Plastiques agricoles : le recyclage, un enjeu crucial pour la filière
Comme pour d’autres secteurs, l’utilisation des plastiques en agriculture pourrait être de plus en plus soumise à des contraintes réglementaires si la filière apporte des réponses insuffisantes aux attentes environnementales définies par le Green Deal. Pour y répondre, la Circular Plastics Alliance propose la normalisation comme levier d’amélioration du recyclage et de l’incorporation des recyclats.
Comme pour d’autres secteurs, l’utilisation des plastiques en agriculture pourrait être de plus en plus soumise à des contraintes réglementaires si la filière apporte des réponses insuffisantes aux attentes environnementales définies par le Green Deal. Pour y répondre, la Circular Plastics Alliance propose la normalisation comme levier d’amélioration du recyclage et de l’incorporation des recyclats.
Avec le « European Green Deal », l’Europe entend être le premier continent neutre sur le plan climatique. Ce « Pacte vert européen » a pour objectif de rendre l’économie de l’Union Européenne durable… où les émissions nettes de gaz à effet de serre seront devenues nulles en 2050 et où la croissance est dissociée de l’utilisation des ressources. Ces ambitions ont un impact sur tous les secteurs industriels et économiques. Et la plasticulture européenne est directement concernée.
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Les plastiques utilisés dans l’agriculture représentent 2 % du volume total du marché européen des plastiques. « Mais ils jouent un rôle important pour aider le secteur à être plus efficace en réduisant l’utilisation d’intrants : pesticides, engrais, énergie ; tout en augmentant la production en quantité et en qualité », rapporte Pekka Pesonen, secrétaire général du Copa-Cogeca dans le dernier numéro de Plasticulture. « La pollution plastique due à la mauvaise gestion des déchets plastiques en fin de vie est cependant devenue inacceptable, pour la société et les décideurs politiques », commente Joaquim de Nunes de Almeida, Directeur général, DG Grow, Commission européenne, dans le même ouvrage.
L’agriculture est un secteur proactif en matière de recyclage
La consommation agricole des plastiques, déjà bien structurée, se doit d’être vertueuse. C’est tout l’enjeu de la « Circular Plastics Alliance » (CPA) dont la mission consiste à encadrer, accompagner et encourager la réflexion et les initiatives, qui conduiront la chaîne de valeur vers une gestion intégrée de ces plastiques dans tout leur cycle de vie, depuis leur conception jusqu’à l’utilisation de leurs recyclats dans la fabrication de produits neufs. Dans le domaine du recyclage, l’agriculture est un secteur proactif. Avec plus de 700 000 tonnes de plastiques agricoles usagées (PAU) récupérés et un taux de collecte à 64 %, la fin de vie des films agricoles est bien gérée en Europe.
Preuve aussi que les plasticulteurs ont considéré très tôt leurs PAU comme une matière première secondaire intéressante à exploiter. En 2018, les plastiques agricoles représentaient 3,4 % de la demande de plastiques vierges, mais 13 % de la consommation de plastiques recyclés en Europe. Le groupe de travail Agriculture de l’Alliance, très actif et dynamique, s’engage à prendre des mesures pour améliorer encore ces chiffres. Pour contribuer à l’objectif global des 10 millions de tonnes, le groupe de travail Agriculture s’est engagé à améliorer le recyclage de tous les plastiques agricoles et améliorer l’incorporation dans les produits neufs.
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Selon la Circular Plastics Alliance, traduite en français par l’Alliance circulaire pour les matières plastiques, la normalisation est l’axe de travail principal à privilégier. « L’objectif est de pouvoir assurer une gestion intégrée des plastiques, de la conception à la réincorporation dans les produits neufs », explique Xavier Ferry du Comité des plastiques en agriculture. La perspective est de mettre en place un nouveau cadre de normes et standards pour permettre des échanges sur des bases communes aux fabricants, aux utilisateurs -agriculteurs- et aux recycleurs.
Dans l’agriculture, la souillure des plastiques, notamment les films de paillage, est l’obstacle principal à un meilleur recyclage et à une plus grande incorporation des plastiques recyclés. « Comparé à d’autres secteurs, comme l’automobile, le bâtiment ou l’électronique qui sont eux aussi concernés par la Circular Plastics Alliance, il s’agit d’un problème simple et clairement identifié », témoigne le spécialiste.
L’interdiction de l’enfouissement
Le taux de souillure d’un film plastique détermine sa fin de vie. Au-delà de 50 %, le plastique est refusé par les recycleurs, et son coût d’élimination pour l’agriculteur peut aller jusqu’à 150 euros la tonne, avec l’interdiction de l’enfouissement en 2025. Une demande en normalisation ciblant la réduction de la souillure faciliterait le recyclage. Celle-ci intégrerait également la gestion de la fin de vie utile aux normes produits existantes.
Se concentrer sur la souillure doit aboutir à l’obtention d’un granule de plastique recyclé, d’une qualité équivalente à la matière vierge, afin de lever les contraintes de sa réutilisation. Cette attention est à porter à chaque étape : au moment de la fabrication en réduisant le risque de souillure (film antistatique, film déperlant), à l’utilisation (pose, opérations culturales), à la dépose (nettoyage, machine Rafu), à l’enlèvement et au stockage dans les points de collectes. Il s’agit de créer un standard de caractérisation des déchets de plastiques utilisés en agriculture puis des recyclats pour l’agriculture.
Le 100 % collecté et 100 % recyclé est un objectif
« Ce travail étant dans sa phase initiale, les éléments sont donnés à titre informatif. D’ici 2023, le cadre normatif existant va connaître des évolutions importantes qui auront un impact sur les prix de ventes et les méthodes de commercialisation mais le 100 % collecté et 100 % recyclé est un objectif à atteindre », assure Bernard Le Moine, délégué général du Comité des plastiques en agriculture.
La DG Envi de la Commission européenne envisage de rendre d’application obligatoire ces nouvelles normes mais au-delà, c’est la possibilité ou non d’utilisation des plastiques agricoles qui est en jeu. Une gestion vertueuse de ces matériaux est indispensable et à promouvoir en toute transparence auprès des instances politiques et de la société. A défaut, leur usage pourrait être plus durement réglementé, voire interdit, comme cela a déjà été le cas en agriculture avec les plastiques oxodégradables.
En pratique
Carte du taux de recyclage des plastiques agricoles en Europe
Trois défis à relever pour le recyclage des plastiques agricoles
1. Généraliser les collectes spécifiques à toute l’Europe
Sept pays européens dont la France, ont déjà un schéma de collecte. La Suisse, l'Espagne et la Grèce sont en phase de lancement. La Pologne et la Belgique entament à leur tour une réflexion. En Europe, on estime que le potentiel de recyclage supplémentaire de plastiques agricoles usagés est de 300 000 tonnes de polymère régénéré auxquelles peuvent s’ajouter 150 000 tonnes supplémentaires, actuellement détournées vers la valorisation énergétique ou en centre d’enfouissement.
2. La qualité de la ferme à l’usine, préalable indispensable à un bon recyclage
En 2025, ces plastiques usagés devront avoir trouvé une solution de recyclage. Mais seul un granule régénéré post-consommation (IM 3), d’une qualité équivalente à la matière vierge trouvera des applications en quantité suffisante dans les produits neufs. Or, le défi de la qualité commence à la préparation des plastiques usagés, sur l’exploitation agricole, où l’on veillera à ce qu’ils soient le plus propre possible. De nouvelles technologies apparaissent sur le marché et donnent des résultats très prometteurs.
3. Augmenter les capacités de recyclage à haute valeur ajoutée et lever les freins à l’incorporation de matière recyclée
L’actuelle augmentation historique du prix des polymères vierges va probablement impacter l’industrie du recyclage. Comme pour la résine vierge, qui propose une vaste gamme de polymères destinés à des applications spécifiques, les recycleurs doivent s’engager dans une politique de différenciation technique de leurs recyclats et une caractérisation fiable des lots proposés à la vente.
Objectif : 10 millions de tonnes de granules régénérés
Recycler plus et recycler mieux
Compte tenu des objectifs de la Circular Plastic Alliance, qui vise l’intégration de 10 millions de tonnes de plastique recyclé dans la fabrication des nouveaux produits d’ici 2025, les plasticulteurs ont réalisé un état des lieux de l’existant et surtout précisé les conditions auxquelles ils pourraient l’optimiser. Intitulé « Identified untapped potential for collection and sorting » (Potentiel inexploité des collectes et du tri), le rapport encourageant estime que 700 000 tonnes de plastiques agricoles usagées en Europe sont récupérées pour un taux de collecte à 64 %.
Les bons chiffres montrent que l’interdiction de l’enfouissement est un facteur secondaire dans le développement du recyclage, très loin derrière l’organisation de schémas dédiés. D’où la nécessité de faciliter leur création de NCS, National Collection Scheme. La réduction nécessaire d’un taux de souillure qui renchérit significativement leurs coûts de transport et de recyclage est une autre suggestion majeure, sur la recyclabilité des PAU en particulier celle des films de maraîchage. Ce travail requiert un effort de toute la chaîne de valeur, depuis la ferme jusqu’à l’utilisateur industriel du plastique régénéré, mais il doit également bénéficier d’innovations technologiques, tel le projet français Rafu. Le rapport appelle donc à la mise en place d’un véritable programme européen.
540 000 t de capacités supplémentaires
Certains secteurs, comme les tuyaux d’irrigation ou les films d’enrubannage, disposent également d’une forte marge de croissance. Toutefois, « toute augmentation de la collecte doit être compensée par une augmentation équivalente de la capacité de recyclage », prévient le rapport. En effet, le recyclage mécanique européen tourne aujourd’hui à pleine capacité alors qu’à court terme, on estime à plus de 540 000 t les besoins en capacités supplémentaires. Des projets sont en cours dans plusieurs pays mais ils sont insuffisants au regard des augmentations des collectes attendues. Il sera donc nécessaire d’investir vite et massivement dans les infrastructures industrielles.
L’investissement nécessaire étant estimé entre 700 et 1 000 € la tonne, on imagine les moyens financiers qu’il faudrait mobiliser. Le rapport mentionne d’autres pistes intéressantes, notamment à travers le recyclage chimique. Elles demanderont néanmoins du temps pour être validées et opérationnelles. La montée en puissance de la réutilisation des plastiques recyclés dépend donc, surtout, de la croissance des installations de recyclage disponibles et de leur capacité à proposer une qualité de granule régénéré équivalente au plastique vierge.