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« Nos montbéliardes sont en cohérence avec notre système »

En Vendée, le Gaec Le Gargotteau produit 1 million de litres de lait avec 130 montbéliardes. Les atouts de la race et des rendements élevés en maïs assurent une bonne rentabilité. L’objectif aujourd’hui : intensifier la production par une meilleure exploitation des prairies naturelles.

Le Gaec Le Gargotteau, à Bouin, en Vendée, est une exploitation typique du marais breton, avec ses prairies naturelles peu productives et ses polders à très haut potentiel en maïs et en blé. Quelques points la distinguent pourtant des fermes voisines : l’utilisation de la race montbéliarde et une exploitation un peu plus intensive des prairies.

« Jusqu’en 1979, comme beaucoup de fermes dans le marais, mes parents élevaient des normandes pour pouvoir produire des bœufs qui valorisent les prairies naturelles, explique Christophe Forré. Ils voulaient donc garder une race mixte, mais souhaitaient aussi produire plus de lait. Par un oncle qui allait dans le Jura, ils ont découvert la montbéliarde et ont pu acheter des vaches à bon potentiel. »

Le Gaec, qui regroupe Christophe Forré, sa femme Véronique et leur fils Quentin, installé en 2020, compte aujourd’hui 130 vaches laitières produisant 8 700 kg de lait pour une référence de 1,1 million de litres avec Agrial. Il vend également 45 bœufs par an. Avec la reprise de 70 ha en 2020, le Gaec dispose de 265 ha, dont 150 ha de prairies naturelles et 110 ha de polders. En plus des trois associés, Jérémy Rocher est salarié depuis onze ans à plein temps sur l’exploitation.

Sélection sur le lait et la viande

Christophe Forré, comme son père auparavant, est passionné de génétique. Il utilise l’insémination artificielle, le génotypage et la transplantation embryonnaire. Le niveau génétique du troupeau est aujourd’hui très élevé. Il affiche un ISU de 122 (112 en moyenne pour la race).

« Nous vendons chaque année quatre taureaux reproducteurs, précise Christophe. Ces ventes et le financement des transplantations embryonnaires par Jura Bétail représentent 7 000 à 8 000 euros par an. Surtout, nous profitons du progrès génétique par les femelles que nous gardons. Nous avons déjà eu quatre vaches à plus de 100 000 l de lait. Nous avons même gagné un premier prix de section au dernier salon de l’agriculture. »

La sélection porte sur la production laitière, les taux, l’absence de cellules, mais aussi sur la précocité, l’adaptation au pâturage et de bonnes qualités bouchères des animaux. Les caractéristiques de la race et le travail de sélection permettent de bons taux, notamment un TP proche de 36 g/l. « Le TP est important, car Agrial valorise bien la protéine, souligne Christophe. Le TB est plus faible, car par le passé, j’ai écarté ce critère de la sélection. Nous devons corriger ce point, car l’économie de demain sera à la concentration du lait. »

La race montbéliarde, le travail sur la génétique et une grande rigueur au niveau de l’hygiène permettent au Gaec de ne pas avoir eu de pénalités cellules depuis des années. Enfin, la race et l’œil d’éleveur de Christophe assurent de très bons résultats en reproduction : 62 % de réussite en 1re IA en vache, 70 % en génisses, IVV de 373 jours, 11 % de vaches seulement à 3 IA. « Nous allons quand même nous équiper de détecteurs de chaleurs, précise Quentin. Nous avons des caméras dans la stabulation, mais nous sommes en zone blanche et nous ne pouvons pas bien les exploiter ! »

Bonne valorisation des bœufs et des vaches de réforme

Tous les mâles sont gardés et élevés pendant 28 mois. Ils bénéficient d’au moins huit mois de pâturage de prairies naturelles par an. Ils sont ensuite engraissés pendant quatre mois au maïs, colza et céréales de l’exploitation. « Comme nous manquons de fourrage, nous devons aujourd’hui en mettre une partie à l’engraissement plus tôt, dès 24 mois », indique Quentin.

Les atouts de la race montbéliarde font que les bœufs sont bien conformés et bien valorisés. « Mais ils doivent être bien engraissés, insiste Quentin. Le grossiste vient les voir avant de les acheter. » La race permet aussi d’avoir des vaches de réforme bien conformées et d’un poids élevé (392 kg carcasse en moyenne). Enfin, le contexte fait que la valorisation, déjà bonne les années passées, s’est encore améliorée en 2022. « Le manque de viande lié à la sécheresse et la baisse du pouvoir d’achat font que la viande issue du troupeau laitier est très recherchée, constatent les éleveurs. Le prix d’achat est passé de 3,60 €/kg à 5 €/kg en 2022. »

Intensifier la production laitière

Un objectif essentiel du Gaec depuis l’installation de Quentin est d’augmenter et intensifier la production laitière pour être moins dépendant des aides. Depuis 2020, toutes les femelles sont gardées pour agrandir le troupeau et le Gaec a construit un bâtiment génisses et rallongé la stabulation des vaches laitières. L’élevage a également évolué vers des vêlages toute l’année pour étaler la production et le travail. Il est passé en système lisier, avec la création d’une fosse de 2 500 m³ permettant six à huit mois de stockage. Il s’est aussi équipé d’un bol mélangeur permettant de distribuer une ration semi-complète.

« Notre objectif est d’atteindre 9 500 kg de lait par vache, explique Quentin. Pour cela, nous voulons favoriser la pousse de l’herbe des prairies naturelles, notamment grâce au lisier. Le passage en système lisier diminue aussi notre besoin en paille car nous en manquons. Par ailleurs, une ration semi-complète est plus adaptée qu’une ration complète pour des stades des vaches aussi variés depuis que les vêlages sont étalés sur l’année. »

Sur 150 hectares de prairies naturelles, 30 sont ensilés et 50 sont récoltés en foin ou enrubannage. Toutes les prairies fauchées reçoivent désormais du lisier à l’automne puis un ou deux apports d’engrais et du lisier au printemps après l’ensilage. Les éleveurs réalisent une deuxième coupe en juin sur 15-20 ha pour remplacer le pâturage en été pour les vaches laitières.

Les autres parcelles sont dédiées au pâturage. Parmi elles, sept hectares de prairies temporaires de ray-grass anglais-trèfle blanc situés autour des bâtiments sont dédiés au pâturage de nuit ou pour l’été.

Les vaches pâturent de mars-avril à juin. L’herbe compte alors pour deux tiers de leur ration. S’y ajoutent 7 kg MS de maïs. D’octobre à mars-avril, la ration est constituée de deux tiers de maïs et un tiers d’herbe, avec en général 6 kg de colza ou 4 kg de soja.

« Les fourrages et le concentré sont mélangés dans le bol avec 8 litres d’eau par vache et du bicarbonate. Le concentré se colle ainsi au fourrage. Il n’y a plus aucun refus. » L’objectif étant d’atteindre 9 500 kg de lait par vache, les vaches à plus de 30 kg reçoivent en moyenne 1 kg/j de VL fermière, constitué de maïs grain humide ou de blé, distribué pour l’instant à la brouette, mais avec un projet de DAC en 2023-2024.

Atteindre l’autonomie en fourrages et en paille

Une grande attention est portée au temps et aux conditions de travail. L’absence de vêlages du 15 décembre au 15 janvier et en juillet permet aux trois associés de prendre chacun quatre semaines de vacances par an, dont deux en été. Le bol mélangeur de 20 m³ a réduit le temps de distribution de l’alimentation de deux heures par jour à 45 minutes. Il permet également de ne distribuer la ration des génisses que tous les deux à trois jours et donc le vendredi pour le week-end. Les éleveurs ont ainsi un week-end libre sur deux, du samedi matin au lundi matin.

Malgré l’augmentation du cheptel, pour limiter les investissements, le Gaec a par contre choisi de ne pas agrandir la salle de traite en TPA 2x8 postes. « La traite ne peut se faire qu’à un seul trayeur et dure deux heures, précise Christophe. Comme nous ne la faisons qu’une fois sur quatre, cela rend la contrainte acceptable. » Le Gaec s’est aussi équipé d’un exosquelette qui facilite le travail de traite, d’un valet de ferme qui limite la pénibilité pour de nombreuses tâches et fait gagner du temps (nettoyage des logettes, port de charges…), ainsi que d’une ligne de lait qui va directement au DAL et évite de porter des bidons.

Même si des optimisations sont encore possibles, les éleveurs sont plutôt satisfaits de leur système, au niveau des conditions de travail, mais aussi du résultat qu’il dégage, supérieur aux objectifs et qui leur a permis d’augmenter leurs prélèvements de 2 000 euros à 2 500 euros par mois.

La seule limite actuellement est la surface fourragère. « Avec l’augmentation du troupeau, malgré l’intensification sur les prairies, nous manquons de fourrage, constatent les éleveurs. Nous ne pouvons plus garder tous les mâles ou nous devons abaisser l’âge à l’engraissement. En 2022, avec la sécheresse, nous avons dû acheter 150 tonnes de foin à 90€/t en plus des 100 tonnes que nous avons récoltées. Nous distribuons de la paille aux vaches taries pour économiser le foin, mais nous manquons aussi de paille et devons en acheter. Il nous faudrait 50 hectares de plus. »

 

Fiche élevage

]]> 3 associés et 1 salarié
]]> 265 ha de SAU, dont 150 ha de prairies naturelles, 45 ha de maïs, 10 ha de blé dur, 35 ha de blé tendre, 10 ha de luzerne, 15 ha de prairies de ray-grass anglais-trèfle blanc
]]> 1 028 467 litres vendus
]]> 130 montbéliardes à 8 700 kg
]]> 45 bœufs élevés par an

Un système cohérent et rentable

Laurent Gaboriau, chambre d’agriculture des Pays de la Loire

« Le Gaec Le Gargotteau a une très bonne efficacité économique avec un EBE/produit de 39 %. La race montbéliarde permet de très bons résultats de reproduction, une bonne valorisation du lait et de la viande ainsi que la vente de génétique. Les bœufs valorisent les prairies naturelles qui ne le seraient pas autrement. Les produits annexes sont ainsi très élevés, notamment le produit viande, de 73 €/1 000 l contre 37 €/1 000 l dans le groupe de référence. Les polders, qui donnent de très bons rendements en maïs et en blé, contribuent aussi à la rentabilité. Les charges sont relativement bien maîtrisées, avec beaucoup de pâturage des génisses et des bœufs et l’autoconsommation de céréales. Les approvisionnements des surfaces sont un peu plus élevés que la moyenne, mais cohérents par rapport à la production attendue. Pour ces raisons, l’exploitation a été choisie par l’association Montbéliarde dans le cadre d’une étude visant à montrer l’intérêt de la race dans le Grand Ouest. Une journée au printemps 2023 est prévue pour concrétiser celui-ci. »

De très bons rendements en maïs grâce aux polders, mais des prairies peu productives

Située dans le marais breton, sur des terres très argileuses, l’exploitation se partage entre des prairies naturelles très humides l’hiver et très sèches l’été, et des polders conquis sur la mer à partir du XVIIe siècle.

Les prairies, sur fond salé, de pH 8, ne permettent que des rendements en herbe très faibles. « Au mieux, nous récoltons 3 à 6 t MS/ha selon les années, ce qui nous amène à vouloir les fertiliser davantage », précisent les éleveurs.

Les polders, aux sols profonds à 45 % d’argile, permettent par contre de très bons rendements en maïs : 17 t/ha sans irrigation, avec un maïs de qualité (24 % d’amidon en 2022). Bien que les polders soient irrigables, le Gaec n’irrigue plus depuis longtemps, à cause des restrictions d’arrosage récurrentes et du travail que cela engendrait.

Les rendements sont également très bons en blé tendre (80 q/ha) et blé dur (70 q/ha). Bien que le blé dur soit bien valorisé, parce qu’ils manquent de paille, les associés du Gaec prévoient à l’avenir de faire plus de blé tendre et moins de blé dur qui fournit deux fois moins de paille que le blé tendre.

La présence d’argile humide instable en sous-sol sur une grande partie des terres, dont le siège d’exploitation, complique la construction des bâtiments. Pour la fosse à lisier de 2 500 m³ que le Gaec souhaitait créer, aucune entreprise n’a accepté de construire sur ces argiles instables, avec le risque de fissures liées à la rétractation de l’argile en cas de sécheresse.

Les éleveurs ont donc dû la construire eux-mêmes, ce qui s’est avéré très complexe et coûteux. En plus du béton, du gravier, des armatures métalliques, ils ont ajouté une géomembrane pour assurer l’étanchéité en cas de fissure. La fosse autoconstruite leur a coûté 100 000 euros.

Trop de contraintes avec la nouvelle AOP beurre Charentes-Poitou

Bien que l’exploitation soit située dans la zone de l’AOP beurre Charentes-Poitou, le Gaec Le Gargotteau n’a pas souhaité adhérer au nouveau cahier des charges de l’AOP devenu plus exigeant (non-OGM, concentrés plafonnés à 1 800 kg par vache et par an, 80 % de la ration totale annuelle en matière sèche issue de la zone, etc.). « Nous ne voulons pas être coincés par l’interdiction des OGM », expliquent les éleveurs.

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