La fièvre porcine africaine en France pourrait bouleverser le commerce du porc
La menace de la fièvre porcine africaine (FPA) sur la filière nationale est toujours bien présente. Ses conséquences pourraient être majeures, avec en jeu la perte des marchés asiatiques à l’export.
La menace de la fièvre porcine africaine (FPA) sur la filière nationale est toujours bien présente. Ses conséquences pourraient être majeures, avec en jeu la perte des marchés asiatiques à l’export.
L’épidémie FPA est de nouveau aux portes de la France avec la découverte en janvier de sangliers contaminés au nord de l’Italie. La question de l’export est, entre autres, au cœur des enjeux économiques liés à la maladie.
Cette dernière pourrait générer la fermeture de plusieurs pays importateurs, ce qui entraînerait une intense modification des flux du commerce et un repli significatif des cours à la production et des prix des pièces de découpe. Pour se préparer à cette éventualité, les organisations professionnelles, les entreprises de la filière et les services de l’État ont simulé en conditions réelles la mise en place d’un plan d’intervention sanitaire d’urgence (PISU) qui ferait suite à la contamination d’un élevage finistérien. L’un des objectifs de l’exercice était d’évaluer l’impact économique sur la filière.
Réaffectation attendue des flux du commerce
L’expérience récente de l’Allemagne a servi d’objet d’étude pour extrapoler la situation et estimer l’impact économique potentiel de la maladie sur la filière française. À la suite de la découverte du virus de la FPA chez des sangliers sauvages en Allemagne, plusieurs pays ont décidé de suspendre leurs importations en produits allemands. Les exportations vers les marchés tiers habituels ont ainsi été redirigées en majeure partie sur le marché européen. Les quelques pays tiers acceptant les produits allemands n’ont pas permis de compenser la perte des volumes et de la valorisation.
La perte estimée pour le secteur de l’export en France avoisinerait 157 à 364 millions d’euros. Le montant varie selon si le virus est découvert dans un contexte conjoncturel où la demande à l’import des pays tiers est forte (comme en 2020 – scénario 1) ou plus habituelle (moyenne des cinq dernières années – scénario 2). En France, une trentaine d’outils agréés vers les marchés asiatiques, dont la Chine, pourraient être concernés par une perte de débouchés. Compte tenu du portefeuille client des exportateurs français, l’impact économique de la FPA serait important. La redistribution des flux vers le marché européen et d’autres destinations ne suffirait pas à compenser la fermeture des principaux marchés asiatiques. Les relais de croissance sont limités et moins rémunérateurs.
Aujourd’hui, un pays touché par le virus n’est pas contraint à l’arrêt total de ses exportations si les mesures recommandées par l’organisation mondiale de la santé animale (OIE) sont prises. Néanmoins, les dernières expériences de FPA en Europe ont montré que ce principe, pourtant accepté par l’ensemble des membres de l’OMC, n’est pas respecté par plusieurs pays dans le monde. De grands importateurs mondiaux de porc tels que la Chine, le Japon ou la Corée du Sud, ont subitement cessé leurs achats en provenance des pays infectés. Rappelons tout de même que la France a récemment signé un accord avec la Chine sur la reconnaissance de la régionalisation. La Chine représente deux tiers des exportations françaises vers les pays tiers. L’accord devrait assurer le maintien des exportations pour les zones non infectées par le virus. L’impact alors évalué dans le cadre de l’exercice « Pi-Zhu » pourrait être moindre.
Suroffre et chute du prix du porc et des pièces
Consécutivement à la perte des débouchés à l’export, le marché français sera confronté à une chute importante des prix du porc à la production et des pièces de découpe. N’exportant plus vers d’importants débouchés, le marché intérieur connaîtra un déséquilibre entre offre et demande sur plusieurs mois.
Le marché européen ne suffira pas à compenser les marchés tiers et à absorber les volumes. L’excès de pièces et de produits occasionnera une baisse de la demande des abatteurs qui entraînera une baisse du prix du porc. En France, la FPA pourrait causer un décrochage des cours à la production de l’ordre de 14 %, soit une perte estimée entre 21 et 23 centimes par kilo selon la situation conjoncturelle. Les baisses de prix des pièces pourraient s’élever à 27 % pour les poitrines, 19 % pour les longes, 17 % pour les jambons et 7 % pour les épaules. Les dernières actualités sanitaires ont démontré que la menace de la FPA sur les élevages était toujours présente. Ceci confirme aussi l’intérêt pour les acteurs de la filière de s’être prêtés à un tel exercice de simulation. Si les impacts estimés par l’étude sont conséquents, l’accord de régionalisation négocié par la filière devrait atténuer ces effets économiques et protéger le marché national, à supposer que les grandes régions productrices ne soient pas touchées par le virus.
La charcuterie italienne moins bien valorisée à cause de la FPA
La menace de l’épidémie s’est récemment ravivée en début d’année avec l’apparition des cas de sangliers contaminés au nord du pays, dans la région du Piémont. Au cours des semaines suivantes, plusieurs pays ont déjà annoncé fermer leurs marchés aux produits italiens : la Chine, le Japon, la Corée du Sud, Taïwan, la Thaïlande, le Vietnam, la Suisse et l’Afrique du Sud. En 2020, les exportations italiennes à destination de ces pays représentaient environ 58 000 tonnes (soit 16 % des exportations totales en volume) et 236,6 millions d’euros (12,6 % de la valeur).
Dans l’hypothèse où ces produits ne trouveraient pas de débouché alternatif, le marché italien pourrait subir des pertes s’élevant à 20 millions d’euros par mois. Ces pertes seront internalisées dans les prix du porc et des pièces de découpe. Les produits italiens subiront un repli majeur de leur valorisation. La perte des débouchés entraînera ainsi une hausse des disponibilités sur le marché intérieur. Les besoins à l’import de l’Italie seront donc moindres, ce qui impactera les principaux fournisseurs, à savoir : les Allemands, les Espagnols, les Néerlandais, les Danois et les Français. En 2020, la France a exporté environ 100 000 tonnes vers l’Italie, principalement des jambons et autres pièces avec os.