencer les circuits de soupe. « Également compatible en agriculture biologique, Bactocell contribue au maintien d’une flore digestive positive et favorise la digestibilité de la ration, pour de meilleures performances. Il a la grande aptitude de coloniser les circuits (parois des cuves de mélanges, tuyauterie…) pour créer un biofilm positif et mieux contrôler les fermentations des soupes. » Réalisé après un nettoyage et une désinfection des circuits de soupe, l’ensemencement consiste à mélanger dans la soupière une céréale (blé, maïs ou autre), de l’eau (tiède, si possible) et une triple dose de Bactocell (300 g par tonne d’aliment sec) et à laisser fermenter pendant une nuit. L’opération est renouvelée pendant cinq jours, le temps de constituer le biofilm. « Le Bactocell ne doit pas être mélangé dans de l’eau seule car les bactéries lactiques ont besoin de nutriments pour se développer. En parallèle, le Bactocell doit être apporté quotidiennement dans la ration afin de maintenir le bon biofilm. Il est conseillé d’augmenter le temps de brassage de 4 à 10-15 minutes pour augmenter le taux d’acide lactique produit par la bactérie et qui varie entre 8 et 12 kg/t d’aliment sec, précise-t-elle. L’observation d’un biofilm blanchâtre sur les bords de la soupière après plusieurs semaines d’utilisation est le signe d’une bonne hygiène de soupe. »