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Maïs grain : le coût du gaz renforce l’intérêt du séchage au bois

L’augmentation du prix du gaz renchérit le coût du séchage de maïs. Les séchoirs avec des chaudières au bois apparaissent comme une alternative intéressante face à l’énergie fossile.

Les séchoirs au gaz restent largement majoritaires chez les exploitants et organismes stockeurs.
Les séchoirs au gaz restent largement majoritaires chez les exploitants et organismes stockeurs.
© L. Ferran/Cuma

« L’approvisionnement en plaquettes de bois est sécurisé aussi bien en volume qu’en prix pour le séchage du maïs, avec la proximité de la ressource forestière. Pour le gaz, nous sommes soumis à un prix lié au marché international et il y a toujours un risque de rupture d’approvisionnement. » Les difficultés de fourniture en gaz relevées fin 2021 chez certains exploitants pour le séchage du maïs sont venues étayer le point de vue de Vincent Cazalis, agriculteur à Cazères-sur-Adour dans les Landes.

Il est l’un des associés de la SARL BCCA regroupant deux exploitations agricoles. « Nous avons investi dans un équipement de séchage de maïs grain à la biomasse (plaquettes de bois) qui fonctionne depuis 2018. Sa capacité est de 192 tonnes de grains passant de 30 % à 15 % d’humidité en 24 heures et nous séchons entre 5 000 et 6 000 tonnes par an provenant de plusieurs exploitations agricoles, présente l’agriculteur. Le coût de la biomasse représente 25 à 30 % par rapport au gaz au kilowatt produit. Nous espérons rentabiliser notre équipement sur sept ans. »

Vincent Cazalis le reconnaît, le séchage à la biomasse présente plusieurs contraintes. « C’est beaucoup moins simple à gérer et à maîtriser qu’une installation au gaz. On doit consacrer une heure par jour à l’alimentation de la chaudière et à son entretien. Nous sommes très exigeants sur la qualité des plaquettes forestières de façon à obtenir un bon pouvoir calorifique et de produire le moins possible de mâchefer. Il ne faut aucune impureté : ni terre, ni racine, pas de morceaux filandreux… Un bâtiment est réservé à son stockage. »

Une chaudière à bois dix fois plus cher que pour le gaz

Parmi les inconvénients, il y a le prix de la chaudière biomasse. « Nous avons investi 350 000 euros pour une chaudière de marque Villoria Otero. C’est dix fois plus cher qu’une chaudière à gaz. Pour cela, nous avons obtenu une aide publique du conseil régional de 130 000 euros. Sans cela, le projet n’aurait pas été réalisé », admet l’agriculteur qui ne regrette pas l’investissement.

Des réglages ont été nécessaires au fil du temps pour garantir le bon fonctionnement de l’unité. « Le séchage à la biomasse n’est pas une science exacte, mais on ne reviendra pas sur de bons prix du gaz. Il me semble dangereux aujourd’hui de faire une installation sans garantie de maîtrise de son énergie en termes de prix et de disponibilité. » La sécheresse de l’année inquiète davantage l’agriculteur : elle va se traduire par une perte de collecte et par du grain plus sec, ce qui va peser sur l’activité de séchage et pénaliser le retour sur investissement.

La grande majorité des séchoirs à maïs fonctionnent au gaz, malgré tout, les investissements ayant été réalisés à une période où l’énergie fossile n’était pas trop onéreuse. Après avoir étudié la possibilité d’un séchoir biomasse, c’est le choix qu’a fait la Cuma de Poey-d’Oloron (Pyrénées Atlantique), où l’installation fonctionne depuis 2018. Présentation par Pierre Supervielle, agriculteur à Verdets : « la capacité de notre séchoir est de 150 à 170 tonnes par jour selon l’humidité du grain pour une quinzaine agriculteurs. En 2021, nous avons séché 4 800 tonnes de maïs. »

Augmentation du coût de séchage de 30 % par rapport à 2021

« Au début de la réflexion, il y a une dizaine d’années, nous avons envisagé l’achat d’une chaudière fonctionnant aux plaquettes de bois car le prix du gaz avait nettement augmenté, se souvient l’agriculteur. Mais le prix nous a paru rédhibitoire pour une utilisation d’un mois seulement pour le séchage du maïs. Nous avons opté pour un équipement au gaz. » En fonctionnement depuis trois ans, l’installation de la Cuma a coûté près de 900 000 euros tout compris (équipements de séchage et de stockage, terrain…).

« La facilité, c’est le gaz, affirme Pierre Supervielle. Faire fonctionner un séchoir, c’est un métier. Nous sommes une équipe de quatre agriculteurs à gérer notre équipement de séchage, de stockage jusqu’à la commercialisation des grains et onze producteurs participant à la réception et collecte des grains. Les agriculteurs sont rémunérés sur leur investissement en temps. Nous avons un salarié à la Cuma de Poey-d’Oloron, mais sur d’autres tâches. »

L'agriculteur ajoute : « par rapport aux prestations de séchages d’OS, nous économisons les facturations sur les mouvements (entrées et sorties de grains) et stockages (autour de 20 €/t au total), sur le séchage en tant que tel et nous vendons à qui on veut, quand on veut en travaillant avec un courtier. L’investissement dans la construction de séchoir à maïs répondait à une recherche de valeur ajoutée dans nos productions agricoles et à une demande de qualité permise par notre séchage basse température (70°C). »

Comment est calculé le coût du séchage en prestation ? « Nous estimons onze à douze ans pour amortir notre équipement, ce qui équivaut à un coût de 80 000 euros par an. C’est intégré dans le prix du séchage et cela en représente 60 %. Le gaz compte pour un tiers environ de ce coût auquel il faut ajouter un peu de consommation d’électricité pour le fonctionnement. » Pierre Supervielle estimait le coût du séchage à l’automne 2021 aux alentours de 25 €/t de maïs. « Aujourd’hui, avec un doublement du prix du gaz, il faudra prévoir une augmentation de 30 % environ. »

Le doublement du coût du propane en un an ne remet pas en cause l’investissement. L’agriculteur table sur « des prix qui vont chuter dès que sera terminée la crise due à la guerre entre la Russie et l’Ukraine ». Il s’interroge sur l’impact du dérèglement climatique et de la future PAC sur la production de maïs avec des baisses de rendement et de surface, qui peuvent remettre en cause des installations de séchage à terme.

 

 
Vincent Cazalis, agriculteur à Cazères-sur-Adour (Landes)"La qualité des plaquettes de bois doit être irréprochable pour le bon fonctionnement de la chaudière."
Vincent Cazalis, agriculteur à Cazères-sur-Adour (Landes)"La qualité des plaquettes de bois doit être irréprochable pour le bon fonctionnement de la chaudière." © SARL BCCA

 

Quasi doublement du prix du propane en un an

Le prix du gaz ne cesse d’augmenter et a pratiquement doublé en un an. Selon le site Commoprices.com, le prix de marché du propane liquéfié d’importation en provenance de pays tiers est passé de moins de 354 €/t en mai 2021 à 682 €/t en avril 2022 (204 €/t en avril 2020). L’indice Ipampa du prix du gaz montre une augmentation qui a continué entre avril et juillet 2022.

Un coût de séchage élevé

Selon le fournisseur Antargaz, il faut 0,08 kg de gaz propane pour évaporer 1 kg d’eau. Pour une exploitation de 100 hectares de culture de maïs avec un rendement moyen de 130 q/ha à 32 % d’humidité à la récolte, la quantité d’eau à évaporer est de 260 tonnes(1) pour les 1 300 tonnes de maïs récoltées afin de les ramener à 15 % d’humidité (normes commerciales). Cela nécessite donc 20,8 tonnes de gaz propane.

Quel est le coût du gaz ? À titre d’exemple, la Cuma de Poey-d’Oloron a négocié un contrat à 900 euros la tonne de propane il y a deux mois. Cela équivaudrait à environ 18 000 euros pour sécher la récolte des 100 hectares, soit 180 €/ha pour la seule consommation du gaz. Mais le séchage comporte des coûts annexes : entretien, fonctionnement (électricité) et amortissement de matériel.

(1) Calcul : (1300 X (32 % - 15 %)/100% - 15 %)

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