DOSSIER
DOSSIER - Mâles entiers en élevage porcin : l’Europe au travail
Les pays européens ayant signé une déclaration d’intention afin d’arrêter la castration chirurgicale
en 2018, certains s’y sont engagés plus vite que d’autres, mais des recherches sont menées activement
dans la plupart des bassins de production.
data:image/s3,"s3://crabby-images/b2c5f/b2c5f195ff9e58f1034918036517bd917d2f9389" alt="La détection des carcasses potentiellement porteuses d’odeur est réalisée
en chauffant le gras avec différents appareils tels que
le décapeur thermique, ici,
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en chauffant le gras avec différents appareils tels que
le décapeur thermique, ici,
à Cooperl.
Arrêter la castration chirurgicale sous réserve d’avoir des alternatives satisfaisantes, c’est l’engagement qu’ont pris les principaux bassins de production porcine en Europe, avec l’objectif de 2018. Mais à quatre ans de l’échéance, certains se sont déjà lancés dans la production, tandis que d’autres se pressent plus lentement… Incontestablement, ce sont les Pays-Bas qui ont mis en place le plus massivement la production de mâles entiers, sous l’impulsion conjointe de la filière, des pouvoirs publics et des organisations de protection animale. Bien que les sources puissent diverger, on peut raisonnablement annoncer que plus de 60 % des mâles élevés dans le pays ne sont plus castrés. Or, une grande partie de ces animaux est abattue chez le voisin allemand, gros demandeur de « marchandise » pour alimenter les abattoirs. Du coup, selon les sources, on estime à quatre millions le nombre de porcs mâles entiers aujourd’hui sur les chaînes d’abattage du leader européen. Quatre millions sur près de 60 millions, c’est relativement peu, et un simple calcul permet d’en déduire que ce ne seraient aujourd’hui que deux millions de mâles entiers qui seraient donc nés et élevés en Allemagne.
L’immunocastration est une alternative à la castration chirurgicale. Elle est déjà utilisée en Belgique à la demande d’une chaîne de distribution. Mais aussi en Espagne, tout à fait à contre courant des autres bassins européens. Les Espagnols ne castrent plus depuis des années, à l’exception de leurs productions « alternatives », porcs ibériques… Beaucoup plus âgés, donc davantage porteurs d’odeurs que la production standard.
En France, on le sait, seule Cooperl Arc Atlantique s’est lancée dans cette production, avec une grande majorité d’adhérents aujourd’hui impliqués dans la démarche, le groupement faisant avant tout valoir l’intérêt technico-économique pour ces producteurs. Les autres groupements sont sur la réserve.
En cause le risque d’odeurs sexuelles non-détectées sur la chaîne d’abattage. C’est le gros point d’interrogation sur lequel travaillent la plupart des équipes scientifiques dans tous les pays. L’objectif est de mettre au point une méthode qui, idéalement, serait automatisée, fiable, suivant la cadence de la chaîne d’abattage, et pas chère… Dans ce domaine, c’est « confidentiel défense ». Si l’on se doute que tous les grands bassins y travaillent, aucune information ne filtre.
La proportion d’odeurs sexuelles dépend avant tout des conditions d’élevage
En attendant, c’est le « nez humain » qui est le seul moyen d’écarter de la chaîne des carcasses de mâles entiers malodorants. Certains affirment que la technique est fiable. C’est le cas chez Vion, qui a bâti une stratégie très serrée de recrutements et de formation de leurs « contrôleurs » et affirme, avec 60 % environ de mâles entiers abattus, n’avoir aucun souci de détection ni de débouché sur ces carcasses. Même situation à Cooperl, où l’on annonce un taux de seulement 3 % de défauts d’odeurs. En revanche, les essais menés par l’Arip en France sèment le trouble (page 36). Beaucoup trop de « faux positifs » et de « faux négatifs » observés sur un nombre de carcasses beaucoup plus faible que ce qui peut être réalisé à l’échelle industrielle, et, surtout, avec du personnel peut-être insuffisamment formé et sans doute pas assez de moyens financiers.
Il est toutefois aujourd’hui parfaitement admis que la proportion de carcasses porteuses d’odeurs sexuelles dépend avant tout des conditions d’élevage : génétique, conduite, alimentation, transport, et même calme et confort des animaux… Ce sont des informations très pratiques qui ont fait l’objet de présentations scientifiques pendant trois jours en Espagne (page 30) où se sont réunis les chercheurs de l’EAAP(1). Une confrontation d’expériences tout à fait intéressante, mais limitée aux instituts officiels. Or, nul doute que les opérateurs privés avancent aussi sur le sujet, mais n’ont évidemment aucun intérêt à dévoiler leurs batteries sur un sujet aussi stratégique.
(1) European Federation of Animal Science