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" Face au changement climatique, nous avons augmenté les surfaces fourragères "

Le Gaec du Thillot, en Haute-Marne, est en AOP époisses et langres. Il a réduit sa surface de cultures de vente et augmenté celle en maïs et luzerne. 

Le Gaec du Thillot, sur le plateau de Langres (sud de la Haute-Marne), adhère aux deux cahiers des charges des fromages AOP langres et époisses. Le Gaec doit donc respecter au moins 85 % d'autonomie alimentaire et les concentrés doivent rester en deçà de 30 % de la ration de base ou de 7 kg. Le langres impose six mois de pâturage sans contrainte de date et 20 ares de pâture par vache. En époisses, il faut que, du démarrage de l'herbe jusqu'au 15 juin, au moins 50 % de la ration soit en herbe fraîche, pâturée ou affouragée en vert. " Cette dernière exigence devient très difficile à tenir avec de plus grosses chaleurs et sécheresses dès le mois de juin, et des printemps pas beaucoup plus précoces, pointe Franck Boitteux, un des six associés du Gaec. Même s'il y a moins de gelées tardives, il y en a toujours jusqu'à la mi-mai. Et le démarrage de la végétation est toujours tardif et lent ; on a peut-être gagné une semaine en 25-30 ans. Donc on ne peut pas avancer tant que cela la sortie au pâturage. "

En 2016, " pour pouvoir nous agrandir tout en respectant le cahier des charges, nous avons fait la nouvelle stabulation en haut du plateau où il y a beaucoup plus de surface accessible : 45 hectares d'un seul tenant pour les 120 vaches laitières ". Ce sont des sols superficiels (20 à 30 cm de profondeur), calcaires caillouteux qui sont portants mais séchants. " Aujourd'hui, c'est déjà juste. "

Des pousses qui restent tardives et lentes en début de saison

Pour allonger la période de pâturage des vaches, 8 hectares normalement réservés à la fauche peuvent servir au pâturage d'automne. Sinon, le Gaec n'a pas de piste. Les prairies naturelles ne gagneraient pas à être sursemées avec d'autres espèces. " Ceux qui ont essayé disent que l'année suivante, les prairies sursemées sont moins belles que les autres. " Faire des paddocks pour du pâturage tournant n'est pas adapté sur le plateau, " car les périodes de pousse sont assez courtes. Il faut que toute la parcelle de 45 hectares soit mangée en un mois environ pour valoriser l'herbe jeune. Et après ce premier passage, on a de la chance si l'herbe repousse bien en deuxième cycle ".

Plus de maïs à double fin : méthaniseur et stock de sécurité

L'autre contrainte des cahiers des charges est l'autonomie alimentaire. Le Gaec a choisi de réduire ses surfaces de cultures de vente, qui font des rendements médiocres, pour augmenter un peu la surface en maïs et surtout celle en luzerne.

Malgré des rendements (5 à 13 tMS/ha) et une qualité plus variables (pas de grain en 2018), le Gaec maintient la place du maïs dans son système pour assurer une sécurité fourragère, au moins en quantité. Une partie va dans le méthaniseur. Pour assurer un stock de sécurité pour les vaches, l'objectif du Gaec est d'ensiler la quantité qu'il faudrait pour distribuer une ration hivernale tous les jours jusqu'à la récolte suivante. Le surplus de ce stock de maïs va à la méthanisation.

Plus de luzerne dactyle pour la fauche

Complémentaire du maïs, la luzerne a été développée. " Notre objectif est de récolter 400 bottes d'enrubannage et 400 bottes de foin. " La luzerne est associée au dactyle pour assurer le rendement fourrager. Les gelées tardives retardent parfois la 1re coupe à début juin. L'objectif du Gaec est de faire la 2e coupe avant les très fortes chaleurs de mi-juillet, pour espérer pouvoir faire une 3e coupe en septembre. " Si la récolte est insuffisante, on fait plus de foin de qualité pour les laitières sur les prairies. "

Quand le bilan fourrager n'est pas bon, le Gaec sème un couvert, soit un méteil à l'automne pour refaire du stock d'ensilage l'année suivante, soit un couvert d'été (avoine, pois) pour une récolte en enrubannage destinée aux génisses et aux vaches allaitantes. " Il faut pouvoir semer à la moisson pour bénéficier de la fraîcheur qui reste de la culture précédente ; sinon le risque est que ça ne lève pas à cause du manque d'eau. Cela demande de l'équipement et de la main-d'œuvre. Enfin, il faut pouvoir récolter le couvert d'été en octobre dans de bonnes conditions. "

À l'avenir, le Gaec pense encore augmenter ses surfaces fourragères, pour viser entre six mois et un an de stocks !

Chiffres clés

120 vaches montbéliardes à 8 000 l/VL/an, 30 vaches allaitantes
600 ha dont 230 ha de prairies naturelles, 80 ha de maïs, 45 ha de luzerne, 30 ha de prairies temporaires, le reste en cultures de vente. En 2018, pas de cultures dérobées pour les fourrages

Les autres leviers des éleveurs de la région

Diminution du maïs, développement de méteil suivi de sorgho... Les éleveurs testent d'autres leviers d'adaptation.

" Avec des rendements plus variables et une qualité parfois décevante, certains éleveurs réduisent la surface en maïs et augmentent la part d'herbe, indique Alexandra Jacquot, animatrice de l'ODG époisses. Deux exploitations ont carrément supprimé le maïs et ont développé des prairies multiespèces et la luzerne, et ils acceptent une relative baisse du rendement laitier des vaches. "

De nouveaux mélanges prairiaux sont testés

Les éleveurs testent des mélanges pour que la prairie résiste mieux aux sécheresses et produise plus longtemps. Il y a des différences de potentiel de sol entre les fermes, mais les espèces qui sortent du lot sont la fétuque élevée, le dactyle, le lotier, des trèfles dont le violet, des ray-grass.

Il se fait de plus en plus de méteil. " Les éleveurs constatent qu'il faut associer au moins trois espèces complémentaires, et faire des mélanges spécifiques suivant les animaux auxquels ils sont destinés et suivant la date de récolte souhaitée – printemps ou automne. " La succession de cultures présente un gros risque pour le maïs qui vient après, avec une compétition pour l'eau. La piste du sorgho BMR derrière un méteil semble prometteuse. Certains testent aussi l'utilisation de ce sorgho en vert.

Avis d'expert : Alexandra Jacquot, animatrice de l'ODG époisses

" Il faudra probablement ouvrir le cahier des charges de l'époisses "

" Le cahier des charges époisses impose un minimum de 50 % d'herbe fraîche (pâturée ou affouragée en vert) dans la ration jusqu'au 15 juin. Cette date pose problème, déjà aujourd'hui.

Pour l'instant, les éleveurs tentent des solutions comme des prairies aux espèces variées et adaptées à leurs terres ; l'affouragement en vert ; la substitution du maïs par de l'herbe et de la luzerne associée à une désintensification.

Pour demain, il faudrait ouvrir le cahier des charges pour réviser cette date du 15 juin, et raisonner sans doute en durée de pâturage annuelle. Aujourd'hui, et certainement davantage à l'avenir, de l'herbe fraîche est consommée à l'automne, et elle n'est pas valorisée par le cahier des charges. L'idée serait de la valoriser pour profiter au mieux des prairies, qui sont un élément fort du terroir de notre AOP. "

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