Observer pour agir efficacement contre la caudophagie des porcs charcutiers
Élever des porcs à queue non coupée nécessite une observation fréquente de la queue des animaux et une action rapide dès les premiers signes de morsures.
Élever des porcs à queue non coupée nécessite une observation fréquente de la queue des animaux et une action rapide dès les premiers signes de morsures.
Arrêter de couper la queue des porcs, c’est augmenter le risque de voir un épisode de caudophagie se déclencher et de se retrouver un matin avec des animaux mordus, qui présentent des saignements à la queue, voire qui n’ont plus de queue du tout.
Un risque difficile à supporter pour de nombreux éleveurs, avec ses conséquences sanitaires, économique et de bien-être animal. Pourtant, avant l’apparition des plaies, des signes avant-coureurs peuvent signaler aux éleveurs qu’un épisode de morsure a démarré. Il est alors temps d’agir pour essayer d’éviter que ces morsures passent à un stade lésionnel. Des recherches réalisées dans le cadre du projet européen Pigwatch ont identifié la position de la queue comme indicateur de la présence de morsures précoces et de faible intensité. Au moins un porc dans la case avec la queue pendante ou collée entre les pattes, et le niveau d’alerte est atteint.
Deux stratégies d’action testées à Crécom
À la station porcine des Chambres d’agriculture de Bretagne à Crécom, un essai a porté sur 232 porcs à queue non coupée. Tous les jours, les techniciens de la station notaient pour chaque case la position de la queue des porcs et la présence de blessures. En cas de positionnement anormal, deux stratégies d’action ont été testées. Pour la moitié des cases le technicien apporte un enrichissement supplémentaire (cordelette, boule en caoutchouc, étoiles en caoutchouc…) en plus de l’enrichissement de base de la case constituée d’une étoile en matériau issu de la biomasse ou d’un morceau de bois, complété d’une chaîne métallique. Ce matériau est enlevé après quelques heures lorsque son attractivité décroît, pour être ensuite remis afin de lui redonner de l’attractivité. Pour l’autre moitié des cases, aucun matériau manipulable supplémentaire n’est ajouté. L’apport de cet enrichissement supplémentaire est efficace, validé par les statistiques. Les cases qui bénéficiaient d’un enrichissement supplémentaire en cas de queue basse ou de lésion présentent un état des queues de meilleure qualité en fin d’engraissement que celles qui n’ont pas reçu cet enrichissement. Ce résultat suggère que le comportement des animaux s’est réorienté de la queue de ses congénères vers les objets manipulables, ce qui est l’objectif recherché. La gestion des porcs mordus dépend de la gravité estimée des blessures par le personnel. En cas de morsure légère, le porc mordu reste dans sa case, mais le technicien pulvérise sur la queue du porc lésé un produit cicatrisant, répulsif et amer. En cas de blessure sévère, si le technicien considère que la plaie est suffisamment grave pour ne pouvoir être traité dans la case en présence des autres animaux, le porc mordu est transféré en infirmerie.
Les queues basses, un bon critère de prédiction de la caudophagie
Sur les 19 cases de porcs à queue non coupée (9 à 13 porcs par case), toutes ont connu des périodes avec des animaux avec queue basse ou plaquée. Pour seulement deux d’entre elles, aucune lésion n’a été constatée. En post-sevrage, les épisodes « queue basse » débutent dans les premières cases entre 4 et 8 jours après l’entrée dans la salle, et jusqu’à 21-24 jours pour les dernières. Cette posture de la queue permet généralement de bien prédire l’apparition d’un épisode de caudophagie. En effet, les queues basses sont en moyenne observées 4 jours avant l’apparition des premières lésions, mais avec une forte variabilité entre les cases. Aucun signe précurseur n’a été détecté dans trois cases, et c’est directement par un épisode de caudophagie que la séquence a commencé. En engraissement, l’observation est dans la continuité du post-sevrage. Lorsqu’un épisode « queue basse » ou de « lésion » est observé en fin de post-sevrage, il se poursuit généralement en engraissement. Cinq cases d’engraissement se distinguent par une durée continue supérieure à 90 jours avec des animaux à queue basse ou par la présence de lésions à la queue, demandant une attention dans la durée aux techniciens de la station. Quand aucune lésion n’est observée pendant au moins 35 jours avant le départ des animaux, l’état de la queue de l’animal au moment du départ est bon. Les animaux ne présentent pas de plaie à la queue. Les blessures précédemment observées ont eu le temps de guérir.
Des mesures correctives efficaces
Les mesures correctives mises en place à la station de Crécom ont permis de limiter les blessures avec 14 % des animaux à queue non coupée en fin d’engraissement qui présentent des blessures ou une queue tuméfiée. 41 % des porcs de l’essai ne présentaient pas de blessure ni en fin de post-sevrage, ni en fin d’engraissement. 28 % d’animaux supplémentaires ne présentaient que des griffures, sans gravité. Ce résultat est meilleur que celui de nos premiers essais sur des porcs à queue entière où seulement 11 % des animaux ne présentaient pas de blessures à aucun des stades d’observation. L’observation des techniciens de la station a contribué à limiter l’impact des morsures. Quelques porcs, mordus ou mordeurs ont cependant dû être écartés de la salle pour garder la situation sous contrôle et soulager les porcs victimes. Prendre du temps pour observer tous les jours les animaux et agir rapidement est une des clés pour gérer des porcs à queue non coupée. Ce facteur de réussite a aussi été souligné par les éleveurs qui ont essayé cette pratique, ou par les Finlandais dont la réglementation nationale interdit la caudectomie depuis une dizaine d’années.