Nouvelle PAC : quelle voie d’écorégime choisir et quel niveau viser ?
L’écorégime remplace le paiement vert pour un montant analogue. Une grande majorité d’exploitations laitières devraient atteindre le niveau de base sans changement.
L’écorégime remplace le paiement vert pour un montant analogue. Une grande majorité d’exploitations laitières devraient atteindre le niveau de base sans changement.
L’écorégime, avec trois niveaux de paiements différents selon les exigences atteintes, remplace le paiement vert dans la nouvelle PAC. L’enjeu de l’écorégime n’est pas anodin : les estimations du ministère de l’Agriculture tablent sur 60 €/ha pour le niveau « de base », 80 €/ha pour le niveau « supérieur » et 110 €/ha pour les exploitations bio. L’ancien paiement vert, qui disparaît, avoisinait en moyenne 73 €/ha.
Pour toucher l’écorégime, trois voies sont envisageables : « pratiques agroécologiques », « éléments favorables à la biodiversité » (encore appelés « IAE » pour infrastructures agroécologiques) et « certification environnementale de l’exploitation ». Changer chaque année de voie est possible. Les éleveurs de bovins lait auront peu de difficultés à atteindre le niveau de base des écorégimes, à travers l’une ou l’autre des trois voies proposées.
Pour les systèmes très herbagers qui contiennent beaucoup d’infrastructures agroécologiques (lire p.36), la voie « IAE » semble toute indiquée, sans risque à priori de perdre l’écorégime en cours de période 2023–2027.
Pour les systèmes diversifiés polyculteurs éleveurs, ou herbagers avec insuffisamment d’IAE, la voie « pratiques » serait plus appropriée. Attention, chaque année, le niveau d’écorégime peut varier selon l’assolement. Il faudra être vigilant, et se faire accompagner pour éviter de perdre le niveau supérieur pour un ou deux hectares mal positionnés.
La voie « certification » pourrait intéresser plus d’éleveurs
La voie « certification » devrait surtout intéresser les éleveurs laitiers bio. Le niveau de base de cette voie, la certification environnementale de niveau 2+, ou CE2+, créé pour l’écorégime, ne recense pas d’initiatives laitières pour l’instant. Le niveau supérieur de la voie « certification » est réservé aux exploitations HVE (haute valeur environnementale). La HVE fait une entrée timide en élevage bovin lait. Actuellement, seuls quelques élevages sont engagés. Elle est valorisée à travers les produits laitiers par des éleveurs en vente directe, ou par de petites structures de transformation ayant un lien fort à leur territoire.
« Mais de plus en plus d’éleveurs se posent la question, estime Dorothée Rousval, de Cogedis (centre de gestion et conseil d’entreprise du Grand-Ouest de la France). C’est une certification, donc l’agriculteur accède au niveau supérieur pour plusieurs années (renouvellement tous les trois ans). Elle permet d’être dispensée de réaliser un diagnostic phytosanitaire et ouvre la possibilité d’obtenir un complément d’aide PCAE (modernisation des exploitations). » Côté filière, la HVE pourrait se développer pour le débouché de la restauration collective, et si à l’avenir la grande distribution la demande.
Déterminez votre voie d’accès à l’écorégime
Dans la voie « pratiques », le garde-fou sur le labour des prairies permanentes ne concerne que le labour pour régénérer immédiatement une prairie permanente. « En Bourgogne-Franche Comté, ce point ne devrait pas poser de problème, car en général il y a très peu de labour pour régénérer les prairies permanentes. Les éleveurs font plutôt du travail superficiel ou du sursemis », pointe Clothilde Patoux, du Cerfrance BFC. Par contre, le fait de retourner une prairie permanente pour faire une culture ensuite n’est pas pénalisé par l’écorégime. Mais cela pourrait être le cas dans le cadre de la conditionnalité, avec la BCAE 1 (bonne condition agricole et environnementale) sur le maintien des prairies permanentes.
Mise en garde
Les montants des écorégimes indiqués par le ministère de l’Agriculture sont purement indicatifs, et seraient surestimés, selon certains experts interrogés. « Si on divise l’enveloppe des écorégimes par les hectares éligibles, hors vigne, on obtient une moyenne de 67 €/ha pour les trois niveaux et le bonus haie, évalue Michel Lafont. Or, il y a fort à parier que tous les agriculteurs chercheront au moins le niveau de base, et qu’une bonne part de ceux en niveau de base voudront accéder au niveau supérieur. Les montants unitaires seront donc certainement inférieurs. » Par contre, les écarts entre les niveaux devraient être respectés : 20 €/ha entre le niveau de base et le niveau supérieur, et 30 €/ha entre le niveau supérieur et le bio.
Faut-il modifier ses pratiques pour viser le niveau supérieur ?
Passer du niveau de base au niveau supérieur de l’écorégime apporte 20 €/ha mais aussi plus de risque, de charges et de travail. Cela vaut-il le coup économiquement ?
Si chercher le niveau de base de l’écorégime est une nécessité pour se garantir un certain niveau d’aide, la question se pose quand il s’agit de passer au niveau supérieur. « En Bourgogne-Franche Comté, vu les profils d’exploitations laitières – 173 ha en moyenne en polyculture élevage avec des surfaces en herbe et des assolements diversifiées –, l’écart est de 3 460 €. Donc cela vaut le coup d’accentuer un peu une diversification d’assolement pour accéder au niveau supérieur », pointe Clothilde Patoux, du Cerfrance BFC. Ce ne sera pas forcément le cas dans des systèmes plus simplifiés, comme une ferme spécialisée lait du Grand Ouest, avec maïs, herbe et blé.
Tenir compte du contexte fourrager tendu
« Faut-il aller chercher des aides PAC pour maintenir ou augmenter à tout prix son niveau d’aide ?, interrogent Jean-Yves Pouliquen et Dorothée Rousval, de Cogedis. Cela vaut-il le coup de faire une quatrième culture, ou d’augmenter sa surface en prairies temporaires pour aller chercher le niveau supérieur de l’écorégime par la voie « pratiques » ? » Se lancer dans une nouvelle culture comporte le risque de se louper et ne pas pouvoir refaire de stocks fourragers. « Le conseil que nous donnons est de chercher à capter les aides PAC qui correspondent à votre stratégie et qui ne vous demandent pas d’effort particulier (investissement, travail supplémentaire, besoin de trésorerie). Les montants en jeu ne justifient pas de prendre trop de risques, surtout dans le contexte actuel de stocks fourragers tendus et de prix des intrants très élevés. »
Mise en garde
La dérogation « jachères » accordée par l’Union européenne du fait de la geurre en Ukraine ne s’appliquera pas aux écorégimes. Pour prétendre aux écorégimes par le biais des voies « IAE » et « pratiques », les jachères devront être de vraies jachères.