Comment mesurer la prise colostrale des porcelets en élevage
La méthode mise au point par le laboratoire vétérinaire IDT Biologika (aujourd'hui Ceva) évalue en élevage la quantité de colostrum ingérée par les porcelets et l’immunité transmise.
La méthode mise au point par le laboratoire vétérinaire IDT Biologika (aujourd'hui Ceva) évalue en élevage la quantité de colostrum ingérée par les porcelets et l’immunité transmise.
En proposant aux vétérinaires terrain une méthode d’évaluation en élevage de la prise colostrale, le laboratoire IDT Biologika veut pouvoir quantifier en situation terrain l’impact de cette prise sur la survie et les performances futures des porcelets, mais aussi sur le transfert de l’immunité maternelle, et notamment vaccinale. « Nous avons voulu évaluer à la fois la quantité de colostrum ingérée et l’immunité transmise aux porcelets », soulignent Agnès Jardin et Philippe Leneveu, responsables techniques IDT Biologika France. Le travail réalisé par Benoît Launay dans dix élevages de production et sur 927 porcelets nés vivants, dans le cadre de sa thèse à l’école vétérinaire de Nantes, a abouti à la mise au point d’un protocole qui se veut facilement réalisable en élevage.
Pesée individuelle et prise en compte des adoptions
L’ingéré colostral est directement estimé par la croissance du porcelet durant ses premières heures de vie. La méthode proposée vise alors à identifier et peser les porcelets qui naissent durant une demi-journée (minimum 30 porcelets ou 10 % de la bande), et de refaire la même opération 24 heures après, afin de calculer leur gain de poids sur cette période. Cette méthodologie permet de prendre en compte les premières tétées, essentielles pour une bonne prise colostrale. « Selon nos observations, le gain de poids au cours des 2,5 premières heures de vie correspond à 46 % du gain de poids sur les 24 premières heures », indique Philippe Leneveu. Ce protocole permet aussi de mesurer la prise colostrale de porcelets issus de différents rangs de naissance et permet de prendre en compte la pratique des adoptions. Pour obtenir une pesée précise, le laboratoire préconise des petits pesons électroniques précis à 5 grammes près. L’opérateur doit également renseigner la longueur du cordon ombilical, afin d’estimer son poids qui sera retranché du poids initial du porcelet. Sur les 927 porcelets suivis par Benoît Launay, le gain de poids moyen sur les 24 premières heures de vie a été de 87 grammes. « 45 % des porcelets ont eu une croissance supérieure à 100 grammes. En revanche, 15 % d’entre eux ont perdu du poids », observe-t-il. L’analyse des taux de pertes a permis de fixer des objectifs de gain de poids différents selon le poids de naissance. « Un porcelet de moins d’un kilo devra avoir une croissance sur 24 heures d’au moins 75 grammes pour augmenter ses chances de survie. Mais s’il fait plus de 1,2 kg, on peut se contenter d’un objectif de croissance simplement positif. »
L’évaluation du transfert immunitaire en complément de l’ingéré
Un protocole d’évaluation de la qualité du transfert immunitaire de la truie aux porcelets a aussi été défini. À partir de prises de sang réalisées idéalement en même temps que la seconde pesée 24 heures après la naissance, on mesure le taux d’immunoglobulines G (IgG) circulant. Afin de tenir compte des différents paramètres qui peuvent influencer le résultat, le laboratoire préconise de prélever six porcelets dans six portées de plus de dix nés vivants, tout en prenant compte le rang de naissance (1re ou 2e moitié de mise bas). Les porcelets doivent être sélectionnés selon leur taille : un petit, un moyen et un gros porcelet par moitié de mise bas. Pour une protection optimale, le taux d’IgG doit être supérieur à 20 mg par ml de sang. « Le taux de pertes en maternité des porcelets qui ne dépassent pas ce seuil est supérieur à 40 % », prévient Philippe Leneveu. Dans l’étude réalisée par Benoît Launay, 10 % des porcelets analysés avaient une valeur d’IgG inférieur à 20 mg/ml. « Sans négliger son importance, la fréquence des porcelets à moins de 20 mg/ml d’IgG est trois fois moindre qu’un défaut d’ingéré de colostrum. » C’est pourquoi le vétérinaire estime que cette évaluation du transfert immunitaire par prises de sang doit être considérée comme un complément du calcul de l’ingéré.
Des facteurs de risques à maîtriser
La thèse de Benoît Launay permet aussi une analyse des critères d’environnement des mises bas qui peuvent influencer cette prise colostrale. " L’exploitation de ces données sera finalisée prochainement. Mais d’ores et déjà, nous avons mis en évidence des anomalies de température importantes à l’arrière de la truie et dans les nids avec des thermomètres et des caméras infrarouges". Le blocage des porcelets dans les heures qui suivent la mise bas et au moment des repas peut limiter les quantités de colostrum ingérées, de même que des soins trop précoces. « De manière générale, tous les critères de conduite d’élevage autour de la mise bas peuvent pénaliser la prise colostrale et le transfert d’immunité s’ils sont mal maîtrisés », conclut Philippe Leneveu.
En savoir plus
Cette étude a été réalisée dans le cadre de la thèse vétérinaire de Benoît Launay, sous la direction de Catherine Belloc (Oniris) et de Philippe Leneveu (IDT Biologika).
Hyperprolificité, attention aux prises colostrales insuffisantes
La bibliographie montre que l’hyperprolificité constitue un risque important de mauvaise prise colostrale pour certains porcelets. Ce risque est connu et pris en compte par les différents groupes génétiques puisque le taux de pertes sur nés vivants n’a pas explosé depuis vingt ans. L’étude de Benoît Launay confirme ce risque et le quantifie. En effet, les données récoltées en élevage démontrent que le nombre de porcelets ayant eu une mauvaise prise colostrale augmente avec la taille de la portée. Ce nombre s’accroît aussi quand le rang de naissance est élevé, et que le porcelet est léger. Dans l’étude, plus de 30 % des porcelets dont le poids est inférieur à 800 grammes à la naissance ont un taux d’IgG inférieur à 20 mg/ml de sang. 40 % de ces porcelets ne survivront pas à la période de lactation. Une approche en poids relatif (poids du porcelet/poids moyen de la portée) sera aussi à conduire pour affiner ce constat. Enfin, l’étude prouve que la pratique des adoptions avant 6 heures de vie pénalise la prise colostrale, quel que soit le poids du porcelet.