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Production porcine américaine : décroissance ou consolidation ?

Le marché intérieur des États-Unis a été récemment fragilisé par des problématiques sanitaires et économiques. La production a rompu avec la croissance, tout comme la consommation. Dans les prochaines années le secteur américain sera confronté à de nombreux enjeux pour maintenir sa production.

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Aux États-Unis, la filière porcine ne progresse plus depuis 2020 et les consommateurs achètent moins de viande de porc.
© Svetlana Leuto - stock.adobe.com

La production américaine semble avoir pris du plomb dans l’aile depuis trois ans.

Lire aussi La production de porc baisse aussi aux Etats-Unis

Alors que le rythme de croissance était de 3,6 % par an depuis la crise de diarrhée épidémique porcine en 2014, la dynamique s’est enrayée. Ces trois dernières années, le taux de croissance moyen est négatif (-1,2 % par an entre 2020 et 2023).

Évolution annuelle des exportations de porc (hors vif) des États-Unis par destination en milliers de tonnes ; Les États-Unis actifs sur les marchés internationaux
Évolution annuelle des exportations de porc (hors vif) des États-Unis par destination en milliers de tonnes ; Les États-Unis actifs sur les marchés internationaux © Ifip d’après douanes TDM

Début 2024, la production est repartie à la hausse (+ 2 % de janvier à mai 2024/2023), mais le marché américain reste confronté à de nombreux freins structurels auxquels se superposent des difficultés liées à la conjoncture des marchés.

Un marché intérieur fragilisé

La crise du Covid-19 a ralenti la croissance économique des États-Unis. Ceci, associé à la forte période d’inflation mondiale, a fragilisé la demande des ménages et la consommation intérieure de produits carnés, dont le porc. Depuis 2020, la croissance est stoppée et la dynamique de consommation est stagnante. Bien que le porc soit plus abordable, et reste favorisé par rapport aux autres protéines animales, les consommateurs américains ont modifié leurs habitudes de consommation, réduisant les quantités achetées.

À court terme, le marché intérieur sera toujours soumis à la volatilité économique et géopolitique des marchés mondiaux. Sur le moyen terme, la reprise économique attendue aux États-Unis devrait entraîner une légère hausse de la consommation, mais les gains de croissance restent limités pour la filière. Les analystes américains envisagent un léger redressement de la consommation de porc par habitant entre 2025 et 2030, avant une nouvelle érosion de la tendance d’ici 2033.

Une rentabilité en berne

L’affaiblissement de la demande intérieure a tiré vers le bas les cours à la production. En 2023, les prix du porc ont été largement inférieurs aux prix pratiqués en 2021 et 2022 (respectivement - 9,3 % et -14,8 %).

Évolution hebdomadaire des prix du porc aux États-Unis (moyenne nationale, en $/kg)
Les prix ont décroché en 2023 et 2024
Évolution hebdomadaire des prix du porc aux États-Unis (moyenne nationale, en $/kg)Les prix ont décroché en 2023 et 2024 © Ifip

Ces faibles prix associés à l’inflation des prix des matières premières ont affecté la rentabilité des élevages américains. Ces derniers ont connu en 2023 une année record en termes de pertes, estimées à plus de 24 $/porc.

Rentabilité annuelle moyenne en élevage du naissage à l'engraissement en Iowa (en $/porc)
Pertes records en 2023
Rentabilité annuelle moyenne en élevage du naissage à l'engraissement en Iowa (en $/porc)Pertes records en 2023 © Iowa State University

À ces difficultés financières s’est ajoutée la propagation d’épidémies en élevage. Les virus du SDRP ou encore de la DEP sont persistants. Ils affectent directement la production en diminuant la productivité des truies et augmentant la mortalité des porcelets. Le cheptel reproducteur s’est contracté de 3,3 % en 2023 par rapport à 2022. La tendance se poursuit en 2024 avec une nouvelle baisse de 3 % recensée en juin 2024 comparé à 2023.

En raison de ces difficultés conjoncturelles, le développement de la production porcine aux États-Unis semble compromis à court terme. Des marges de progrès technique sont toujours possibles pour la filière américaine, une fois les problèmes sanitaires résolus.

Toutefois, certains États mettent en place de nouvelles réglementations pour améliorer les conditions d’élevage. Comme en Europe, celles-ci sont génératrices de surcoûts et la filière américaine devra s’adapter à ces nouvelles mesures. Par ailleurs, le secteur de l’aval est confronté à de nombreux défis liés au manque de main-d’œuvre, à la réglementation des travailleurs ou encore à la surcapacité des outils d’abattage. À moyen terme, la production devrait, au mieux, connaître une phase de consolidation.

De nouvelles destinations à l’export

Malgré une année 2023 difficile et un début d’année 2024 à la peine, les États-Unis demeurent un acteur clé sur la scène internationale. Plus de 16 % des volumes de porc (1) échangés à travers le monde proviennent de la production américaine. Tous les ans, plus de 3 millions de tonnes de produits du porc sont exportées par les États-Unis, grâce à une croissance de près de 30 % en dix ans. Ces volumes comptent pour 26 % de la production nationale.

Les débouchés en Asie, et particulièrement en Chine, ont été fortement corrélés à l’état sanitaire des élevages asiatiques. Dès 2022, volumes exportés par les États-Unis sur ces marchés sont déjà revenus à leurs niveaux d’avant crise de la FPA. Cependant, le potentiel de croissance à l’export des produits du porc américain vers ces pays est limité. La Chine tente de réduire ses dépendances extérieures et redéveloppe sa production nationale. Le marché japonais affiche une érosion des volumes importés depuis une dizaine d’années. Le marché sud-coréen est lui aussi en décroissance depuis cinq ans. Du côté des Philippines, quatrième importateur asiatique, les Américains sont peu positionnés.

En revanche, les débouchés sur le continent américain (nord et sud) se développent de manière quasi continue depuis des décennies. Le Mexique reste le premier partenaire, et depuis 2021 cette destination prend le relais de la Chine. Au Mexique, les Américains jouissent de multiples avantages et facteurs de croissance : la proximité géographique et culturelle, l’implantation des entreprises et des infrastructures, l’émergence d’une classe moyenne mexicaine demandeuse de produits carnés. En second plan, les exportateurs américains développent aussi leur positionnement en Colombie, République dominicaine, Honduras et au Guatemala.

Multiplication des accords de libre-échange

Au regard de l’importance de l’exportation pour la filière porcine américaine, les États-Unis ont engagé une importante politique de diversification des débouchés à l’export et de renforcement des partenariats commerciaux. Une multitude d’accords de libre-échange existe depuis plusieurs années. Au-delà de la zone de libre-échange entre les États-Unis, le Canada et le Mexique (2), une autre zone où les marchandises circulent de manière facilitée existe, entre les États-Unis, la République dominicaine, et l’Amérique centrale (3). Des accords avec la Colombie et le Panama permettent aussi aux exportateurs américains de développer leurs parts de marché depuis 2012.

Du côté de l’Asie, en 2019, un accord a été conclu avec le Japon. En 2018, l’accord déjà en vigueur avec la Corée du Sud a été renégocié et le porc américain y conserve un accès préférentiel. En règle générale, les produits du porc des États-Unis bénéficient d’un accès à ces marchés avec des droits de douane réduits à zéro et des volumes peu ou pas limités.

L’administration Biden-Harris poursuit de manière assidue cette politique de recherche de débouchés, avec l’obtention de certificats d’importations à destination d’autres marchés, tels que l’Inde, le Nigeria (janvier 2022) ou encore le Ghana (janvier 2023). De nombreuses missions de promotion sont aussi organisées en 2024 en Inde, en Corée du Sud, en Colombie ou encore au Vietnam. La stratégie semble être payante. Au cours des quatre premiers mois de l’année, les exportations des États-Unis à travers le monde ont bondi de 8 % par rapport à 2023, et ce malgré des prix plus élevés et moins compétitifs que l’an dernier. Depuis plusieurs mois, les États-Unis profitent aussi des prix très élevés pratiqués dans l’Union européenne.

Elisa Husson, elisa.husson@ifip.asso.fr

(1) les produits du porc mentionnés sont constitués de viandes, produits transformés, graisses et abats, et non d’animaux vivants.
(2) ex-Alena et aujourd’hui nommé USMCA.
(3) Costa Rica, Salvador, Guatemala, Honduras et Nicaragua.

Des perspectives portées par l’export

Évolution annuelle des exportations de porc (hors vif) des États-Unis par destination en milliers de tonnes ; Les États-Unis actifs sur les marchés internationaux
Évolution annuelle des exportations de porc (hors vif) des États-Unis par destination en milliers de tonnes ; Les États-Unis actifs sur les marchés internationaux © Ifip d’après douanes TDM
Dans les prochaines années, le secteur porcin américain devra résoudre de nombreuses problématiques, identiques à celles des filières européennes, telles que l’amélioration des conditions sanitaires, le renforcement de la réglementation relative au bien-être animal en élevage, la poursuite des progrès techniques, l’assurance d’une rentabilité pour les éleveurs, le manque de main-d’œuvre sur l’ensemble du secteur, la restructuration en cours du secteur de l’abattage-découpe et le maintien d’une dynamique de consommation. En revanche, les perspectives à l’export pour le marché américain restent florissantes. Les analystes américains envisagent une croissance très forte de l’export des produits du porc dans les dix prochaines années, surpassant même celles de la volaille. La croissance moyenne devrait dépasser 3 % par an. Les gains de productivité et d’efficience de l’amont à l’aval de la filière et les politiques de développement des partenariats internationaux favoriseront la compétitivité internationale des États-Unis. Ce dynamisme de l’export stimulera la production américaine.

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