Des éleveurs de porcs réunionnais bannissent la caudectomie
Différents facteurs expliquent le succès de l’arrêt de la coupe des queues des porcelets chez une bonne partie des éleveurs adhérents au groupement CPPR sur l’île de La Réunion. Mais ils ne garantissent pas un résultat à 100 %.
Différents facteurs expliquent le succès de l’arrêt de la coupe des queues des porcelets chez une bonne partie des éleveurs adhérents au groupement CPPR sur l’île de La Réunion. Mais ils ne garantissent pas un résultat à 100 %.
Sur l’île de La Réunion, une grande partie des éleveurs de porcs adhérents à la CPPR (Coopérative des producteurs de porcs de la Réunion), l’unique coopérative porcine de l’île, ne coupent plus la queue de leurs porcelets de manière systématique depuis trois ans.
« Cette décision a été prise à la suite de l’entrée en vigueur de la réglementation qui interdit la section partielle des queues en routine », explique Alexia Dumon, chargée de missions techniques à la CPPR. Spécialiste porc de la firme service Wisium, partenaire du fabricant d’aliment réunionnais Urcoopa, Sandy Micout, a mis en évidence plusieurs points qui expliquent cette exception réunionnaise. « Tout d’abord, il s’agit d’une volonté collective. L’ensemble de la filière s’est mis d’accord pour s’engager dans cette démarche. Des actions ont été engagées et des moyens humains ont été mobilisés par le groupement, le fabricant d’aliment et le vétérinaire pour accompagner les éleveurs », constate-t-il.
Des densités moins élevées
Plus en détail, Sandy Micout note une présence importante de matériaux manipulables dans les cases. « Au-delà de la réglementation qui impose un matériau comestible et une chaîne, beaucoup d’éleveurs ajoutent souvent des objets tels que des morceaux de bois », souligne Damien Parassouramin, responsable technique de l’activité porc d’Urcoopa. Second point important, la densité dans les cases, moins élevée qu’en métropole. En effet, la coopérative demande à ses adhérents que les porcs disposent chacun de 1 m2 de surface dès l’entrée en engraissement. L’aliment utilisé en engraissement peut également être considéré comme un critère limitant les risques de caudophagie. « Pour respecter l’âge à l’abattage fixé à 182 jours minimum, nous utilisons un aliment fibreux et peu concentré », souligne Amélie Vallée, responsable du service alimentation élevage d’Urcoopa. Plusieurs études scientifiques ont en effet prouvé que l’apport de certaines fibres réduit la nervosité des animaux en leur procurant une sensation de satiété. Par ailleurs, l’abreuvement est bien maîtrisé, avec un point d’eau pour 15 porcs maximum en engraissement. « Ce point est essentiel pour la réussite de l’arrêt de la caudectomie, estime Maleck Vasseur, vétérinaire. Un porc qui ne boit pas est fortement stressé. Il ne peut ni manger ni dormir. »
Un temps important de surveillance
Cependant, plus que toutes ces considérations techniques, Damien Parassouramin souligne que le facteur humain est essentiel. « Les élevages sont de petite taille, en moyenne 38 truies naisseur-engraisseur. Les éleveurs consacrent un temps important à la surveillance des animaux. Dès qu’un mordeur est détecté, il est enlevé de la case et envoyé en infirmerie. » Selon lui, la plupart des éleveurs gèrent très bien l’ambiance dans les salles. « Il y a peu d’erreurs de conception, et les circuits d’air sont généralement bien maîtrisés. » Cependant, Il est impossible d’affirmer que certains ne connaissent pas de problèmes de caudophagie. Les facteurs de risque ne manquent pas. La météo de l’île peut rapidement changer. À partir de janvier, des cyclones peuvent générer une pluviométrie importante et de forts coups de vents. En été austral (de novembre à avril), l’hygrométrie est élevée. « Durant cette période, la température est basse sur les hauteurs et pendant la nuit alors qu’elle est élevée en journée, ce qui provoque de la sous ventilation dans les bâtiments », explique Amélie Vallée. D’un point de vue sanitaire, la plupart des contaminants existants en métropole se retrouvent dans les élevages de La Réunion, à l’exception du virus du SDRP. « Cependant, le niveau de maîtrise sanitaire est globalement meilleur qu’en métropole, grâce à la part importante de vaccins dans les traitements administrés aux animaux », explique Maleck Vasseur.
Les taux de perte en baisse
Les derniers résultats de GTE indiquent que, depuis cinq ans, les résultats techniques en engraissement ne se sont pas dégradés. Entre 2019 et 2021, le taux de pertes sevrage-vente moyen a même baissé de 8,7 à 7,7 %. Alexia Dumon se dit confiante sur le maintien de l’arrêt de la caudectomie dans les élevages. « Il arrive que certains éleveurs reprennent la coupe des queues à la suite d’un épisode sévère de morsures, afin de stabiliser la situation. Mais cette reprise est temporaire. Elle fait l’objet d’une étude des facteurs de risque et des actions correctives sont mises en place. Le taux de porcs avec une queue entière est désormais stable à la CPPR », conclut-elle.
Sandy Micout, spécialiste porc Wisium
« Une volonté collective d’arrêter la coupe des queues »
"Le contexte de la Réunion est très différent de celui de la métropole, tant au niveau de la structure de la profession que de la typologie des élevages. À La Réunion, quand une décision est prise, tout le monde va dans le même sens, groupement, fournisseur d’aliment, vétérinaire et éleveurs. C’est l’élément essentiel qui explique que l’arrêt de la caudectomie se soit généralisé sur l’île. Par ailleurs, les élevages sont de taille nettement inférieure par rapport à la métropole. Elle permet une approche des problèmes beaucoup plus individuelle et basée sur l’observation des animaux. Au-delà des conditions de logement et de confort des animaux, ce dernier point est essentiel dans le succès de l’arrêt de la caudectomie."