L’Inra met au point l’alimentation du futur
Pour répondre individuellement aux besoins nutritionnels des truies gestantes et allaitantes, l’Inra travaille à la mise au point d’un outil d’aide à la décision applicable en élevage.
Pour répondre individuellement aux besoins nutritionnels des truies gestantes et allaitantes, l’Inra travaille à la mise au point d’un outil d’aide à la décision applicable en élevage.
Imaginez un appareil qui détermine précisément les besoins de chaque truie pour ses besoins d’entretien, de reconstitution des réserves, pour sa production laitière en maternité, et pour sa croissance si c’est une cochette. À partir de ces besoins, il calcule automatiquement la composition de l’aliment et la quantité qu’il doit alors lui distribuer. C’est le système que tente de mettre en place une équipe de chercheurs de l’Inra, associés à leurs homologues québécois du CDPQ (1). « Tous les équipements nécessaires sont aujourd’hui disponibles dans le commerce », souligne Jean-Yves Dourmad, chercheur à l’Inra Agrocampus Ouest. Mais leur mode d’emploi n’existe pas encore. De la théorie à la réalisation pratique, beaucoup de travail reste encore à faire.
Une variabilité importante des besoins entre les truies
Comme base de travail, les chercheurs disposent d’Inraporc, un outil d’analyse des performances et d’évaluation des stratégies alimentaires appliquées en élevage dont la première version a été mise à disposition des nutritionnistes en 2006. Grâce à cet outil, l’utilisateur peut savoir comment les nutriments apportés par l’aliment sont valorisés par l’animal. Cependant, les besoins nutritionnels sont établis sur la base des performances moyennes du troupeau, et non à l’échelle individuelle. Or, il existe une variabilité importante des besoins entre les truies. « Cette variabilité peut être prise en compte pour les truies en lactation en utilisant les données disponibles en élevage à la mise bas (rang de portée, poids et épaisseur de lard dorsal, taille et poids de la portée) pendant la lactation (adoptions, mortalités de porcelets, consommations journalières de la truie) et au sevrage (taille et poids de portée) », indique Charlotte Gaillard, qui a cosigné une publication sur ce sujet aux dernières journées de la recherche porcine. Pour les truies gestantes, l’activité physique (mesurée par des accéléromètres, voir Réussir Porc avril 2019 page 28) et le logement (type de sol et température de la salle) sont également intégrés au calcul de la ration.
Le principe de fonctionnement imaginé par l’Inra repose sur l’élaboration d’un système d’aide à la décision (un programme informatique) qui pilote les appareils de distribution individuelle d’aliment. Le système utilise l’historique des informations relatives à la truie (performances et caractéristiques sur l’ensemble de sa carrière) ainsi que les données générales spécifiques à l’élevage. Ces données peuvent être renseignées soit par l’éleveur (GTTT), soit par des capteurs (température…). Les besoins de chaque truie sont calculés quotidiennement. Dans un premier temps, le système quantifie l’énergie nécessaire, ainsi que les acides aminés et les minéraux. Il détermine ensuite la quantité et la composition de la ration à distribuer. Cette ration est préparée en mélangeant les différents aliments disponibles dans l’appareil de distribution.
25 % d’apports protéiques en moins
« Ces systèmes d’alimentation de précision constituent une stratégie gagnant-gagnant, permettant à la fois d’améliorer la couverture des besoins énergétiques, azotés et minéraux des truies, tout en réduisant les apports alimentaires et les rejets par les animaux », estime Jean-Yves Dourmad. En comparaison avec une alimentation conventionnelle, le chercheur a démontré une réduction de 25 % des apports en protéines et en lysine en gestation. « De plus, une proportion plus élevée de truies avait leurs besoins couverts en fin de gestation, notamment les plus jeunes. »
L’Inra a récemment équipé son élevage expérimental de Saint Gilles d’alimentateurs individuels en gestation (Gestal 3G) et en lactation (Gestal Quattro). Les appareils sont alimentés par deux chaînes permettant de travailler simultanément en mélange de deux aliments qui diffèrent par leurs teneurs en nutriments. « Ces installations vont nous permettre de tester l’alimentation de précision en conditions réelles. Nous allons également évaluer son intérêt économique, en intégrant notamment la formulation au moindre coût pour élaborer les aliments qui constituent la ration », précise Jean-Yves Dourmad. Ces travaux sont menés dans le cadre du projet européen Feed-a-Gene auquel participe également l’Ifip et d’autres organismes de recherche européen. Une restitution finale des travaux est prévue fin 2020 à Rennes.