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Les limites de la sélection génétique porcine face aux maladies

Des leviers génétiques existent pour sélectionner des animaux résistants à certains variants d’agents infectieux comme E. coli. Mais une résistance globale aux maladies, ou simplement à tous les variants d’E. coli, semble illusoire.

Certains porcs résistent à des variants d'E.coli responsables de diarrhées ou d'oedème. © Ifip
Certains porcs résistent à des variants d'E.coli responsables de diarrhées ou d'oedème.
© Ifip

Le 19 mars, le laboratoire IDT Biologika organisait un séminaire intitulé « Gros plan sur les colibacilles de post-sevrage ». Cette journée a permis de faire un point sur les publications consacrées à la résistance génétique aux E. coli. Certains porcs résistent à des variants de cette bactérie responsables de diarrhées ou d’œdème (variants F4ab, F4ac, F18 etc.). Leur résistance est attribuée à l’absence d’adhésion des bactéries aux cellules de l’hôte. Le déterminisme génétique de cette résistance est démontré. Des régions du génome associées au phénotype ont été identifiées grâce aux outils de génotypage haut débit aujourd’hui disponibles. Cependant, trouver la variation de séquence d’ADN (mutation) réellement responsable de la résistance reste ardu. Les mécanismes d’action ne sont, par ailleurs, pas précisément connus.

Certaines mutations sont utilisées dans des schémas de sélection

Des mutations sont décrites dans la littérature pour conférer une résistance aux colibacilles. À chaque variant d’E. coli correspond sa ou ses mutations de résistance associées. Les premières mutations étudiées sont situées dans le gène MUC4 pour les variants F4ab/ac, et dans le gène FUT1 pour les variants F18. Elles sont ou ont été utilisées dans des schémas de sélection : dès 2003 au Danemark pour MUC4, et dès 2006 en Suisse pour FUT1. Cependant, leur utilisation ne s’est pas généralisée pour plusieurs raisons. Parmi elles, la crainte de sélectionner des animaux, certes, plus résistants à un variant d’E. coli mais, éventuellement, plus sensibles à d’autres pathogènes. Les généticiens craignent également que la sélection d’une mutation se fasse au détriment du progrès génétique réalisé sur d’autres caractères. Cette crainte découle notamment des corrélations génétiques potentiellement défavorables entre caractères. De façon générale, plus un objectif de sélection intègre de caractères, moins le progrès génétique réalisé sur chaque caractère est important. Les conséquences d’une sélection pour une mutation dépendent aussi beaucoup de sa fréquence initiale dans la race. Sélectionner une mutation dont la fréquence initiale est basse peut entraîner une perte drastique de variabilité génétique.

Différents gènes seraient en jeu pour contrôler les récepteurs au E. coli

Des travaux montrent, en outre, que les mutations des gènes MUC4 et FUT1 utilisées en sélection ne sont pas causales. C’est-à-dire qu’elles n’expliquent pas complètement le phénotype de non-adhésion des bactéries aux cellules de l’hôte. D’autres gènes situés à proximité des premiers ont été analysés pour trouver LA mutation causale sans y parvenir jusqu’ici. Des publications plus récentes (2012 ou 2014) mettent également en évidence un déterminisme génétique plus complexe qu’initialement imaginé. Différents gènes seraient en jeu pour contrôler les récepteurs aux E. coli F4ab et aux E. coli F4ac. Il y aurait aussi au moins deux gènes pour les seuls récepteurs des variants F4ad. Dans ce contexte, prendre en compte simultanément la résistance à différents variants, et donc plusieurs mutations, peut s’avérer très compliqué. Cela pourrait même être impossible avec les méthodes de sélection classiques. Si de nouvelles méthodes de modifications ciblées (édition) des génomes existent, elles ne sont pas autorisées en Europe actuellement. De plus, leur utilisation supposerait de connaître avec précision les séquences à modifier et une bonne maîtrise des modifications multiples simultanées. Cela n’est pas encore le cas. Cette complexité initialement sous-estimée explique probablement le peu de communications récentes sur le sujet des organismes de sélection, en dehors de la Suisse.

Ainsi, la quête d’animaux naturellement résistants à tous les variants d’E. coli est probablement vaine. Avoir des animaux également résistants aux autres pathogènes (virus, bactéries) impactant l’élevage semble encore moins réaliste. La sélection pour une résistance à des agents infectieux spécifiques n’est donc sans doute pas une voie à privilégier. Les travaux de recherche qui visent à améliorer la robustesse générale des animaux ouvrent certainement des perspectives plus prometteuses. En France, ils sont notamment menés par l’Inra en collaboration avec Alliance Recherche et Développement (association regroupant Axiom, Choice, Nucléus et l’Ifip).

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