La FNO fait face au changement climatique
À l’occasion de la 72e assemblée générale de la FNO, les éleveurs ovins se sont regroupés autour des modèles d’élevage répondant au changement climatique.
À Vogüé, du 17 au 19 avril
Le congrès annuel de la Fédération nationale ovine a mis à l’honneur une terre d’élevage ovin historique en se tenant cette année en Ardèche. Du 17 au 19 avril, le charmant village de Vogüé était le théâtre de discussions tournées vers les modèles d’élevage ovin répondant au changement climatique. Cette assemblée générale a aussi été l’occasion de rappeler le combat permanent de la filière sur les prix, la PAC et face à la prédation. De nombreux thèmes abordés lors de ce rassemblement étaient accompagnés de vidéos dynamisant les interventions.
L'élevage ovin n'échappera pas au changement climatique
La filière ovine souhaite s’orienter vers un système d’élevage répondant aux attentes sociétales et aux attentes pragmatiques des éleveurs. « Imaginer que la filière ovine échappe aux problématiques du XXIe siècle en termes de dérèglement climatique serait un leurre », pour Michèle Boudouin, éleveuse du Puy-de-Dôme et présidente de la FNO. Aurélie Madrid, de l’Institut de l’élevage, a présenté lors du congrès des données de Drias-climat illustrant les changements passés et à venir du climat. Dans un scénario sans politique climatique, on observera dans l’avenir une augmentation des températures annuelles et une diminution de l’humidité des sols en été. Cela aura des conséquences directes sur l’élevage. Selon Climalait, on devrait observer une nette avancée des dates de stades et une variabilité des rendements en lien avec la variabilité du climat. « Le calendrier fourrager est déformé par le changement climatique », précise Vincent Manneville, de l’Institut de l’élevage. Or, en élevage, le calendrier fourrager est ajusté aux besoins alimentaires du troupeau. Un déficit du bilan fourrager entraîne un déficit alimentaire et une perte de sécurité. De plus, le nombre de jours de stress thermique par an va continuer d’augmenter pour les animaux.
Revoir les systèmes fourragers
Pour Aurélie Madrid, on sait que le climat change. Maintenant, la filière doit mettre en place des groupes techniques de discussion pour trouver des solutions permettant de sécuriser les systèmes fourragers et protéger les animaux par les installations (abri, arbres…) ou la sélection des races par exemple. L’intérêt de l’agroforesterie a aussi été soulevé par Vincent Manneville. Pour ce dernier, les éleveurs ont les solutions, il ne reste qu’à échanger et les mettre en place. Il faut prendre en considération les conséquences de ces changements climatiques pour préparer une stratégie. Il a présenté trois options se présentant aux éleveurs : « on ne change rien, on compense en achetant du foin et on subit le marché », « on introduit une ou deux espèces productives pour construire un stock fourrager de sécurité de plus de six mois », « on réalise un inventaire floristique des prairies permanentes, on sursème les parties mécanisables avec des variétés moins sensibles au stress hydrique et aux températures élevées ». La sécurisation du système fourrager, la diversification des collections fourragères et des modes de récoltes, peuvent être des réponses pour mieux prendre en compte les aléas climatiques. La question de l’irrigation aussi s’est posée, lors des échanges sur l’élevage ovin et le changement climatique.
Modifier ses habitudes et gagner en résilience
Vincent Manneville a rappelé de manière factuelle que le réchauffement climatique était aussi lié à la masse nuageuse. Ainsi les 50 % d’eau qui s’évapore lors d’une irrigation, alimentent cette dernière. Il a donc rappelé qu’il fallait se montrer prudent quant à classer l’irrigation comme solution d’avenir. Les éleveurs n’ont pas tous reçu cette information positivement, à l’instar d’Antoine Chrysostome, éleveur dans les Pyrénées-Orientales : « il ne faut pas faire l’amalgame entre un forage qui va pomper l’eau des nappes et l’utilisation d’un cours d’eau privé. On redécouvre aujourd’hui des systèmes d’irrigation dans l’espace méditerranéen, écologiquement bien conçus et faits pour durer. » Les avis divergeant selon la primordialité, des pertes d’eau lors de l’irrigation ou de la sécurisation du stock fourrager. « En tant qu’éleveurs, nous devons nous poser la question de l’optimisation de l’utilisation de l’énergie sur nos exploitations, a soulevé André Delpech, éleveur dans le Lot. Des solutions concrètes peuvent être mises en place tout de suite, mais il faut accepter de modifier ses habitudes et tout le monde n’est pas prêt à cela. »
La PAC et la prédation toujours au menu
L’assemblée générale de la Fédération nationale ovine a aussi été l’occasion pour cette dernière de rappeler sa position sur la politique agricole commune. Les modifications majeures concernant l’aide ovine 2018 (aide de base de 22,30 €, majorations commercialisation et nouveaux producteurs supprimées…) seront conservées en attendant la future PAC 2020, avec tout de même le retour de la majoration destinée aux nouveaux producteurs. La réforme des zones défavorisées simples (ZDS) a entraîné une modification des conditions d’éligibilité et des modalités d’attribution de l’aide ICHN (indemnité compensatrice de handicaps naturels). Cette réforme d’une mesure phare de la politique de soutien à l’agriculture de montagne impacte très fortement la production ovine selon la FNO. Cette dernière a appelé à ce qu’aucune brebis de zone défavorisée ne soit exclue du futur zonage, rappelant que c’était à l’État d’assumer pleinement le poids financier de la réforme.
« L’État est complètement dépassé par la prédation »
Pour la Fédération, « le maintien du niveau d’aide unitaire lié à l’activité d’élevage sur les zones concernées » est un objectif prioritaire. La FNO reprend d’ailleurs ce point sensible dans sa position pour la production ovine de la PAC post 2020. Elle déclare qu’il va de la survie des exploitations ovines, derniers remparts avant la friche de nombreux territoires difficiles, de maintenir une ICHN ciblée sur l’élevage. De plus, pour la FNO, la gestion de cette indemnité ne doit surtout pas être transférée aux régions. Ces positions vis-à-vis de la PAC post 2020 accompagnent celle d’un budget préservé ou augmenté. Ainsi que les positions d’une aide couplée forte vers la performance globale et de la mise en place de programmes opérationnels ovins pour accompagner des démarches collectives qui permettrait une production plus compétitive. Et la position d’une vision écologique récompensant les systèmes d’élevage les plus vertueux.
Un plan loup trop protecteur pour le prédateur
Parmi les vidéos dynamisant le congrès de la FNO, le combat permanent des éleveurs ovins face à la prédation a été rappelé sous la forme de témoignages poignants dans le film de la MSA La montagne en sursis (à voir sur patre.reussir.fr). Rappelant le contexte et les enjeux de la prédation, la FNO a présenté dans son rapport d’activité ses actions réalisées en 2018. Le suivit estival 2018 de l’ONCFS (Office national de la chasse et de la faune sauvage) a mis en lumière l’expansion démographique du loup, avec 85 zones de présence permanente dont 72 meutes. Selon la FNO, au vu de l’évolution des suivis 2017 à 2018, « il est fort probable que l’estimation de l’effectif en sortie d’hiver 2018/2019 dépasse les 500 loups. » L’objectif du gouvernement était d’atteindre 500 loups en 2023. Ces nouvelles ont poussé la FNO et le CAF loup à exiger la renégociation du plan loup 2018-2023, principal combat de la FNO durant l’année 2018. « Ce plan loup était bien trop protecteur vis-à-vis d’une espèce qui n’est aujourd’hui plus en voie de disparition » déclare Michèle Boudouin. Et Claude Font, éleveur en charge de la prédation à la FNO, de renchérir : « l’État est aujourd’hui complètement dépassé par la prédation. » De nouvelles pistes d’améliorations du plan national « post 500 loups » sont étudiés dans un objectif de stopper l’expansion du loup sans remettre en cause sa viabilité. Mais pour la FNO, bien que certaines mesures aillent dans leur sens, d’autres mesures ne vont pas assez loin. L’objectif principal de la FNO est « zéro attaque sur les troupeaux et réapprendre au loup la peur de l’homme ». La FNO a aussi travaillé au cours de l’année 2018 à des groupes de travail sur la non protégeabilité des troupeaux, les zones difficilement protégeables et l’indemnisation des troupeaux.
Les ovins se mettent au vert
Quelques projets liés aux objectifs de développement durable ont été abordés lors de ce congrès. La FNO souhaite profiter de l’expérience d’autres secteurs pour explorer, poursuivre et partager sa réflexion sur les modèles d’élevage de demain.