« Nos bœufs prim’Holstein croisés hereford sont finis un an avant nos autres bœufs »
En Loire-Atlantique, les parcelles de marais de Guillaume et Maxime Dousset sont valorisées avec des bœufs croisés prim’Holstein et hereford pour la filière Herbo’Pacte de Charal.
En Loire-Atlantique, les parcelles de marais de Guillaume et Maxime Dousset sont valorisées avec des bœufs croisés prim’Holstein et hereford pour la filière Herbo’Pacte de Charal.
« Dans le pays de Retz, toutes les exploitations ont des parcelles de marais. Il n’y a guère que des bœufs qui peuvent valoriser ces surfaces », explique Guillaume Dousset, en Gaec avec son frère Maxime en Loire-Atlantique. « Sur nos parcelles en bord de Loire, nous avons toujours produit des bœufs normands croisés charolais », explique l’éleveur.
À l’installation de Maxime en 2018, quelques Holstein ont été achetées pour augmenter la production. « Comme l’idée était de maintenir notre troupeau en normande, nous avons essayé en 2019 le croisement hereford sur les Holstein pour produire des animaux répondant au cahier des charges Herbo’Pacte de Charal », retrace Guillaume Dousset.
Pas d’écornage avec l’hereford ou l’Angus
Les éleveurs voient plusieurs avantages à ce croisement : « Il n’y a plus besoin d’écorner car les races hereford et Angus sont sans cornes. D’autre part, les bœufs sont bien conformés et plus précoces. Ils sont prêts à 24 mois au lieu de 3 ans pour les bœufs normands. Cela nous économise un hiver en bâtiment. »
Par souci d’efficacité, les deux éleveurs conduisent les bœufs comme les génisses jusqu’à leur première saison de pâturage, avec trois kilos d’aliments concentré de 3 à 6 mois et, suivant leur période de naissance, deux kilos de 6 à 12 mois. « La première année de pâturage, ils vont dans des prairies pour assurer un bon démarrage. Ils vont ensuite dans les marais », partage Guillaume Dousset. Ils pâturent plus de huit mois par an, et reçoivent en complémentation de l’ensilage d’herbe, de l’enrubannage et du foin.
Un hiver en bâtiment économisé
Le premier lot abattu en 2022 est sorti à un âge moyen de 24 mois et 308 kg de carcasse. Les carcasses étaient classées à 37 % en O-, 39 % en O= et 24 % en O+. Le contrat Herbo’Pacte est sécurisant pour l’élevage, avec la garantie d’un débouché et d’un prix minimum qui couvre le coût de production.
Avec une conduite simple et efficace sur des surfaces disponibles sans concurrence sur la production laitière, la production de bœufs à l’herbe apporte une plus-value intéressante au Gaec. « Les charges de production se montent à 1 069 euros par animal, car ils sont élevés au lait entier et il y a peu de frais véto, chiffre Guillaume Dousset. Ce qui nous laisse une marge brute hors main-d’œuvre de 502 euros, en moyenne pour tous nos bœufs. »
Ces avantages font que les éleveurs commencent à tester le croisement Angus sur des vaches normandes. Les éleveurs n’ont pas opté pour l’hereford, car le croisement donne une robe qui ressemble trop à celle de la normande. Les bœufs croisés hereford se confondraient trop avec les bœufs normands croisés charolais. « L’Angus devrait donner une robe plus unie », envisage Guillaume Dousset. L’objectif est d’en produire quinze par an.
Chiffres clés
150 vaches dont 90 % normandes et 10 % prim’Holstein
180 ha de prairies et de marais
60 bœufs sur 28 ha de prairies permanentes et 12 ha de marais au printemps. À partir d’août, ils ont accès à 45 ha de marais supplémentaires
10 bœufs Herbo’Pacte par an
Le contrat Herbo’Pacte sécurise le débouché
Avec 8 000 bovins engagés et commercialisés sous la marque Charal, Herbo’Pacte (groupe Bigard) valorise des veaux issus du cheptel laitier et croisés Angus ou hereford, élevés à l’herbe. « Le croisement permet de produire les carcasses petites mais finies, qu’attend le marché français. L’élevage à l’herbe répond à la fois aux attentes des consommateurs et à des coûts de production contenus », présente Dorothée Bonnet, responsable des achats de bovins vivants du groupe Bigard.
Les animaux, bœufs et génisses, doivent pâturer au minimum huit mois par an. « Ils ne doivent pas consommer de maïs pour éviter un excès d’engraissement. L’éleveur est libre de son choix d’aliments complémentaires tant que c’est du sans-OGM. » L’objectif est de produire des bœufs de moins de 30 mois ou des génisses de moins de 32 mois, avec des carcasses de 260 à 350 kg et une note d'engraissement de 3.
Les animaux sont engagés dès la naissance. « Cela nous donne des prévisions de volume et l’éleveur a une garantie de débouché avec un prix minimum garanti, calculé pour couvrir les coûts de production », complète Dorothée Bonnet.
Deux types d’organisation sont possibles : soit l’éleveur est naisseur et engraisseur, soit les veaux naissent dans une exploitation, puis vont dans un atelier de sevrage et enfin partent dans un atelier d’engraissement.
Un intérêt économique sous conditions
La disponibilité fourragère semble être la clé de la réussite, notamment l’herbe pâturée qui permet de contenir le coût alimentaire.
Des filières de valorisation des animaux croisés issus du troupeau laitier, comme Herbo’Pacte, se développent. L’essor du génotypage et de la semence sexée pour assurer le renouvellement laisse des vaches disponibles pour le croisement et la production de jeunes animaux à l’herbe. « Ce sont de nouveaux débouchés à étudier, encourage Luc Delaby, chercheur à l’Inrae. Les veaux laitiers sont mal valorisés. Si un éleveur a suffisamment de ressources fourragères, finir des veaux croisés a plus d’intérêt que de vendre à bas prix des petits veaux. »
Le croisement avec des races, comme l’Angus ou l’hereford, fait gagner en précocité et en finition de carcasses, tout en restant adapté à un élevage herbager pour valoriser des parcelles éloignées.
À la station Inrae du Pin, dans l’Orne, l’expérimentation Tripl’Scotch, conduite en collaboration avec Charal, suit des veaux laitiers croisés Angus, élevés à l’herbe avec un objectif d’abattage entre 24 et 30 mois. « Il est trop tôt pour tirer des conclusions, partage Luc Delaby. Mais je n’ai pas de doute sur l’intérêt économique. Avec un prix à 5 euros par kilo de carcasse, nous dégageons un produit de 1 500 euros alors que l’élevage à l’herbe a permis de contenir le coût alimentaire. »
Libérer des surfaces en herbe
« En optimisant le taux de renouvellement et l’âge au premier vêlage, il est possible de gagner des surfaces, que des veaux croisés viendront valoriser », estime Christian Veillaux, de la chambre d’agriculture de Bretagne.
Aux éleveurs intéressés, il rappelle deux conditions de réussite : « Il faut des rendements fourragers suffisants pour arriver à produire à moindre coût et obtenir des poids et états d’engraissement satisfaisants. Par ailleurs, cette production ne tiendra sans doute pas la concurrence, en termes de rentabilité par hectare, face à la production laitière ou à celle de JB si on a des surfaces et de bons rendements en maïs. »