PAC 2023 : les aides du premier pilier ne favorisent pas les systèmes qui engraissent
D’après une simulation de l’Institut de l’élevage, les systèmes qui engraissent seraient franchement perdants sur le premier pilier de la PAC. Les systèmes allaitants extensifs seraient peu impactés par cette réforme.
D’après une simulation de l’Institut de l’élevage, les systèmes qui engraissent seraient franchement perdants sur le premier pilier de la PAC. Les systèmes allaitants extensifs seraient peu impactés par cette réforme.
L’Institut de l’élevage a réalisé une simulation à partir de systèmes types sur le Rica (réseau d’information comptable agricole). En se plaçant à système d’exploitation constant, et en considérant que la conditionnalité est respectée pour toutes les exploitations, elle permet de comparer le niveau de soutien des élevages par les aides du premier pilier de la PAC en 2023, puis en 2027, par rapport à leur situation actuelle.
« Globalement, les effets de cette réforme sont moins forts que ceux des réformes précédentes », présentait Hélène Fuchey de l’Institut de l’élevage lors d’une journée organisée en novembre à Paris par la Confédération nationale de l’élevage.
Dans cette mouture de la PAC, le poids des références historiques se fait beaucoup sentir sur les systèmes d’élevage de bovins viande. « La convergence a un effet compensateur sur les systèmes allaitants plutôt extensifs, et un effet aggravant pour les systèmes engraisseurs spécialisés de jeunes bovins, naisseurs-engraisseurs de jeunes bovins et naisseurs-engraisseurs de veaux sous la mère », analyse Hélène Fuchey. Les systèmes qui engraissent des mâles ont en effet des références historiques en général plus élevées.
En 2023, d’après cette simulation, le montant total des aides couplées baisserait en moyenne de 17 % (de 11 à 30 % selon les élevages). Sur l’ensemble du premier pilier, la perte se chiffrerait à 2,5 % en moyenne, mais pourrait aller jusqu’à 13 % pour certains élevages.
L'intégralité du dossier ici : C'est parti pour la nouvelle Pac
Une perte moyenne de 3 % d’aides à l’échéance 2027
Cette tendance se poursuivrait sur les années suivantes. En 2027, à mi-chemin de la fin de la convergence, la perte sur le couplage des élevages bovins viande est estimée à 23 % de moyenne (en variant de 17 à 34 %). Au final, sur l’ensemble du premier pilier, les élevages bovins viande perdraient 3 % d’aides du premier pilier - ce chiffre variant selon les situations de 0 à 20 %.
Derrière cette moyenne se cache en effet une grande diversité de situations. "L’effet de la réforme sera très variable d’une exploitation à l’autre, y compris au sein d’une même région", observe Hélène Fuchey.
"Nous avons le sentiment qu’il y a un décalage entre le plan stratégique national qui ne va a priori pas bouleverser les systèmes d’élevage, et ce qu’on est en train de vivre : une phase de décapitalisation très rapide et un énorme problème de renouvellement des générations", a réagi Bruno Dufayet, président de la Confédération nationale de l’élevage et président de la Fédération nationale bovine.
"Le signal envoyé par cette réforme est en ce sens assez dramatique car il ne va pas dans le sens de soutenir ceux qui ont envie de continuer le métier." Pour le responsable professionnel, la perte de soutien aux élevages allaitants appelle une réponse très simple : elle représente 10 à 15 centimes d’euro par kilo en plus sur le prix de revient des animaux. "Charge à la filière de venir compenser ce que le plan stratégique national ne fera plus."
Bruno Dufayet se déclare aussi très attaché à la cohérence entre l’orientation de la PAC et l’orientation générale des autres textes politiques européens, notamment commerciaux. "Il faut vite se mettre au travail à l’échelle européenne pour définir ce modèle d’agriculture durable dont on parle beaucoup mais qui n’est pas encore écrit."
Laurence Marandola, éleveuse en Ariège et secrétaire nationale de la Confédération paysanne en charge du dossier PAC, met l’accent sur le manque de cohérence entre les différents éléments de la réforme. "Nous étions favorables au principe du passage à une aide à l’UGB bovine de plus de seize mois, qui envoie un signal positif pour l’engraissement de génisses et de bœufs. Mais il aurait fallu l’assortir d’un ensemble de mesures en faveur de l’élevage herbager plus incitatives, via la convergence, le paiement redistributif, le soutien aux prairies. Nous aurions aussi souhaité que le montant de la prime soit plus élevé pour les premiers UGB. Par contre, nous étions favorables à la mise en place des plafonds pour le chargement à 1,4 et pour le nombre total à 120 UGB." Laurence Marandola constate qu’il y aura plus de perdants que de gagnants avec cette réforme parmi les élevages bovins viande. "De plus, il est évident que le budget des Maec sera insuffisant par rapport aux demandes."
Stéphane Charbonneau, éleveur en Vendée et responsable de la section viande de la Coordination rurale, insiste sur la perte de budget pour l’aide couplée bovine du premier pilier. "Soutenir la production de protéines végétales est très bien, mais là c’est au détriment des aides bovines. Si la Coordination rurale n’est pas favorable à cette nouvelle PAC, l’aide à l’UGB est plutôt de bon sens. Les éleveurs gagneront en souplesse dans la gestion de leur troupeau. Par contre, le plafond de chargement à 1,4 va bloquer beaucoup de gens."
Pour Stéphane Charbonneau, cette réforme ne va pas dans le sens de soutenir la vocation de souveraineté alimentaire de l’Europe. "La question des prix payés aux éleveurs, afin qu’ils couvrent enfin les coûts de production, puissent investir et gagner leur vie reste entière."
Un risque de déstabilisation des sorties d’animaux
Contrairement aux aides bovines de la PAC 2014-2022, qui primaient des vaches, la nouvelle aide à l’UGB ne prévoit pas la possibilité de remplacer une vache par une génisse au cours de période de détention obligatoire. "En effet, le remplacement des vaches de réforme n’a plus d’intérêt dans le cadre de l’aide à l’UGB car cette aide ne prime plus seulement les vaches, mais tous les bovins de plus de 16 mois de l’exploitation, précise le service presse du cabinet du Ministre. Il convient de noter par ailleurs que les effectifs primés seront plafonnés (40 ou 120 UGB ; plafond lié à la surface fourragère)."
"Chaque élevage cherchant à s’adapter au mieux, la fluidité de sortie des animaux pourrait être impactée, avec un risque de déstabilisation des marchés", a alerté Bruno Dufayet, président de la FNB, lors de la journée PAC organisée en novembre par l’Institut de l’élevage. La FNB a demandé plusieurs mois avant l’échéance de janvier 2023 des évolutions en vue de l’entrée en application de cette réforme.
Cependant, les règles pour 2023 ne changeront plus, indique le ministère, elles sont définitives. Le dépôt de la demande d’aides est à faire, comme les années précédentes, entre le 1er janvier et le 15 mai. La date de référence est fixée six mois après la date de la demande. Pour les éleveurs déposant leur demande tardivement (jusqu’au 10 juin, avec pénalités), la date de référence est le 15 novembre.
"La FNB continue de porter sa demande pour adapter le règlement de l’aide couplée bovine pour les années suivantes."