Aller au contenu principal

De l’agneau haché pour relancer la consommation ?

Dans le contexte de baisse de la consommation de viande ovine, le haché d’agneau peut séduire pour sa modernité et sa praticité.

La viande hachée représente près de 45 % de la consommation globale de viande bovine. Elle séduit pour sa praticité et son goût peu marqué. Pourtant, il est encore assez rare de voir de la viande ovine hachée dans les rayons. La filière ovine, qui souhaite relancer la consommation d’agneau en baisse structurelle depuis les années 1990, s’intéresse à la question. En effet, proposer des produits et découpes nouvelles et plus simples et rapides à préparer est une piste pour séduire les jeunes consommateurs. C’était notamment l’objectif de la démarche Agneau Presto, remplacée aujourd’hui par la campagne de promotion européenne L’agneau, si simple, si bon. « Le haché pourrait aussi être un moyen de progresser dans la restauration collective, pense Maurice Huet, président d’Interbev ovins. Cependant, la viande d’agneau, plus sensible sur le plan bactériologique nécessite plus de précautions que sur du bovin. De plus, nos outils n’ont globalement pas un débit suffisant pour mettre cela en chantier de façon simple. »

La réglementation définit deux catégories de haché : les viandes hachées qui sont des viandes désossées soumises à une opération de hachage en fragments contenant moins de 1 % de sel et les préparations de viande qui sont des viandes fraîches réduites en fragments auxquelles ont été ajoutées des denrées alimentaires ou additives ou qui ont subi une transformation insuffisante pour modifier à cœur la structure des muscles. Ces produits doivent répondre aux exigences réglementaires communautaires et nationales sur les plans chimiques et bactériologiques.

Pas d’obstacle technique majeur au hachage

Une étude a été réalisée en 2010 par l’Institut de l’Élevage pour évaluer la faisabilité de réaliser une préparation de viande hachée ovine, les éventuels freins techniques, le respect des contraintes réglementaires, et l’acceptabilité du produit par le consommateur sur le plan organoleptique. Plusieurs recettes ont été testées avec différents morceaux de poitrines et d’épaules d’agneaux ou de moutons plus ou moins gras. Le premier test visait à vérifier l’aptitude à la fabrication, et s’il n’y avait pas de problèmes de hachage et de formation physique des steaks. Aucun problème majeur n’a été rencontré, sauf pour les recettes les plus grasses (plus de 20 % de lipides) ayant pu occasionner un bourrage du broyeur et des steaks plus collants, moins bien formés. Au niveau de la composition chimique, les maximums réglementaires de 25 % de lipides et de 15 % pour le rapport de collagène sur protéines étaient respectés. Un parage pourrait cependant s’avérer nécessaire pour les carcasses les plus grasses.

Les trois quarts des consommateurs satisfaits

Au niveau organoleptique, les trois quarts des consommateurs du panel ayant goûté les steaks se disaient satisfaits et affirmaient souhaiter consommer à nouveau le produit. Il y a eu peu de différence d’appréciation entre les recettes malgré des taux de gras très variables (12 à 25 %), et la présence d’une recette au mouton, mais l’appréciation individuelle a globalement diminué avec l’augmentation du taux de gras. L’étude visait aussi à définir des dates limites de consommation pour les produits. Les tests ont montré que celles-ci ne pourraient pas dépasser cinq jours, ce qui est relativement court, compte tenu du circuit de commercialisation, plutôt en grandes surfaces sur lequel ce type de produit se positionne.

Une date limite de consommation nécessairement courte

Mais des solutions sont envisageables pour y remédier. « La première piste d’amélioration serait d’avoir une meilleure qualité hygiénique initiale des matières premières, en améliorant notamment la propreté des animaux à l’abattage, indique Christophe Denoyelle, chef du service qualité des viandes à l’Institut de l’Élevage. La mise en œuvre du Guide des bonnes pratiques d’hygiène abattage et découpe et la décontamination des carcasses avec des outils tels que le vapo-vac vont aussi dans ce sens. » En effet, sur un produit sensible tel que le haché, une faible différence sur les niveaux de contamination initiaux peut impacter significativement la qualité finale du produit. Il est également possible de sélectionner la matière première pour la fabrication de viande hachée selon la propreté des carcasses, leur teneur en matière grasse et la valeur commerciale des morceaux. Ainsi, le haché pourrait aussi permettre d’écouler les morceaux moins prisés à certaines saisons.

Si les professionnels de la filière souhaitent avancer dans cette voie, ils restent prudents car « ce n’est pas un produit qui apporte de la valorisation ».

ACCROCHE accroche

Un produit courant au Royaume-Uni

Encore peu répandue en France, la viande hachée ovine est plus développée Outre-Manche. Des précautions importantes sont prises dans les abattoirs et au conditionnement pour éviter tout problème bactériologique et le haché d’agneau se conserve jusqu’à six jours. « Au Royaume-Uni, il y a un marché très important pour le haché et les boulettes, il n’y a pas une grande surface où on n’en trouve pas, alors qu’en France, on commence tout juste à voir des boulettes de bœuf », explique Rémi Fourrier, le représentant en France de l’interprofession ovine anglaise. La gamme hachée et boulettes d’agneaux représentait, en 2012, 10 % des volumes et 7 % en valeur de la viande d’agneaux commercialisée au Royaume-Uni. « Cela permet de préparer des recettes originales, et de changer du quotidien : tajines, pattes bolognaises… C’est aussi un moyen d’attirer de nouveaux consommateurs. En effet, les amateurs de burgers ne sont pas forcément consommateurs d’agneaux. Ce produit nous permet de leur faire découvrir cette viande. C’est une manière ludique de commencer à consommer de l’agneau. » Depuis le début de l’année 2016, l’opérateur du Pas-de-Calais Macquet fabrique des boulettes et burgers d’agneaux britanniques de marque Saint-Georges qu’il commercialise dans certaines grandes surfaces françaises, essentiellement chez Auchan et chez Métro. « Il est vrai que l’agneau va être un peu plus fort en goût que le bœuf. Or les Français n’ont pas l’habitude de consommer des viandes fortes », estime Rémi Fourrier.

Les plus lus

Laura Chalendard, éleveuse ovin dans la Loire
« On n’a plus d’autre choix que d’abandonner, de renoncer à son rêve » - Des inégalités de genre encore omniprésentes dans le monde agricole
« Vous vous en sentez capable ? » : une question que les femmes en cours d’installation connaissent par cœur…
Vincent Bienfait
« Je gagne 2,6 Smic avec le système ovin pâturant que j’ai développé »
Éleveur multiplicateur de brebis Romane dans le Morbihan, Vincent Bienfait a mis en place un système très pâturant, encore peu…
Lauriane, étudiante en école d’ingénieurs à AgroParisTech
« Les violences sexuelles salissent le monde agricole »
À la campagne, l’anonymat n’existe pas. En raison de la promiscuité dans les zones rurales peu denses où « tout le monde se…
Le pâturage hivernal des brebis sur les prairies bovines fait partie des études en cours au sein du Ciirpo.
Le Ciirpo se projette dans l’avenir de la production ovine
En 2024, une trentaine d’études est en cours au Ciirpo. Et les projets ne manquent pas, entre l’adaptation au changement…
Pierre Stoffel avec son chien
« J’ai à cœur de maintenir la commercialisation en circuit court de mon élevage ovin ! »
Confiant, Pierre Stoffel, à peine 20 ans, vient tout juste de reprendre l’exploitation familiale en individuel, que son père a…
Albédomètre
Innover et tester pour les éleveurs ovins
Reconnu pour son impartialité, le Ciirpo expérimente de nouvelles techniques en production ovine avec des essais réalisés…
Publicité
Titre
Je m'abonne
Body
A partir de 93€/an
Liste à puce
Accédez à tous les articles du site Réussir Pâtre
Consultez les revues Réussir Pâtre au format numérique, sur tous les supports
Ne manquez aucune information grâce à la newsletter Réussir Pâtre