Un épandeur à fumier taillé pour la vigne
L’entreprise de travaux agricoles et viticoles Chollet dans le Libournais a fait adapter un épandeur de fumier d’élevage sur un porteur multifonction.
L’entreprise de travaux agricoles et viticoles Chollet dans le Libournais a fait adapter un épandeur de fumier d’élevage sur un porteur multifonction.
"L’épandeur Pérard sur notre porteur New Holland Braud 9070 M est capable d’épandre toute sorte de fumure organique, quel que soit le dosage, et avec des débits de chantier élevés qui nous étaient impensables jusqu’à maintenant, annonce Florent Renaux, salarié de l’Etav Chollet, basée à Saint-Denis-de-Pile, à 10 kilomètres au nord de Libourne. Spécialisés dans l’épandage de toutes sortes de fumures organiques (composts légers, fientes, fumiers lourds, etc), nous avons différents appareils, avec chacun leur spécificité." Doté d’une pesée dynamique, l’épandeur centrifuge Kuhn se limite aux petits amendements calibrés. L’Agrospire convient aux poudres et granulés, tandis que le Twin Box peut presque tout passer, mais se trouve limité en termes de débit de chantier. "Se posait également le problème de l’effet voûte et il fallait parfois monter dans l’épandeur pour résoudre le problème", se souvient Florent Renaux. Fort de quelques années d’expérience dans l’épandage de fumure organique, le salarié a été moteur dans le projet avec Pérard. Un projet très appuyé par les deux dirigeants de l’entreprise, Pierre et Guillaume Chollet, qui souhaitent davantage mettre à profit leur savoir-faire. Guillaume est en charge de la clientèle et de l’approvisionnement en matières premières, tandis que Pierre s’occupe de la logistique de chantier. "Pour notre prestation d’épandage, les différentes étapes sont bien huilées, mais l’épandage était le facteur limitant, confirme ce dernier. Il fallait réduire ces temps morts improductifs et faire le maximum pour ne pas être bloqués à la reprise de la végétation au printemps."
Un cahier des charges bien mûri
Face à l’absence de matériel convenant à ses besoins, l’entreprise décide d’en faire fabriquer un. "Et pour épandre du fumier de bovins sur de grandes largeurs, personne n’est mieux placé qu’un constructeur d’épandeurs pour le monde de l’élevage. Il n’y a rien de mieux que les hérissons verticaux pour pulvériser le fumier lourd", justifie Florent Renaux. Des quelques constructeurs sollicités, seul le meusien Pérard répondra favorablement au projet. "Cela faisait cinq ans que mon projet mûrissait dans ma tête, explique le salarié. J’avais un cahier des charges abouti." Restait à Pérard à adapter les technologies. Au final, ce sont les travaux de recherche qui ont demandé le plus de temps : six mois au total. Tandis que la construction n’a demandé qu’un mois.
Le constructeur est parti sur la base d’un épandeur à caisse étroite CE Optium K, dont la caisse a été redimensionnée : elle est moins large et plus courte, tout en restant suffisamment longue pour pouvoir charger rapidement avec un télescopique équipé d’un godet de 2,30 mètres de large. La caisse a été allégée en utilisant une tôle de 4 millimètres, contre 6 sur les versions d’élevage. Si le principe d’épandage est identique, l’un des plus gros casse-têtes a été de trouver et dimensionner les moteurs hydrauliques et les réductions pour entraîner les différents organes. À la demande de Florent Renaux, les moteurs d’entraînement de la tête d’épandage ont été placés au sommet des hérissons, alors qu’ils sont montés à la base de ceux-ci classiquement, afin d’abaisser au maximum le centre de gravité de la caisse de l’épandeur qui affiche tout de même 2,6 tonnes sur la bascule. En outre, les régimes des hérissons ont été abaissés pour épandre sur 10 mètres de large, contre 20 sur les modèles d’élevage. "Pour certaines vignes très étroites ou pour épandre en bord de vigne et/ou le long d’une route, nous avons développé un déflecteur", explique Pierre Chollet.
Une moyenne de 150 tonnes épandues chaque jour
Pérard s’est également rapproché de New Holland, afin de pouvoir piloter et visionner les fonctions de l’épandeur depuis les commandes du porteur Braud 9070 M et son terminal Intelliview. Le chauffeur gère la porte hydraulique, les hérissons et le tapis depuis la poignée de l’automoteur.
Baptisé Optium CV 50 K, l’épandeur permet d’appliquer à partir de 3 t/ha, ce qui n’était pas le cas avant, mais les dosages les plus fréquents tournent autour de 10 t/ha. "Nous avons épandu jusqu’à 90 t/ha avec du fumier de bovins, ajoute Florent Renaux. Aujourd’hui, nous passons une moyenne de 150 tonnes dans la journée, quand on atteignait péniblement les 80 tonnes auparavant. Et dans des conditions optimales (grandes parcelles, stockage du compost à proximité), nous sommes même montés à 300 tonnes journalières de fumier. Le godet du télescopique contient 2,5 mètres cubes et charge sans déborder en un bennage l’épandeur qui en fait 3 : dès que le porteur arrive en bout de rang, il est chargé en quelques secondes. " En outre, les allées en bout de rang restent propres, ce qui supprime le temps passé au nettoyage du chantier et participe à la qualité de la prestation.
Essai transformé
La qualité d’émiettement est au rendez-vous. Les deux hérissons de 750 mm de diamètre disposent d’une double spire, avec un nombre de couteaux important. Ce qui permet d’avoir un couteau tous les deux centimètres. Même dans les fumures les plus difficiles, les projectiles les plus gros ne dépassent pas les quatre centimètres de diamètre.
L’entreprise se montre satisfaite de la largeur de travail qui permet de conjuguer débit de chantier et compaction des sols minimisée. Après quatre semaines d’épandage automnal, elle a déjà appliqué 2 200 tonnes et entend tripler les volumes de la saison précédente. "À titre d’exemple, nous avançons à 10 km/h dans les vignes à des dosages de 10 t/ha, quand on atteignait péniblement 4 km/h auparavant. La largeur de travail doublée diminue également le temps consacré aux manœuvres de bout de parcelle." De plus, le porteur évolue à un régime de 1 500 à 1 600 tr/min dans du parcellaire plat, quand il fallait monter autour de 2 100 tr/min sur l’ancien modèle, ce qui se ressent sur la consommation de carburant.
Côté maintenance, une seule lubrification sur six graisseurs a été jusqu’ici nécessaire. "Et il va falloir songer à retendre les chaînes prochainement", estime Florent Renaux, qui apprécie la nette réduction de l’entretien par rapport au précédent épandeur.
D’un point de vue économique, Pérard annonce un tarif de 35 000 euros pour ce modèle. Selon les équipements, le prix varie de 30 à 40 000 euros. Un prix à mettre en perspective avec le gain en termes de débit de chantier. Au final, le coût d’utilisation à l’hectare est réduit et le potentiel d’épandage sur une saison fortement accru. L’Optium CV 50 K de l’entreprise est prédisposé pour la pesée embarquée, quatre pesons prenant alors la place des quatre plots, une option à 7 000 euros que l’Etav envisage sérieusement sur leur appareil ou sur un futur second modèle.
Ludovic Vimond
Pérard à la conquête d’un nouveau marché
En répondant favorablement à la demande de l’Etav Chollet, la firme meusienne a pris connaissance d’un réel besoin sur le marché viticole. L’Optium CV 50 K pourrait ainsi trouver d’autres acheteurs. « Nous souhaitons équiper le maximum de porteurs viticoles avec cet épandeur, explique Guillaume Pérard, de la société éponyme. Cela passe par la construction de châssis d’adaptation adéquats, pour un montage-démontage rapide. »