Selon Ceva santé animale, les truies hyperprolifiques assurent en moyenne une production de colostrum suffisante
Les truies hyperprolifiques ont la capacité d’assurer un apport de colostrum suffisant à leur nombreuse progéniture, selon une étude du laboratoire Ceva santé animale.
Les truies hyperprolifiques ont la capacité d’assurer un apport de colostrum suffisant à leur nombreuse progéniture, selon une étude du laboratoire Ceva santé animale.
Lors d’une journée technique organisée le 8 octobre dernier à Saint-Brieuc, dans les Côtes-d’Armor, Ceva santé animale a présenté les résultats de son étude sur la production de colostrum des truies hyperprolifiques. « L’objectif était de vérifier si les données disponibles dans la littérature sur le colostrum, sa production et la qualité de son transfert au porcelet, obtenues sur des truies du XXe siècle, étaient également valables aujourd’hui pour les truies hyperprolifiques et leurs portées », résume Philippe Leneveu vétérinaire Ceva santé animale, qui a encadré les travaux conduits sur l’année 2018 par un étudiant vétérinaire d’Oniris à Nantes, Benoît Launay (1). « Son travail a consisté à assister aux mises bas de six portées par élevage dans dix élevages, en chronométrant tous les événements, en réalisant des prélèvements de colostrum sur les truies et surtout en pesant les porcelets. » Les truies ont fait naître 17,1 nés totaux par portée en moyenne, ce qui correspond au niveau moyen des truies hyperprolifiques actuelles. Lors de la journée technique, l’impact de la qualité de la prise colostrale a été présenté pour l’essentiel sous forme de questions-réponses.
Quel est le gain de poids d’un porcelet dans les premières 24 heures de vie ?
« C’est une question piège car il y a plusieurs réponses », prévient Philippe Leneveu. Une première réponse consiste à ne regarder que la moyenne des gains de poids à 24 heures de vie (GP24). « En moyenne, la prise de poids était de 88 g, ce qui correspond à l’ingestion moyenne de 270 g de colostrum par porcelet. » C’est au-dessus des recommandations de la littérature, qui fixent les besoins du porcelet à 250 g minimum pour couvrir à la fois ses besoins énergétiques immédiats et la protection immunitaire à moyen terme. « Ce résultat est une surprise pour des truies hyperprolifiques, car il était acquis que la production de colostrum par les truies ne dépendait pas de la taille de portée. Cette production était considérée comme plafonnée. Ici, nous observons que, même en cas d’hyperprolificité, les porcelets reçoivent en moyenne un apport suffisant de colostrum. » Philippe Leneveu s’empresse cependant de compléter ce résultat par la seconde réponse : l’éventail de valeurs de ces GP24 est très important, de -164 g (le porcelet a perdu du poids et n’a probablement pas bu de colostrum) à +370 g. « 13,4 % pèsent moins lourd à 24 heures de vie qu’à la naissance. Ce sont probablement eux qui vont constituer les pertes au 2e jour de vie. » De plus, une prise de sang a été réalisée à 24 heures de vie pour évaluer la concentration en immunoglobulines (IgG) dans le sang des porcelets (forcément issues du colostrum). « Nous avons observé qu’un GP24 insuffisant (<50 g) est trois fois plus fréquent qu’un transfert immunitaire insuffisant (<20 mg d’IgG/ml de sérum). » Ce qui renforce le constat que « les attentions aux porcelets lors de la première journée de vie sont doublement déterminantes ».
13,4 % des porcelets perdent du poids le 1er jour de vie
Répartition des porcelets selon leur gain de poids à 24 heures de vie
Y a-t-il un problème d’accès à la mamelle des truies hyper ?
Non. « Si la mise bas est longue, leur moindre survie est liée à l’anoxie in utero. Mais une fois nés vivants, ils sont même une proportion plus importante que les premiers nés à atteindre 50 g de GP24. » C’est l’autre bonne surprise des truies hyperprolifiques. Il est bien admis que le risque de mortinatalité augmente avec la durée du travail de la truie. « Dans notre étude aussi, le nombre de mort-nés augmente à partir de la deuxième heure de mises bas. Au-delà de sept heures, il y a alors 40 % de mort-nés, contre 1 % sur la première heure. Tandis que les pertes sur nés vifs n’augmentent que pour les portées dont la mise bas dure cinq heures et plus. » Mais les derniers nés n’accèdent pas moins facilement à la mamelle, selon l’étude.
Gain de poids à 24 heures en fonction du rang de naissance (portées > = 16 nés vivants)
Quelle est l’importance du gain de poids à 24 heures ?
La littérature montre bien que le poids de naissance est étroitement associé au poids de sevrage, qui est lui-même associé au poids d’abattage. « Dans l’étude, nous montrons aussi que le gain de poids à 24 heures est étroitement associé au GMQ à trois semaines, lui-même étant associé au GMQ sevrage-vente. » Plus il est élevé, meilleures sera la croissance des animaux. Il faut donc viser un gain de poids le premier jour de vie d’au moins 50 g. « Mais les gros porcelets ne sont pas les seuls concernés. Le poids de naissance n’explique pas tout : un quart des porcelets de 600 à 800 g de poids de naissance s’en sortent, alors que jusque 15 % des porcelets dont le poids était supérieur ou égal à 1,4 kg avaient un gain de poids à 24 heures inférieur à 50 g. » Il reste que les porcelets petits et moyens ont besoin de plus d’attentions (surveiller le ventre rebondi), ce qui est facilité par la disponibilité permanente du colostrum le jour de la mise bas. « Il faut donc viser pour eux un ingéré maximal. » Tout en s’assurant « que les gros porcelets ne dérapent pas. Ce n’est pas si rare ! »
Gain de poids à 24 heures en fonction du poids de naissance
Quelle proportion des pertes sur nés vif survient dans les 24 premières heures de vie ?
Plus du tiers des pertes sur nés vif se produisent sur les 24 premières heures de vie. Philippe Leneveu précise que « la pesée à 24 heures de vie est la seule donnée indicatrice de la prise colostrale, puisque la pesée à la naissance se faisait avant la première tétée. Ce qui veut dire que nous n’avons pas de données sur la prise colostrale de ces porcelets morts au cours du premier jour de vie. » Une autre observation demeure : tous les nés vifs pesant moins de 600 g sont morts avant sevrage. « Cela correspond à ce que décrit la littérature : la stratégie de reproduction de l’espèce porcine est de produire un grand nombre de nouveau-nés, dont seulement une partie va survivre. »
Répartition des pertes sur nés vifs en cours de lactation
Quel est le rôle le plus limitant du colostrum sur les porcelets nouveau-nés ?
L’apport énergétique du colostrum est nettement plus limitant que le transfert de l’immunité de la truie aux porcelets, son effet sur la maturation des cellules de l’intestin et son rôle laxatif pour amorcer le transit digestif. « Jean Le Dividich, chercheur à l’Inra spécialisé dans ce domaine, a toujours insisté sur la prépondérance de l’apport par le colostrum d’énergie facilement métabolisable pour le porcelet », rappelle Philippe Leneveu. « Il déplorait que les vétérinaires se focalisent essentiellement sur son rôle de transfert de l’immunité. Il semble que ce message de la répartition des rôles du colostrum soit à présent bien passé. »
Ces travaux « nous ont rassurés sur la capacité de l’élevage actuel à atteindre les recommandations pour une prise colostrale de qualité, tout en confirmant que c’est un enjeu clé de performances et de santé », souligne le vétérinaire. Ce qui prend tout son sens dans un contexte de démédicalisation antibiotique. « À l’heure où 80 % des autovaccins porcins produits par Biovac(1) sont à destination des truies afin d’assurer un bon transfert d’immunité à leur portée, la prise colostrale est cruciale », insiste Éric Léwandowski, vétérinaire Ceva-Biovac. « À l’image d’un cardan qui serait usé ou cassé, une prise colostrale mal encadrée va induire des pertes en ligne dans la transmission de la protection », illustre-t-il. « C’est pourquoi, conclut Philippe Leneveu, nous envisageons de mettre en place dès 2020 un service d’évaluation de la prise colostrale : le CIA (Colostrum Intake Assessment). »
Attention aux températures trop basses dans la zone de mise bas
L’étude de Ceva souligne aussi l’importance de la température de la zone de mise bas. « Sur les dix élevages, la température maximale mesurée était de 25,2 °C. Autant dire que le nouveau-né subit un choc thermique. » Pour autant, les équipements et le personnel sont présents, « mais sont-ils correctement mobilisés ? ». La caméra infrarouge est formelle : « à la naissance, elle mesure 36,2 °C de température corporelle, et une minute plus tard 35,5 °C ; 9 minutes plus tard la température est à 34 °C. Le porcelet se refroidit très vite ». Et l’élevage où les clichés ont été pris n’est pas une exception : « la lampe est souvent décalée par rapport à l’arrière de la truie, mais il suffit que le nouveau-né tourne du mauvais côté et il peut passer du temps dans le dos de la truie : il s’y refroidit sans téter. Cela a été observé pour des porcelets de tous gabarits… Et notre travail n’a été réalisé que de jour… ».