Prédation : les attaques du loup sur les bovins se multiplient
L’appétit du loup pour les troupeaux à plus gros gabarit se confirme. D’après les derniers chiffres de la DREAL AuRA, 276 constats de dommages sur les bovins ont été enregistrés en 2022, pour un total de 405 victimes. Et quand ces grands prédateurs se décident à frapper, une attaque sur deux s’avère fructueuse, causant la mort de l’animal.
L’appétit du loup pour les troupeaux à plus gros gabarit se confirme. D’après les derniers chiffres de la DREAL AuRA, 276 constats de dommages sur les bovins ont été enregistrés en 2022, pour un total de 405 victimes. Et quand ces grands prédateurs se décident à frapper, une attaque sur deux s’avère fructueuse, causant la mort de l’animal.
Le loup semble bel et bien avoir intégré les bovins à son menu. Bien que les dommages restent faibles en proportion (6,8 % des attaques et 3,3 % des victimes en 2022), ils « augmentent régulièrement depuis douze ans tant en valeur absolue qu’en proportion des dommages totaux » rapporte la DREAL AuRA dans sa dernière note sur la prédation lupine sur bovins.
L’année dernière, 372 constats ont été effectués, comprenant au moins une victime bovine. « Les loups se montrent de plus en plus audacieux lors des attaques. Depuis 2019, le cas de dérochements pour les bovins (lorsqu’ils chutent), a progressé de 15 % » rapporte Alexis Soiron, chargé de mission Faune Sauvage à Chambres d’Agriculture France.
Les veaux ne sont pas les seules cibles
Et les loups ne s’en prennent pas qu’aux jeunes animaux les plus vulnérables. Parmi les victimes tuées, près de 40 % concernent des bovins de plus d'un an. « Et dans 70 % des cas, les animaux sont retrouvés morts ou bien blessés avec un pronostic vital engagé au moment du constat, conduisant à leur euthanasie » reprend l’expert.
Malgré l’ampleur des dégâts causés, presque la moitié des constats sont restés d’origine indéterminée l’année dernière. Le formulaire de constat de dommages défini par l’Office français de la biodiversité (OFB) avait pourtant été adapté en 2020 au niveau national. Sa mise à jour visait notamment à mieux caractériser les stigmates de prédation sur bovins mais force est de constater que la nouvelle grille d’analyse peine encore à faire son chemin sur le terrain. C’est ce que confirme Cédric Laboret, éleveur laitier et président de la Chambre d’agriculture Savoie Mont-Blanc : « Des disparités importantes sont observées d’un département à l’autre et le nombre d’attaques est largement sous-estimé ».
Les stigmates d’attaques sur les gros animaux encore peu reconnus
« Les signes sur bovins sont moins typiques que sur les petits ruminants. Étant donné leur grande taille, les loups ciblent davantage les membres arrière et la queue plutôt que le cou » évoque Alexis Soiron, de la Chambre d’Agriculture France. « D’où l’importance de former rapidement les agents constatants, y compris dans les parcs naturels et les territoires de front de colonisation », reprend-il.
Des investigations complémentaires sont prévues dans le cadre du nouveau plan national d’actions sur le loup pour mieux prendre en compte les blessures sur bovins. Un des gros autres chantiers concerne la révision des barèmes d’indemnisation, pour lesquels les montants varient aujourd’hui selon quatre tranches d’âge. « Une distinction entre races allaitantes et laitières est à l’étude, en plus des catégories d’âge, pour aboutir à six catégories », fait savoir Alexis Soiron.
En 2022, les indemnisations par dossier se sont établies à 1296 € en moyenne.
Mieux tenir compte des pertes indirectes
« Il y a aussi les pertes indirectes sous-jacentes au stress et celles liées à la valeur génétique du troupeau. Ces indicateurs ne sont pas évidents à faire reconnaître car difficilement mesurables. Ils constituent une perte sèche pour les éleveurs souvent bien plus importante que la perte de production directe (de l'animal brut) en tant que telle », explique Cédric Laboret. Ce dernier, situé au cœur du Massif des Bauges en Savoie, évoque également une relation homme-animal entachée quand la pression de prédation devient trop forte. « Les bovins sont plus nerveux et agressifs. Certains troupeaux ne laissent même plus traverser les chiens de travail dans le parc, et il devient alors très compliqué pour l’éleveur de les approcher ou de les manipuler » témoigne-t-il.
« Les tirs de défense restent le moyen le plus efficace »
Des préconisations existent pour mieux protéger les troupeaux face au loup mais leur mise en place s’avère laborieuse dans les systèmes pâturants (clôtures ursus électrifiées, rentrée en bâtiment des femelles gestantes proches du terme et des nouveau-nés…).
Quant aux moyens de protection, des expérimentations sur bovins débutent et méritent encore de faire leurs preuves. « Des tests d’introduction de chiens de protection ont été menés en 2022 et les premiers résultats s’avèrent positifs, avec une bonne intégration au sein des troupeaux bovins », renseigne Alexis Soiron. Des colliers d’effarouchement sont également à l’essai. Sur le principe du podomètre, ils s’activent au cou des vaches dès lors qu’elles se mettent à courir, avec le déclenchement d’ultrasons et de diodes lumineuses pour tenter de désorienter le loup pendant son attaque.
Cédric Laboret, bien qu’il ait équipé ses vaches laitières de ces colliers, n’est pas convaincu de leur efficacité sur le long cours. « Le loup s’adapte à tout. Pour cause, 95 % des attaques surviennent sur des troupeaux protégés ! » pointe l’élu. Pour lui, la priorité doit être donnée à l’octroi de tirs de défense auprès des éleveurs. « Également, le déploiement d’équipes de louvetiers compétentes en appui est indispensable dans les zones prédatées. Les éleveurs ne peuvent rester seuls dans la détresse face à cette situation. À chaque nouvelle conquête de territoires, si nous laissons le loup prendre ses marques, les moyens de protection seront forcément moins efficaces pour le distancer des troupeaux », souligne-t-il.
(1) Dans le détail, 372 constats effectués et comprenant au moins une victime bovine dont :
→ 10 (2,7%) non liés à une prédation (1 dossier indemnisé)
→ 176 (47,3 %) d’origine indéterminée (dont 111 indemnisés)
→ 166 (44,6%) liés à une prédation (tous indemnisés)
→ 20 dossiers en cours d’instruction
Lire aussi | Présence du loup en France : les éleveurs veulent un nouveau protocole de tirs
Lire aussi : Loup : les éleveurs réclament la simplification des tirs de défense
Lire aussi | Les éleveurs quittent la table du groupe national loup