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La betterave fourragère s’implante dans l’Aveyron

Une vingtaine d’éleveurs laitiers, ovins et bovins, cultive de la betterave fourragère avec un service complet de Cuma. Ils sont enchantés du résultat.

Une vingtaine d’éleveurs laitiers (vaches et brebis) de l’Aveyron et de trois départements voisins (Lozère, Tarn, Tarn-et-Garonne) a relancé la culture de la betterave fourragère. Pour mettre toutes les chances de leur côté, ils se sont équipés en conséquence via la Cuma DEI (Départementale Énergies Innovations). La première année (2018), le groupe a loué à une autre Cuma un semoir à maïs à écartement de 50 cm, pris des parts dans une autre Cuma pour l’achat d’un tracteur de 200 CV et acheté une effeuilleuse-arracheuse-chargeuse à six rangs d’occasion (Grimme) (80 000 €). « Dès le départ, nous avons décidé d’avoir un service complet pour le semis et la récolte », explique Patrick Couderc, éleveur bovin lait. Un salarié a été embauché par la Cuma DEI (700 heures/an) essentiellement pour les chantiers de betteraves. Le groupe cultive une soixantaine d’hectares. « Quand nous avons acheté la récolteuse, il fallait 50 ha pour l’amortir. Idéalement, il faudrait monter à 100 ha », précise-t-il. En 2019, la Cuma a acheté un semoir mécanique à 12 rangs spécifique pour les betteraves (Monosem, 80 000 €) et un GPS pour le tracteur (10 000 €) et l’année suivante une bineuse 12 rangs autoguidée par caméra (Steketee, 50 000 €), sachant que le quart de la surface est en bio.

« C’est un groupe de fonceurs »

« C’est un groupe de fonceurs, analyse Jean-Claude Platon, de la FDCuma de l’Aveyron. Ils ont fait le choix d’équipements performants pour montrer que la mécanisation de la betterave fourragère n’avait rien à envier aux autres cultures, en espérant convaincre d’autres agriculteurs de rejoindre le groupe. Plutôt que de partir sur une durée d’amortissement, ils ont opté pour un volume à amortir, quitte à le reporter dans le temps. »

Plusieurs difficultés sont apparues dans la mise en place de cette culture. Tout d’abord, pour pouvoir assurer une rotation de quatre ans, il faut avoir suffisamment de terrains plats vu l’envergure des engins de récolte (14 m de long), ce qui n’est pas toujours évident dans l’Aveyron. « Il faut laisser 15 mètres à chaque bout pour pouvoir tourner ou, sinon, ramasser les extrémités à la main », recommande Patrick Couderc. L’autre difficulté, ce sont les cailloux dont les sols sont souvent bien pourvus. Le groupe n’a pas encore trouvé la solution pour les trier. Il existe une machine très spécifique qui les trie par flottaison mais elle est très onéreuse. La solution serait peut-être de ramasser les pierres avant le semis. Troisième difficulté : les altises, un minuscule insecte qui peut ravager une culture en quelques heures et nécessite de réagir très vite pour appliquer un insecticide.

« S’impliquer dans le suivi de la culture »

« La betterave est une culture très fragile à l’implantation qui nécessite un suivi régulier jusqu’au stade six feuilles. Ensuite, elle devient très résistante. Il faut vraiment que l’agriculteur soit impliqué dans le suivi de la culture », prévient Serge Moncet, du service conseil innovation développement de RAGT Plateau Central, qui assure le suivi du groupe. Les agriculteurs conventionnels suivent l’itinéraire technique recommandé, notamment le désherbage (deux à trois applications à dose réduite de plusieurs matières actives en association) et le traitement contre les altises (Décis). En bio, certains achètent des plants démarrés pour compenser l’absence de moyens de protection. Mais, le coût est très élevé (1 500 à 2 000 €/ha avec la main-d’œuvre : 6 à 8 personnes). Les conventionnels sèment la variété Summo (Momont), une sucrière-fourragère à 16-18 % de MS adaptée aux régions froides (coût : 300 €/ha en achat groupé), à la densité de 120 000 graines/ha pour un objectif de 90 000 pieds. Outre le fumier, ils fertilisent avec un 15-10-20 à 600 kg/ha et font un traitement foliaire de bore. En bio, le choix s’est porté sur la variété Corindon. La récolte est effectuée à partir du 15 octobre à raison d’une heure par hectare avec deux bennes.

« La betterave créée de l’émulation entre nous »

Malgré les quelques points à améliorer, le résultat est très positif pour les éleveurs. Les rendements sont au rendez-vous et réguliers : de 10 à 15 tMS/ha. Le coût de revient de la betterave fourragère se situe entre 1 000 et 1 200 €/ha en additionnant frais de Cuma, semence, fertilisation, traitements, matériel. « C’est une plante qui résiste très bien à la chaleur et à la sécheresse. Parfois, on a l’impression que la culture est morte, mais, dès qu’il pleut elle repart », assurent les éleveurs. Le rendement est un peu affecté mais il est supérieur à celui des maïs subissant les mêmes conditions. De plus, la valeur alimentaire est constante et exceptionnelle en énergie (1,10 UF). « C’est une culture qui nous a ramené de l’engouement technique et créé de l’émulation entre nous », conclut Patrick Couderc. Pour poursuivre sa démarche de développement, le groupe envisage la création d’un GIEE.

Gaec de Veyrac

« Avec la betterave, nous faisons beaucoup plus de lait »

Clément et Julien Galibert (Gaec de Veyrac) élèvent 470 brebis laitières (à la traite) et produisent 205 000 litres de lait. Ils cultivent 2 ha de betteraves fourragères au sein d’un assolement (80 ha) très diversifié : maïs ensilage et grain, céréales, prairies (luzerne, ray-grass/trèfle, multi-espèces, naturelles). Irriguée, elle atteint des rendements exceptionnels et réguliers (85-90 t/ha en brut à 17 % de MS, soit 15 tMS/ha). « La betterave nous permet d’apporter de l’énergie sous forme de sucres solubles – elle remplace l’orge – et d’avoir une ration hivernale de bonne qualité de la fin de gestation jusqu’à la mise à l’herbe », expliquent les deux frères. Les mises-bas ont lieu fin octobre pour un démarrage de la traite le 27 novembre. Cet hiver, la ration comprenait 1,5 kg brut de maïs ensilage, 1,7 kg de betterave, 100 g de maïs grain, respectivement 900, 600 et 300 grammes de foin de luzerne séché en grange de première, deuxième et troisième coupes et 200 g de tourteau de soja 45. Une ration distribuée à la mélangeuse électrique à poste fixe. Un aliment complémentaire (35 % de MAT) est distribué en salle de traite selon la production de chaque brebis. « Depuis que nous utilisons la betterave, nous faisons beaucoup plus de lait tout en maintenant un coût alimentaire bas, détaillent les éleveurs. Les brebis sont passées de 350 à 440 litres et les taux ne se sont pas dégradés (135,8 g de MSU). Les achats extérieurs représentent 17 % du prix du lait. La marge sur coût alimentaire s’est beaucoup améliorée, de 270 €/brebis en 2018 à 333 €/brebis en 2020. Et, les animaux sont en bonne santé. »

Le saviez-vous

Riche en énergie, pauvre en protéines

Avec 1,15 UFL, 62 de PDIN et 86 de PDIE, la betterave fourragère est très riche en énergie mais pauvre en protéines et en cellulose. Selon l’association de promotion de la betterave fourragère (ADBFM), elle présente les avantages d’un fourrage et d’un concentré et peut compléter une ration à base d’herbe ou de foin. Pour les brebis en lactation, on peut apporter jusqu’à 4 à 7 kg brut, soit 600 g à 1 kg de matière sèche par jour.

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