Quel est le système d'autoguidage le plus efficace dans les vignes ?
La chambre d’agriculture de Charente a mis à l’épreuve huit solutions d’autoguidage dans les vignes de Cognac. Trois solutions RTK sortent du lot.
La chambre d’agriculture de Charente a mis à l’épreuve huit solutions d’autoguidage dans les vignes de Cognac. Trois solutions RTK sortent du lot.
Fendt, Topcon et Raven ; telles sont les solutions d’autoguidage qui semblent se distinguer. Pour arriver à ce résultat, la chambre d’agriculture de Charente a testé, du 3 au 7 juillet 2023, huit solutions d’autoguidage dans les vignes. Six d’entre elles s’appuient sur des signaux de géolocalisation de type RTK, quand les deux autres (Viziopilot et Braun VPA) évoluent à l’aide d’un Lidar.
Réalisés dans deux parcelles de vigne du cognaçais, l’une de 45 ans (vieilles vignes), l’autre de 19 ans (jeunes vignes), ces tests ont été menés en travaillant mécaniquement le cavaillon avec des interceps à l’avant et l’interrang, à l’aide d’une herse rotative à l’arrière, le tout à la vitesse de 5 km/h. Après un arpentage, les écarts du tracteur (et de l’outil) par rapport à la trajectoire réalisée lors de l’arpentage sont mesurés et convertis en une notation sur 10 (voir tableau). Le même exercice est réalisé quatre heures après, mettant à l’épreuve la répétabilité dans le temps.
Fendt, Topcon et Raven sur le podium
Dans la liste des solutions mises à l’épreuve, Fendt se démarque par sa régularité et son niveau de précision. Le tracteur est prééquipé d’usine pour l’autoguidage, ce qui se traduit par une correction de guidage souple, pour ne pas dire imperceptible pour le conducteur. Fendt dispose par ailleurs d’un programme d’autoguidage spécifiquement développé pour la vigne avec un arpentage continu rang par rang, adapté aux vieilles vignes. La moitié des écarts sont inférieurs à 3 cm (médiane) et l’écart maximal est de 12 cm (voir graphique). L’écran de guidage est intuitif, mais ne peut être déplacé ailleurs qu’au plafond. L’intégration de l’antenne GPS prévient du vol.
Derrière, Topcon affiche une moyenne et une médiane très proches de Fendt, mais est pénalisé par quelques écarts ponctuellement importants (près de 40 cm). Déplaçable d’un tracteur à l’autre, moyennant 5 000 euros par véhicule, la solution Topcon intègre des supports de formation, se montre évolutive et rapide à prendre en main. Bien que les demi-tours soient automatisables, les testeurs recommandent une reprise de ligne manuelle.
Troisième, Raven ressort avec la meilleure médiane, 2 cm, 50 % des écarts étant inférieurs à cette valeur. Certains écarts grèvent cependant la moyenne (environ 7 cm). Le test a été réalisé avec le réseau RTK VRS + (abonnement de 1 250 euros HT sur trois ans), mais le système est compatible avec le réseau gratuit Centipède RTK. Conviviale et facile à prendre en main, la console met rapidement le conducteur à l’aise. En revanche, le transfert vers un autre véhicule nécessite l’installation par un professionnel d’une centrale hydraulique.
John Deere et Trimble, des écarts moyens de 5 cm
Au pied du podium, John Deere affiche une moyenne des écarts à 5 cm, 50 % des mesures étant inférieures à 4 cm. La solution se montre très intuive, facile à prendre en main, bippe à l’approche du bout de rang et dispose d’un interrupteur pour activer-désactiver l’autoguidage. Si le repositionnement de la ligne est facile, l’opération de décalage de la console implique un désengagement de l’autoguidage.
Vient ensuite Trimble, dont la médiane et la moyenne des écarts sont assez proches de celles de John Deere. Trimble se distingue par des écarts extrèmes qui ne dépassent pas 18 cm. Facile à prendre en main, la tablette met rapidement à l’aise, mais manque un peu d’ergonomie. Un signal sonore informe le chauffeur de l’arrivée imminente (à 15 m) du bout de rang. Le demi-tour est manuel, ou automatique moyennent un surcoût de 2 300 euros. La licence pour activer le RTK (quelle que soit la technologie) est payante. S’intégrant sur toutes les marques, cette solution affiche un message de sécurité à l’écran toutes les 30 minutes qu’il faut fermer pour continuer à bénéficier de l’autoguidage.
Le Lidar moins précis
Ne nécessitant par d’arpentage en amont ni d’abonnement, les solutions fonctionnant au Lidar affichent des valeurs d’écarts moins bonnes que la majorité des technologies fonctionnant par GPS RTK. Installé par Vantage AM, le Viziopilot se gère facilement depuis un joystick. L’autoguidage fonctionne jusqu’à détection d’un obstacle ou d’un vide (absence prologée de ceps) sur quatre mètres, ce qui nécessite une certaine vigilance dans les vieilles vignes avec beaucoup de manquants. Il se montre sensible aux pluies soutenues.
Le VPA de Braun assure l’autoguidage du tracteur, ainsi que le guidage en profondeur et en largeur des outils entre roues et arrière. Coûteuse (29 200 euros pour le VPA, 6 500 pour le guidage du tracteur), la solution est facile à prendre en main. Elle perd en précision quand il y a des manquants, mais le placement de l’outil est amélioré par rapport à celui du tracteur, ce qui est généralement le contraire sur les autres solutions : le VPA remplit ainsi sa mission première qui est le placement de l’outil. La moitié des écarts sont inférieurs à 6,5 cm, mais certains atteignent 36 cm : cela se ressent sur la moyenne des écarts qui est de 8,5 cm.
Dernier parmi les solutions RTK, Farmtek se distingue par son tarif attractif : l’équipement d’un autre véhicule ne coûte que 1 000 euros. Connectée au réseau gratuit Centipède, la tablette Farmtek est intuitive. La reprise de la ligne d’arpentage est automatique, mais la reprise de rang s’est montrée difficile. La technologie Farmtek pêche par un volant jugé trop réactif et l’absence de gyroscope qui se traduit par une compensation permanente par défaut. Ceci se voit dans les résultats (médiane et moyenne d’une valeur de 10 cm), même si ceux ceux-ci ont été grévés par une erreur de réglage. Le système Farmtek est aussi pointé pour le câblage non regroupé.
Le regard du chauffeur décomposé par la MSA
En parallèle, la MSA a filmé le conducteur, afin de scruter où se porte son regard et pendant combien de temps. Les résultats figurant dans le graphique 2 révèlent qu’avec l’autoguidage, le chauffeur regarde deux fois plus le travail effectué (directement ou indirectement via les rétroviseurs) par l’outil arrière et passe quatre fois plus de temps la tête retournée vers l’outil. Selon la MSA, les différences pourraient être plus marquées à la longue. Les tests n’ont été effectués que sur un aller-retour : avec le temps, la confiance dans l’autoguidage grandit et le chauffeur se détache de plus en plus de la ligne de conduite.
avis d’expert : Christophe Gaviglio, ingénieur spécialisé en agroéquipements à l’IFV Occitanie
« Le RTK peut dériver avec le nombre de rangs »
« Dans le cadre du projet de recherche sur l’autoguidage, nous avons réalisé des observations complémentaires des essais réalisés par la chambre d’agriculture de Charente. Nous avons constaté qu’avec l’autoguidage par RTK, sur les 2-3 premiers rangs, tout se passe bien, mais 20 rangs plus loin, il peut y avoir des décalages. Même les vignobles plantés au GPS RTK n’ont pas les rangs parfaitement droits : les aléas climatiques peuvent générer des mouvements de sol, les pieds sortent un peu du rang en poussant, etc. C’est pourquoi il faut utiliser le Lidar en complément : même si ce dernier est moins précis, il permet de maintenir le tracteur entre les 2 rangs.
Pour nombre d’opérations dans l’interrang, le RTK suffit, quelle que soit la solution (sur abonnement ou Centipède). Mais pour le travail du cavaillon, la qualité du guidage est très impactante. Avec des écarts qui peuvent atteindre 10, 15, voire 20 cm, on va se faire peur. »
Propos recueillis par C. N.