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Foncier : bien choisir son bail rural en 9 questions

Quel type de bail choisir quand on s’installe ou que l’on reprend des terres ? La question mérite d’être étudiée de près tant elle engage dans la durée.

Un bail rural à long terme permet de cultiver des terres en toute sécurité jusqu'à l'échéance fixée.
Un bail rural à long terme permet de cultiver des terres en toute sécurité jusqu'à l'échéance fixée.
© T. Baudart

1- POURQUOI SIGNER UN BAIL À LONG TERME QUAND ON EST LOCATAIRE ?

Un bail à long terme, qu’il s’agisse d’un bail de 18 ans, de 25 ans, d’un bail de carrière ou d’un bail cessible procure une sécurité juridique importante pour le locataire. Sauf à ne pas respecter les clauses élémentaires du bail, ce contrat écrit permet à un agriculteur d’exploiter les terres louées jusqu’à l’échéance fixée, voire au-delà. Cette sécurité va lui permettre d’investir dans son outil de production et de développer son activité.

2- QUEL INTÉRÊT D’UN BAIL À LONG TERME POUR UN PROPRIÉTAIRE ?

Les baux à long terme procurent deux avantages fiscaux non négligeables pour les propriétaires. « À l’occasion d’une succession ou d’une donation, ils donnent droit à une exonération de droits de mutation de 75% jusqu’à 300 000 euros et à hauteur de 50 % au-delà de cette somme », détaille Christophe Gourgues, notaire à Saint Pierre-du-Mont dans les Landes. L’autre avantage est de permettre l’exonération totale ou partielle de l’impôt sur la fortune (IFI, ex-ISF).

Certains baux permettent également de majorer le loyer au-delà du barème préfectoral. Le bail de carrière permet aux parties de majorer le prix du fermage jusqu’à 1 % par année de validité du bail. Pour le bail cessible, la majoration du loyer peut aller jusqu’à 50 %. La rentabilité de ce placement en sera nettement améliorée. Elle s’avère souvent supérieure et plus stable que le bénéfice d’une prestation de services de A à Z.

3- COMMENT LE PROPRIÉTAIRE PEUT-IL RÉCUPÉRER SON BIEN AVEC UN BAIL À LONG TERME ?

En cas de litige, il peut être difficile pour un propriétaire d’obtenir le non-renouvellement d’un bail de 18 ans. Mais pas impossible. Le Code rural impose en effet des motifs précis et limités pour valider par exemple un congé pour reprise : le propriétaire doit reprendre le bien pour soi-même ou ses descendants, l’exploiter personnellement et justifier d’une formation agricole. Et surtout, s’il n’est pas dénoncé à son issue, il se renouvellera automatiquement pour une durée de neuf ans, renouvelable.

Le bail de carrière et celui de 25 ans, dotés des mêmes avantages fiscaux, ne nécessitent pas de motiver la résiliation pour s’éteindre à leur issue. Pour le bail de 25 ans, il faut toutefois délivrer le congé quatre ans avant l’échéance. « Le bail de 25 ans avec clause de tacite reconduction permet aux propriétaires de recouvrer facilement leur bien à l’issue du bail », rappelle Julien Forget, avocat associé au cabinet d’avocats Terresa, à Lyon.

Insérer une clause de tacite reconduction s’avère judicieux : cela permet au bail de perdurer dans les mêmes conditions à son expiration et sans limitation de durée. Après cette reconduction, chacune des parties peut mettre fin au bail chaque année. « C’est une sécurité pour le bailleur, car dans le cadre d’un bail de 25 ans, les propriétaires peuvent facilement oublier la date d’échéance, explique Julien Forget. Or, sans tacite reconduction, s’ils ne veillent pas au départ du preneur en place, le bail prend fin mais un bail de 9 ans s’applique aussitôt après. Les bailleurs se retrouvent alors enfermés dans une situation qu’ils voulaient éviter. »

4- QUELS SONT LES ATOUTS DU BAIL DE CARRIÈRE ?

Le principal signe distinctif du bail de carrière est son terme : il prendra fin automatiquement dans l’année culturale pendant laquelle le preneur atteint l’âge de la retraite, sans aucune formalité. Le propriétaire est ainsi assuré de récupérer son bien à une date connue. « Le bail de carrière ne peut porter que sur une exploitation agricole constituant une unité économique ou sur un lot d’une surface comprise entre une et trois fois la surface utile régionale moyenne », précise le notaire Christophe Gourgues.

5- LOUER À UNE SOCIÉTÉ, EST-CE UNE BONNE IDÉE ?

Le titulaire d’un bail rural à long terme peut être une société. Pour un propriétaire, louer à une société n’est pas sans effet : « une société ne part pas à la retraite et peut changer d’associés », soulève Julien Forget. Les motifs de résiliation sont plus restreints. Par contre, cela permet aux associés de valoriser un droit au bail le jour où ils passent la main. C’est une alternative au bail cessible.

Dans les situations ou un agriculteur installé en nom propre crée sa société, celui-ci peut soit apporter ses baux à la société, soit les mettre à disposition de la société. « Apporter le bail à la société revient à changer le titulaire du bail, rappelle Julien Forget. Cela ne peut pas se faire sans l’autorisation, nécessaire et préalable, du bailleur et reste limité aux sociétés civiles à objet principalement agricole. Par contre, si le bail est simplement mis à disposition de la même société, une simple notification dans les deux mois au bailleur suffit, en particulier si elle est majoritairement détenue par des personnes physiques. À l’inverse, pour les sociétés majoritairement détenues par des personnes morales, comme une holding, une autorisation préalable du bailleur est nécessaire. » Il faudra alors négocier avec le propriétaire.

6- COMMENT PROFITER LÉGALEMENT D’UN DROIT AU BAIL ?

Le bail cessible, créé en 2006, reste décrié et sous utilisé, mais permet pourtant de monnayer légalement un droit au bail à la signature. « Pour le locataire, le bail cessible est un outil intéressant lorsqu’une grande partie de l’exploitation est louée », relève Christophe Gourgues. À l’heure de la cession, il permet ainsi de maximiser la valeur de son exploitation. Pour tous les autres baux, la valorisation du droit au bail est formellement interdite et lourdement condamnée.

« Les remises en cause sont peu fréquentes mais le risque pour le locataire sortant ou le bailleur est réel, admet Julien Forget. Si le locataire entrant décide d’attaquer, il aura systématiquement gain de cause : le Code rural considère notamment comme indues toutes les sommes excédant 10 % de la valeur vénale du matériel. Les bénéficiaires sont systématiquement contraints à leur restitution, majorée d’un intérêt. »

Pire, le risque de tels rappels persiste longtemps et constitue une véritable épée de Damoclès pour le cédant : les faits sont prescrits cinq ans après le terme du bail, ce qui fait qu’un pas-de-porte versé en 2021 à la signature d’un bail de 18 ans peut faire l’objet d’une demande de restitution des sommes indûment versées jusqu’en… 2044. La demande de restitution peut ainsi peser sur la génération suivante.

7- POURQUOI LE BAIL CESSIBLE RESTE-T-IL MARGINAL ?

Les atouts du bail cessible sont également sa faiblesse : il peut être cédé à un tiers, quel qu’il soit, ce qu’aucun autre bail n’autorise. Or, les propriétaires tiennent souvent à faire exploiter leurs terres par quelqu’un avec qui ils entretiennent un lien particulier. Une raison subjective mais suffisante pour expliquer le faible engouement du bail cessible. Un flou juridique justifie également la prudence des experts : à son échéance, si aucun congé n’est délivré, le bail cessible est prorogé pour une période de 9 ans. « Mais à l’issue des 9 ans prorogés, le bail s’éteint-il ou est-il à nouveau prorogé pour une nouvelle période de 9 ans, comme le bail de 18 ans ?, s’interroge Julien Forget. On peut espérer que ce point soit précisé par le législateur. »

8- QUELS SONT LES RISQUES DU BAIL VERBAL ?

Trop de propriétaires, souvent pour de petites parcelles, ne souhaitent pas d’écrit et entendent ainsi éviter de s’engager sur du long terme. Mais le bail verbal n’est pas un bail annuel. Sa durée est - par défaut - de 9 ans. Et sans écrit, il est bien difficile de prouver la date de commencement du bail, en particulier lorsqu’on veut délivrer un congé au locataire. En cas de litige, une absence d’écrit dessert plutôt les propriétaires.

Pour le locataire, le bail de 9 ans présente un autre atout : quand vient l’âge de la retraite, si son propriétaire lui délivre un congé, il peut demander une prorogation du bail, laquelle lui sera accordée de plein droit. Le propriétaire pourra ensuite réitérer tous les ans sa demande mais chaque fois le locataire pourra lui aussi exercer son droit de prorogation. Cette disposition n’existe pas dans un bail à long terme : en fin de carrière, les exploitants peuvent recevoir un avis de fin de bail de la part de leur propriétaire, qu’ils devront contester devant le tribunal paritaire.

9- PEUT-ON SE PASSER DU NOTAIRE ?

Les baux de plus de 12 ans sont, sans exception, rédigés par un notaire. Ce sont des actes authentiques. Par contre, les baux d’une durée inférieure à 12 ans peuvent être réalisés sous seing privé, c’est-à-dire par soi-même. Pour cela, il est impératif de s’appuyer sur de bons modèles. Dans la plupart des départements, il existe un bail type, disponible auprès des DDTM ou des chambres d’agriculture. Des exemples existent aussi sur le web.

« Reprendre un bail type, c’est mieux qu’un bail verbal : il reprend des clauses obligatoires définies dans le Code dural et peut insérer des dispositions locales », admet Julien Forget. L’expert met toutefois en garde contre cette option et en souligne les limites : « au-delà des obligations légales et des cas généraux, l’insertion de clauses particulières peut s’avérer précieuse pour protéger l’activité de l’exploitant, par exemple pour préciser la propriété des constructions ou plantations réalisées par le preneur ». L’appui d’un conseiller juridique reconnu dans son domaine préserve des litiges. Le montant de ses honoraires est le prix de la tranquillité.

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