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Non-labour et ACS : quelles analyses de sol pour ajuster ses pratiques ?

L’absence de travail du sol modifie le fonctionnement de cet écosystème complexe, notamment en concentrant à la surface les éléments fertilisants et la matière organique. Des particularités à prendre en compte pour analyser ses sols.

Malgré la stratification liée au non-travail du sol, restreindre le prélèvement pour analyse de sol à 10 centimètres peut entraîner une mauvaise interprétation des résultats. © M.-P. Crosnier
Malgré la stratification liée au non-travail du sol, restreindre le prélèvement pour analyse de sol à 10 centimètres peut entraîner une mauvaise interprétation des résultats.
© M.-P. Crosnier

Le non-travail du sol a des répercussions sur le fonctionnement de celui-ci. C’est un élément à prendre en compte dans l’exploitation des analyses de sol. « Les sols non labourés évoluent avec le temps en générant une stratification et un gradient des éléments fertilisants », rappelle Christine Le Souder, spécialiste fertilisation à Arvalis. La matière organique, le phosphore et, dans une moindre mesure, le potassium se concentrent dans l’horizon superficiel (5 à 10 cm). De même, une acidification de surface apparaît souvent en sol non travaillé.

Malgré cette stratification, Arvalis préconise de garder un prélèvement classique sur 20 centimètres. « Restreindre le prélèvement au seul horizon superficiel risque de conduire dans certains cas à une mauvaise interprétation des résultats d’analyse », indique l’Institut du végétal dans son guide sur l’analyse de terre publié en novembre 2020 (1). « Nous ne disposons pas de valeur seuil pour des petits horizons, précise Christine Le Souder. Des expérimentations lourdes ont montré que, pour la plupart des parcelles en TCS et en semis direct, un prélèvement sur 20 centimètres analysé en utilisant le référentiel actuel des laboratoires créé pour des sols labourés n’entraînait que des erreurs minimes. »

« Cette profondeur de 20 centimètres correspond à un compromis acceptable », appuie François Servain, président du Gemas (Groupement d’études méthodologiques et d’analyses des sols) et responsable Innovations et transfert au Laboratoire départemental d’analyses et de recherche de Laon (LDAR). Il a été adopté suite à des travaux menés par différents laboratoires du Gemas (4) et des membres du Comifer (Arvalis, Inrae) en 2014-2015. « Nous préférons garder des référentiels bien validés », renchérit Matthieu Valé, responsable scientifique du pôle agriculture du laboratoire Auréa AgroSciences.

« L’analyse de terre reste une référence »

Pour Pierre Lachère et Solène Garson, qui accompagnent des groupes en agriculture de conservation des sols au sein de la coopérative Unéal, « l’analyse de terre reste notre référence pour la situation de départ, avec un prélèvement à 15 centimètres. C’est la base du constat physico-chimique et acido-basique. Elle reste aussi indispensable pour la granulométrie et la teneur en matière organique (MO). Mais il n’existe aucun référentiel spécifique pour le non-labour ».

L’analyse de sol peut toutefois montrer ses limites. « Sur le terrain, nous avons parfois constaté une déconnexion entre les résultats d’analyses de sol et les observations en ACS, affirme Loan Vacker, cofondateur d’Agroleague. Dans certaines situations, les analyses de sol classiques nous indiquaient qu’un sol était équilibré alors que rien ne poussait normalement. »

Au sein de la communauté Agroleague, qui regroupe 500 agriculteurs français et belges en agriculture de conservation ou en phase de transition, le suivi global s’appuie donc systématiquement sur un ensemble d’analyses de sol et de plantes. Les analyses classiques se concentrent sur la partie chimique (pH, équilibres CEC, taux de matière organique…). Elles s’accompagnent d’observations terrain (profils au télescopique, test bêche…) pour diagnostiquer la fertilité physique. « La plupart des sols qui ne fonctionnent pas bien ont des problèmes d’activité biologique ou de fertilité physique, comme des sols asphyxiés ou carencés en oligoéléments ou en macro-éléments », explique Loan Vacker.

L’observation à la parcelle est également au cœur des pratiques conseillées par Unéal. En revanche, « pour l’instant, nous ne préconisons pas d’analyses biologiques par manque de référentiel, notamment pour les cultures industrielles, explique Pierre Lachère. Si nous obtenons une valeur quantitative de vers de terre ou collemboles, nous sommes incapables de dire si cela est bien ou pas, contrairement aux indicateurs visuels ».

Le laboratoire Auréa devrait proposer dès 2022 une prestation pour des analyses biologiques. « Les agriculteurs en ACS s’interrogent souvent sur la fertilité physique et biologique de leurs sols, affirme Matthieu Valé. Ils veulent des données objectives sur les impacts de leurs pratiques, concernant par exemple l’érosion ou la stabilité structurale. »

Avec le projet Agro-EcoSol, Auréa construit une offre de diagnostic et de conseil en partenariat avec Inrae et Arvalis. Des indicateurs analysables en routine dans les laboratoires renseigneront sur la MO labile (fraction facilement biodégradable, garde-manger des organismes vivants du sol), sur l’abondance et la diversité des microorganismes et de la faune du sol, et sur l’activité enzymatique liée aux cycles des nutriments. « Après les viticulteurs, des agriculteurs en système de rupture, notamment en ACS, commencent à utiliser les indicateurs biologiques, note l’expert d’Auréa. Avec d’ici plusieurs années la constitution d’un nouveau référentiel. »

De son côté, Agroleague a comparé les analyses proposées par 15 laboratoires européens et américains. Les analyses trop chères, trop complexes à analyser ou au contraire trop basiques ont été écartées. La communauté a finalement opté pour un laboratoire américain qui travaille avec de nombreux farmers en ACS et dispose d’un référentiel de données. Les analyses comprennent les paramètres classiques et la fertilité biologique du sol (activité biologique, disponibilité du carbone - lié et labile -, corrélée au taux d’argile). Elles estiment aussi la disponibilité de l’azote, celle des macro-éléments et des micro-éléments.

« Si le sol fonctionne bien, les plantes sont moins malades. »

Mieux évaluer ces paramètres devrait permettre d’affiner le pilotage des cultures. « C’est la relation sol plante qui débloque le potentiel de rendement, affirme Loan Vacker. Si le sol fonctionne bien, les plantes sont moins malades. Nous pouvons réduire l’utilisation de fongicides ou d’insecticides sur colza par exemple. Avec des meilleurs rendements et des économies à la clé. »

(1) Interprétation de l’analyse de terre pour les grandes cultures et les prairies temporaires, Édition Arvalis.

Des analyses sur 10 centimètres pour plus de vigilance

Si l’analyse de sol sur 20 centimètres semble un bon compromis en ACS, réaliser une analyse sur un horizon plus superficiel a aussi son intérêt. Arvalis recommande une analyse sur les dix premiers centimètres pour la matière organique, le phosphore et le pH. Elle permettra de se constituer un référentiel d’interprétation en sol non travaillé. De plus, un pH ou une teneur en phosphore faible en surface peut constituer une alerte, même si la valeur est acceptable sur 20 centimètres.

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