Le parc national des Cévennes met en valeur son agropastoralisme
Rencontre avec Julien Buchert, chargé de mission agropastoralisme pour le parc national des Cévennes, en charge du projet Mil’Ouv pour la restauration et la sauvegarde des milieux ouverts.
Julien Buchert travaille avec les éleveurs du parc national des Cévennes sur les questions de pastoralisme.
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B. Morel
Bien que peu fréquentes dans le parc national des Cévennes, les attaques de loup causent toujours un choc à l'éleveur.
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N. Wollentin - Fotolia
Quel est le profil des élevages cévenols ?
Julien Buchert - "Il n’y a pas un type d’exploitation propre aux Cévennes. C’est très varié, il y a aussi bien des fermes avec plusieurs ateliers de petite taille avec des productions diverses allant de l’ovin viande au bois ou encore maraîchage et production de châtaignes. Il y a aussi des exploitations plus importantes, en filière longue, surtout en bovins, caprins lait, ovins allaitants et brebis laitières. Par contre, on a remarqué une forte dynamique de l’agriculture biologique, avec plus de 10 % des éleveurs cévenols qui sont concernés. Cet essor du bio n’est pas sans poser de questions, notamment au niveau de l’autonomie fourragère et de la valorisation des produits en filière longue.
Quelles sont les actions pour dynamiser le territoire ?
J. B. - Plusieurs initiatives ont vu le jour. Premièrement, de nombreux agriculteurs pratiquent la vente directe, d’autres participent à des magasins de producteurs qui permettent un accès facilité aux produits locaux pour le consommateur. Il y a également une filière laine qui est en cours de développement qui permettrait, on l’espère, de placer non plus la laine comme un sous-produit de l’élevage ovin mais comme un réel produit. De plus, le Parc déploie la marque « Esprit Parc National », commune aux 10 parcs nationaux français. Sept catégories sont représentées dans cette marque : la viande de ruminants, le miel, les fruits, les légumes, la restauration et l’hébergement, les sorties découverte, le vin. Les critères techniques sont précisés par les règlements d’usage catégoriel qui sont élaborés par et pour tous les parcs nationaux.
Que représente le pastoralisme pour le parc des Cévennes ?
J. B. - L’agropastoralisme est l’un des piliers du Parc. D’ailleurs, il a été créé en bonne partie pour enrayer la déprise agricole et encourager le pastoralisme. Le parc des Cévennes est le seul parc national habité dans son cœur ; 700 personnes y vivent à l’année. L’agropastoralisme crée de l’activité ici, ça a une incidence économique sur la région qui est importante. Il faut prendre en compte la production bien sûr, mais aussi la commercialisation des produits locaux qui grâce à ce territoire particulier, ont une image positive auprès des consommateurs.
Que souhaitiez-vous faire passer auprès des participants du Riaam ?
J. B. - Nous voulions faire découvrir notre territoire à tous ces participants venus de tout le pourtour méditerranéen Nous cherchions aussi à favoriser les échanges avec les visiteurs internationaux pour confronter les idées et les motivations de chacun. Pour certains participants du Maghreb, par exemple, la fermeture des milieux n’est clairement pas un souci, c’est plutôt l’inverse. De même, beaucoup des visiteurs extérieurs à l’Union européenne ne comprennent pas les difficultés économiques rencontrées par les éleveurs français qui touchent les aides PAC. Ces journées ont pu démontrer l’intérêt de la méthode Mil’Ouv comme étant un outil ergonomique de diagnostic éco-pastoral pour les éleveurs et les bergers.
Qu’en est-il du spectre de la prédation ? Comment le parc gère-t-il la problématique du loup ?
J. B. - Sur le territoire, ce sont les DDT qui pilotent les déclinaisons locales du plan national loup, dans lequel s’inscrit l’action du Parc. Nous avons deux actions directes : les constats de dommage sur les troupeaux et le suivi de la population des loups. C’est important pour l’éleveur qui vient de subir des pertes que les agents se rendent rapidement sur place et l’accompagnent dans ces moments stressants. Ces constats sont extrêmement importants puisque de ceux-ci découlent les indemnisations des éleveurs et la définition des zones d’action du dispositif d’intervention. Nous réalisons également le suivi de la population de loups dans les Cévennes. Il s’agit de loups de passage ; nous n’avons pas pu prouver l’existence de meute aujourd’hui. Nous avons soutenu financièrement les éleveurs pour qu’ils puissent embaucher un aide-berger sans frais pour eux et nous avons obtenu en 2015 le tir de défense dans le cœur de parc. Les Cévennes sont donc pour l’instant le seul parc national où les éleveurs peuvent défendre leur troupeau en cas d’attaque. L’agropastoralisme étant un élément clé du patrimoine et de la vitalité du Parc, il est de notre devoir de le défendre. Cependant, si des situations individuelles peuvent s’avérer problématiques, les attaques restent pour l’instant sporadiques et, de ce fait, les éleveurs ne sont pas toujours prêts à investir fortement dans les moyens de protection malgré leur crainte de subir des pertes. La politique actuelle du gouvernement est de maintenir une population viable de loups tout en réduisant au maximum les dommages sur les troupeaux mais cette démarche sur le fil du rasoir est compliquée à appliquer sur le terrain au quotidien."