Des exploitations porcines plus grandes et plus spécialisées en Bretagne
Avec une baisse de 30 % du nombre d’élevages de porcs en dix ans, la production bretonne s’est concentrée avec des élevages plus grands, faisant davantage appel au salariat.
Plus d’un porc français sur deux est breton. La Bretagne détient 56 % du cheptel français, une part stable depuis vingt ans.
Le cheptel est réparti dans 4 170 exploitations porcines, dont 3 950 sont de taille significative, c’est-à-dire ayant au moins 20 truies ou porcs en engraissement, selon le recensement agricole de 2020.
En Bretagne comme dans les autres régions de production, la concentration des élevages s’est accentuée au cours de la dernière décennie. Entre 2010 et 2020, trois exploitations porcines bretonnes de taille significative sur dix ont disparu.
Dans le même temps, les effectifs porcins par exploitation ont augmenté d’un tiers, passant de 1420 à 1900 têtes en moyenne. Une taille une fois et demie plus élevée que dans les autres régions françaises, selon l’analyse d’Agreste Bretagne. Les élevages avec truies détiennent en moyenne 253 truies, contre 226 au niveau national.
Le modèle dominant des exploitations spécialisées
En parallèle, la part des exploitations spécialisées en porc (c’est-à-dire ne faisant que du porc) a augmenté. Elles représentent désormais 62 % des élevages de porcs bretons (contre 44 % en moyenne en France), loin devant les exploitations mixtes (17 % spécialisées en polyculture/bovin et 13 % d’exploitations granivores combinant porcs et volailles).
Une part de salariat plus élevée
L’agrandissement des élevages s’est accompagné d’une évolution des statuts juridiques avec une chute des statuts individuels, passant de 46 à 16 % des exploitations en vingt ans. En 2020, 84 % des exploitations porcines sont sous forme sociétaire : 43 % en EARL, 22 % en Gaec. Le statut de personne morale, SCEA le plus souvent, est en progression et représente un élevage sur cinq. « Près d’un tiers du cheptel porcin breton est élevé par ce type de société », souligne Agreste.
L’accroissement des élevages se traduit également par une augmentation du nombre d’emplois en équivalent temps plein (ETP) passant de 2,2 à 2,5 par exploitation porcine. Le travail est assuré à 56 % par les chefs d’exploitation ou de coexploitants et à 28 % par le salariat permanent, dont le poids a progressé de 5 points en dix ans.
Ramené au cheptel, le volume de travail pour un élevage de 1 000 porcs est en moyenne de 1,3 ETP en 2020, contre 1,6 en 2010, témoignant de l’amélioration de la productivité du travail.
Un âge moyen des exploitants préoccupant
L’âge moyen des exploitants porcins était de 49,2 ans en 2020. C’est 2,7 années de plus qu’en 2010. Quasiment deux exploitants sur cinq ont plus de 55 ans en 2020, soit 37 % des éleveurs contre 22 % en 2010. « Ils sont deux fois plus nombreux que les moins de 40 ans. » Cela souligne l’enjeu du renouvellement des générations. Selon les déclarations des exploitants âgés de plus de 60 ans en 2020, l’avenir de leur exploitation était plus incertain, en particulier pour les petites exploitations et de type individuel.
Fait surprenant, la part des femmes parmi les exploitants a reculé, passant de 26 % en 2010 à 22 % en 2020. En revanche, la profession se féminise via le salariat.
Une stabilité des installations
Entre 2014 et 2022, le taux d’installation sur des exploitations porcines spécialisées est relativement stable, oscillant selon les années entre 6 et 10 %. « L’investissement conséquent nécessaire peut être un frein à l’installation de nouveaux éleveurs. »
L’exploitation porcine bretonne se distingue également par sa dimension économique, plus de deux fois supérieure à celle de l’ensemble des exploitations bretonnes. 84 % des élevages porcins sont qualifiés de « grandes exploitations », avec une production brute standard supérieure à 250 000 euros par an. « Ce chiffre, qui mesure non pas le chiffre d’affaires, mais le potentiel de production annuel à partir des cultures et des cheptels, a progressé de 54 % entre 2010 et 2020, correspondant à une hausse de 38 % en prenant en compte l’évolution des prix à la consommation. »
Le nombre d’élevages naisseur-engraisseur diminue
La part des élevages naisseur-engraisseur est majoritaire mais en recul, au profit des élevages engraisseurs.
En Bretagne, le modèle d’élevages naisseur-engraisseur reste prédominant. Il concerne une exploitation sur deux, soit 1 884 exploitations. Si leur nombre a diminué de 36 % en une décennie, ces élevages détiennent toutefois trois quarts du cheptel breton et 64 % des capacités d’engraissement. Avec une taille moyenne de 242 truies, cette catégorie d’élevage est proportionnellement plus présente dans les Côtes-d’Armor et le Finistère. Les élevages naisseur-engraisseur sont davantage spécialisés en porc (taux de spécialisation de 82 %), font travailler 3,2 équivalents temps plein, pour moitié salariés, et détiennent 87 hectares de surface agricole utile. « Cette surface a augmenté de 20 % en dix ans, la hausse est cependant inférieure à celle de leur cheptel qui a progressé dans le même temps de 40 % », analyse Agreste.La baisse de la part des élevages naisseur-engraisseur s’est faite au profit de celle des engraisseurs, passée de 41 à 50 %. Au nombre de 1 950, leur capacité moyenne est de 860 places (+250 places par rapport à 2010).
Les naisseurs purs sont peu nombreux (110 exploitations contre 130 en 2010, avec 440 truies en moyenne). 40 % de ces élevages ont une seconde exploitation spécialisée dans l’engraissement. La proportion de salariés est plus importante (3 ETP, dont 2 salariés).
Une production bio limitée en porc
En 2022, la Bretagne représente 22 % de la production française de porcs bio, provenant de 150 exploitations, dont une centaine ayant une activité significative (1). C’est la deuxième Région de production, derrière la Nouvelle-Aquitaine et devant les Pays de la Loire. Néanmoins, le bio pèse relativement peu sur l’ensemble de la production régionale. Ces élevages représentent 3 % des exploitations porcines bretonnes (moins de 0,5 % de la production de porcs charcutiers), contre 6 % en France. Après une forte augmentation entre 2016 et 2020, le nombre de porcs produits s’est stabilisé en 2021 et a diminué de 3,7 % en 2022.
Par ailleurs, une exploitation bretonne sur dix est engagée dans une démarche de qualité officielle (hors bio), notamment en Label rouge (350 exploitations).
En Bretagne, la différenciation de la production se fait en grande partie par des cahiers des charges privés.
Trois questions à Carole Joliff, présidente du Comité régional porcin breton
« Le modèle familial d’élevage de porc breton est unique en Europe »
Comment s’explique l’hyperspécialisation des élevages bretons ?
L’augmentation de la taille et de la spécialisation des exploitations bretonnes est la conséquence d’une production très organisée et qui a su s’adapter techniquement. Elle permet d’être compétitive – face à des pays voisins dont la production est bien plus concentrée – et d’avoir la capacité financière de répondre à des exigences croissantes, notamment environnementales (investissement dans l’alimentation de précision, station de traitement du lisier, méthanisation…). Cette hyperspécialisation répond aussi à une demande sociale, car elle facilite la planification des travaux au sein de l’élevage et répond mieux aux attentes des salariés comme des exploitants, en matière de temps et d’organisation du travail.
Quels sont les atouts du modèle breton ?
Le modèle d’élevage breton est parfois décrié pour son image, mais il reste malgré tout unique en Europe ! Basé sur des capitaux familiaux, il est géré par les exploitants, avec l’aide de leurs salariés. Notre schéma de production standard répond à la demande du plus grand nombre de consommateurs en faisant du porc la viande la moins chère des protéines animales.
Cette concentration des élevages et de l’ensemble des maillons de la filière (abattoir, services techniques, aliment…) sur un même territoire contribue à être davantage compétitif et, par conséquent, plus attractif auprès des futures générations d’éleveurs.
Comment faciliter la transmission d’exploitations de grande taille ?
Pour s’adapter à des capitaux de reprise d’exploitations plus élevés et répondre à l’enjeu de renouvellement des exploitants, il faut trouver de nouveaux outils de financement des élevages, notamment des outils bancaires ou participatifs, des partenariats avec les coopératives, des agriculteurs… Cela nécessite avant cela de faire évoluer la formation des futurs éleveurs afin qu’elle soit adaptée au modèle entrepreneurial de demain, qui exigera davantage de capacité de gestion et de stratégie d’entreprise.