Inaporc lance la bataille de la souveraineté alimentaire
Les débats qui ont animé l’assemblée générale de l’interprofession Inaporc ont largement tourné autour du risque de perte de compétitivité de l’élevage français. En ligne de mire, la future directive IED et le projet de durcissement de la réglementation européenne sur le bien-être animal.
L’assemblée générale d’Inaporc qui a eu lieu à Paris le 7 juin dernier a été l’occasion pour l’interprofession porcine de lancer un « manifeste pour la sauvegarde des filières d’élevage françaises ». L’objectif est « d’assurer la pérennité d’une production indispensable à la souveraineté alimentaire de la France ». « Une vague de prises de position et de réglementations basées sur une approche idéologique remet en cause tout le travail effectué par nos filières pour évoluer et répondre aux enjeux de la durabilité », a souligné Thierry Meyer, le président d’Inaporc. Deux projets menés à l’échelle européenne sont particulièrement visés : l’évolution de la directive IED « qui va impacter de nombreuses exploitations de taille moyenne n’ayant pas les moyens de mettre en œuvre les meilleures techniques disponibles qui leur seront demandées », et la réglementation européenne en préparation sur la bientraitance animale. Thierry Meyer souligne que sur la base des mesures préconisées par l’Efsa (1) (liberté totale des animaux, baisse de la densité et durcissement des règles de transport notamment), l’Ifip a calculé un coût de plus de 9 milliards d’investissement dans la filière porcine française ! « Qui va payer ? », s’est-il interrogé.
Transitions longues
Invitée à intervenir en visioconférence depuis Bruxelles, Lucie Carrouée, de la DG santé (2) n’a pas été rassurante pour beaucoup de personnes présentes à l’AG. « Cette transition sera payée en partie par la PAC (politique agricole commune) », a-t-elle affirmé. Par ailleurs, elle compte également sur un repositionnement plus haut de gamme pour mieux vendre la production. « Il est illusoire de vouloir mettre en œuvre une montée en gamme de toute l’agriculture française, a rétorqué Thierry Meyer. En période d’inflation comme c’est le cas actuellement, le consommateur se rabat sur les premiers prix. » C’est pourquoi il demande qu’avant leur mise en place, « toutes les nouvelles réglementations soient préalablement évaluées économiquement ». Christine Lambert, la présidente du Copa-Cogeca représentant les agriculteurs au niveau européen, ajoute « qu’il est important pour ce type de réforme d’avoir des transitions longues, à l’échelle des durées d’amortissement des bâtiments. Or, ce n’est pas le souhait des ONG qui veulent des réformes applicables sur cinq à sept ans maximum », déplore-t-elle.
L’exemple anglais inquiète
Autre intervention très remarquée, Stewart Houston, un responsable professionnel britannique. Il a raconté comment les éleveurs de porcs de son pays ont subi le durcissement réglementaire sur le bien-être animal dans les années 90. Le taux d’autoapprovisionnement de la Grande Bretagne est aujourd’hui descendu à 40 %, alors que le pays était autosuffisant avant la réforme. « La nouvelle loi stipulait que nous devions mettre nos truies en liberté totale en cinq ans, faute de quoi, nos élevages devenaient illégaux. » Par la suite, le prix du porc a chuté. « Malgré une publicité intensive sur le porc britannique, les consommateurs se sont tournés vers la viande d’autres pays ne répondant pas à nos nouvelles normes et dont les coûts de production étaient plus bas. » En trois ans, le cheptel truies a baissé de plus de 170 000 têtes et 4 000 exploitations porcines ont disparu.
Avancer pas à pas
« Les Américains et les Brésiliens sont aux aguets », souligne Thierry Meyer. « Ils sont ravis de la politique menée par l’Union européenne en matière de filières animales. Ils n’attendent qu’une chose : que la production européenne baisse pour exporter vers l’Europe. » Et de conclure en présence de Marc Fesneau, le ministre de l’Agriculture : « j’espère que la France saura rester ferme sur les conditions de la future réglementation européenne sur le bien-être animal ». Thierry Meyer assure que la filière est prête à évoluer, mais pas à pas, sur du long terme et accompagnée par les pouvoirs publics. « La filière porcine française ne peut tout simplement pas assumer en dix ans 9 milliards d’euros d’investissements. »