« Le campagnol ravage deux tiers des parcelles de mon exploitation ovine »
Richard Randanne élève 620 brebis Rava dans le Puy-de-Dôme. Il tente de défendre ses parcelles des ravages du campagnol terrestre dans une zone classée à haut potentiel de risque pour le rongeur.
Richard Randanne élève 620 brebis Rava dans le Puy-de-Dôme. Il tente de défendre ses parcelles des ravages du campagnol terrestre dans une zone classée à haut potentiel de risque pour le rongeur.
En 1998, à Vernines, au cœur du Puy-de-Dôme, Richard Randanne a repris l’exploitation familiale fonctionnant à l’époque sur deux ateliers ovin et bovin lait, avant de se concentrer sur la troupe ovine allaitante dix ans plus tard.
L’arrêt de l’atelier bovin lui a permis de se libérer de l’astreinte de la traite et de doubler son troupeau ovin, atteignant ainsi 600 brebis Rava, qu’il croise en partie avec des berrichons du Cher. Il adapte son parcours de pâturage selon la pousse de l’herbe sur ses 74 hectares de prairies naturelles. « Avec pas moins de trente-six espèces végétales, la diversité floristique de mes prairies sur un sol profond donne une herbe de qualité en quantité, me permettant d’être autonome en fourrage. » Il ensile l’herbe sur 20 hectares, le reste est récolté en fourrage sec ou enrubanné.
Trois périodes d’agnelage sur deux ans
Avec trois périodes d’agnelage en juillet, octobre et février, l’éleveur de 54 ans livre ses agneaux 42 semaines par an à la coopérative Copagno en Label rouge. « L’agneau fermier des pays d’Oc donne un prix intéressant mais il est rattrapé par les charges. Les agneaux doivent être abattus avant 150 jours donc je dois compléter avec un apport en concentrés. » Il achète également du mash (mélange de céréales, luzerne et pulpe déshydratée) pour la ration des brebis, qui en reçoivent 500 grammes par jour en hiver.
Les brebis sortent généralement d’avril à novembre selon les conditions météorologiques. Il protège les brebis suitées et gestantes de la prédation dans un parc électrifié, ce qui lui permet également de surveiller la bonne alimentation des agneaux. « Il nous arrive d’avoir quelques agneaux emportés par les renards et les corbeaux mais la conduite en lots resserrés limite la prédation. » Gérée par un groupement pastoral d’une douzaine d’éleveurs, l’estive collective accueille 1 600 brebis sur 350 hectares, gardée par un berger salarié.
Un rongeur bien connu des services
Mais depuis son installation, Richard Randanne subit la présence destructrice du campagnol terrestre, ou rat taupier, sur ses parcelles. En expansion depuis les années 1970 dans les prairies du Massif central, la population de ce rongeur a traversé trois périodes de pullulation ces trente dernières années. Le sud-ouest du Puy-de-Dôme, où se situe son exploitation, a été déclaré à haut potentiel de risque.
Malgré une durée de vie très courte, les femelles campagnols peuvent avoir jusqu’à six portées de deux à huit petits chacune. Strictement végétarien, le rat taupier creuse des galeries dans le sol sur 60 mètres de long et à différents niveaux de profondeur. La raréfaction de ses prédateurs associée à un cycle de reproduction explosif donne lieu à une multiplication du ravageur sur certaines zones, provoquant des dégâts considérables sur les parcelles agricoles.
Des pertes en cascade
« Avec deux tiers de mes parcelles concernées, les pertes en fourrage sont très importantes, je dois donc en acheter pour compléter mes stocks. La qualité baisse également car les prairies perdent en diversité floristique. »
Travailler sur une prairie abîmée par les rats taupiers peut également présenter un danger pour la santé de l’éleveur. La poussière des foins et des pailles associée à la présence de terre entraîne une diminution très importante de la capacité pulmonaire et augmente le risque de développer la maladie du poumon fermier et autres pneumocoques par la présence d’irritants et de bactéries.
Autre conséquence non négligeable : l’usure du matériel. Le passage répété des engins sur les mottes de terre créées par les rats taupiers induit un frottement important et une usure précoce des outils.
En plus des pertes économiques directes, l’éleveur doit faire face aux pertes indirectes liées aux ravages du rongeur. « Les zones de sol nu se multiplient et empêchent la bonne reconstruction de la prairie sur le long terme. Sans compter que la présence de terre dans les fourrages crée aussi un risque sanitaire pour les brebis. »
Une lutte collective des agriculteurs
En réponse à un épisode de pullulation, les agriculteurs ont obtenu en 2022 l’indemnisation des actions de lutte contre le campagnol par le Fonds national agricole de mutualisation sanitaire et environnementale (FMSE).
Président de la fédération départementale ovine du Puy-de-Dôme et vice-président de la chambre d’agriculture de son département, Richard Randanne est particulièrement engagé dans la lutte contre le ravageur. « Pour être indemnisé, on signe un contrat de lutte sur cinq ans qui propose une boîte à outils des moyens de lutte directe et indirecte contre le campagnol. » Le contrat, proposé par Fredon France (fédérations régionales de lutte et de défense contre les organismes nuisibles), dispose également d’un volet visant à compenser les pertes de récolte fourragère quand il y a un impact sur la production.
Si la lutte directe inclut le piégeage ou la lutte chimique, la prévention consiste à mettre en place les habitats favorables à la présence des prédateurs naturels du campagnol, comme les hermines, les renards, les belettes ou les rapaces. La présence de haies, de murets et de perchoirs pour les rapaces favorise la lutte indirecte contre les rats taupiers.
L’éleveur ovin plante des haies pour se prévenir du rongeur, mais également pour apporter du confort aux animaux, en leur apportant un abri contre le vent, le froid, la pluie et le soleil.
L’agroforesterie comme lutte préventive
« On constate que la lutte collective porte ses fruits. Le programme devrait être étayé par de nouveaux moyens de lutte. Des études sont en cours sur l’efficacité des phéromones, de l’immunocontraception et sur la lutte biologique en général. Il reste un travail d’animation à faire pour convaincre sur la nécessité de s’engager dans une lutte indirecte préventive mais on est confrontés à des difficultés de recrutement. »
L’éleveur ovin réfléchit à planter des arbres dans ses parcelles pour se prévenir du rongeur. Selon lui, l’agroforesterie représente un bon moyen de lutte tout en se protégeant des effets du changement climatique. « Planter des arbres isolés me permettrait de continuer à avoir des agneaux désaisonnés en été malgré les fortes températures. Ils me donneraient de l’ombre en continu, évitant ainsi que les brebis s’entassent dans les petites zones d’ombre créées par les haies, ou encore sous les remorques. C’est également un bon moyen de diversifier mes sources de revenu complémentaire par la vente de bois d’œuvre. »
Pour cela, Richard Randanne envisage de suivre une formation sur l’agroforesterie, en espérant mieux prévenir des ravages du campagnol terrestre et s’adapter aux conséquences du changement climatique.