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La stimulation aux UV se déploie dans les vignes

Après avoir testé son concept pendant plusieurs années, l’entreprise UVBoosting déploie la stimulation des vignes grâce aux rayons ultraviolets (UV). Le point sur cette technique novatrice.

Ce sont près d’une vingtaine de machines à UV qui arpentent les vignobles français cette année. Pour sa première série commerciale, la jeune entreprise UVBoosting se montre sereine. Et pour cause, les prototypes et la présérie de cet appareil de stimulation de la vigne affichent quelques bons résultats, et ont permis de mieux maîtriser la technologie et son emploi. « Sur la campagne 2020 du château bordelais Smith Haut Lafitte, où la pression mildiou a été intense, les parcelles cumulant les UV et le programme de traitement normal n’ont subi que 3,3 % de pertes, alors que celles conduites traditionnellement ont accusé 8,1 % », illustre Nicolas Pascouau, ingénieur chez UVBoosting. Sur les modalités en demi-dose, la sévérité du mildiou est passée également de 35,8 % à 22,4 % lorsque l’on a appliqué des UV, soit un gain d’efficacité de 36 %. » « C’est un très bon retour d’expérience pour nous, et très encourageant, estime Nicolas Poumeyrau, chef de culture à Smith Haut Lafitte. Nous espérons ainsi réduire les doses voire les passages à l’avenir. » En Champagne, où la pression mildiou a été beaucoup plus faible, la chambre d’agriculture de l’Aube a relevé 8,5 % de pertes à véraison lorsque les UV ont été utilisés seuls, quand le témoin non traité affichait 15 %. Ce qui montre bien l’effet de la stimulation par cette pratique. L’ajout de produits de biocontrôle à base d’écorces d’orange et de décoction de plantes a permis de limiter les pertes dues au mildiou à 3 %, et même à 1,8 % dans le cas de cuivres et soufres à demi-dose. Ce qui fait dire aux techniciens que de tels itinéraires sont intéressants et acceptables en condition de production. Les ingénieurs de la firme assurent par ailleurs avoir obtenu de bons résultats sur l’oïdium en Bourgogne.

Une stimulation générale des défenses de la plante

La jeune entreprise a également affiné sa compréhension dans les mécanismes biologiques mis en œuvre. L’exposition aux UV entraîne d’abord un pic d’acide salicylique (messager dans la mise en place des défenses de la plante), puis on voit ensuite augmenter les taux de molécules de défense (stilbènes, resvératrol…). Cet état de stimulation dure deux à trois jours. Mais on constate ensuite un effet éliciteur, c’est-à-dire que la vigne revient à son état physiologique normal, mais répond de manière plus rapide et plus forte en cas d’attaque de pathogène. « De fait il n’y a pas de fatigue de la plante, car elle n’est pas stimulée en permanence », analyse Nicolas Pascouau. Pour l’heure, UVBoosting ne fait état que de résultats sur le mildiou et l’oïdium, « mais il n’y a pas de raison pour que ça n’ait pas d’effet sur le black-rot, le botrytis ou d’autres pathogènes, puisque c’est le système de défense complet de la vigne qui est potentialisé », remarque l’ingénieur. Et ce n’est pas le seul avantage qu’il met en avant. En effet, la stimulation par UV est non lessivable, n’est pas soumise aux ZNT, peu impactée par les conditions climatiques (le travail est possible sous pluie légère ou grand vent). La seule condition est de ne pas rogner juste après. De plus, le faible risque qui existe pour la santé (rougeurs type coup de soleil) disparaît quand on éteint les lampes.

À la recherche du meilleur itinéraire technique

Cette année l’équipe technique s’affaire à préciser les règles de décision, voire à créer un OAD pour optimiser l’utilisation de la machine. Car pour l’instant l’itinéraire est basé sur un commencement de la stimulation à quelques feuilles étalées, avec un passage ensuite tous les 10/12 jours jusqu’à nouaison. L’entreprise aimerait passer de 8/10 passages par an à 6/8. « À terme ça serait bien de trouver un moyen d’alterner une fois un traitement et une fois une stimulation », avoue Nicolas Pascouau.

La mouture 2021 de la machine présente enfin quelques évolutions par rapport à celle de la campagne précédente. Les grilles protégeant les lampes, notamment, ont été remplacées par des vitres en quartz, qui laissent passer les UV mais protègent davantage l’intérieur du panneau. De même, l’intelligence de la machine (logiciel de gestion des paramètres) a été mise à jour en prenant compte des remontées de la saison 2020. Les versions 2022 comprendront à n’en pas douter quelques améliorations issues des observations en cours.

Un concept simple mais une machine évoluée

La machine d’UVBoosting est plutôt rustique mais relativement imposante, puisqu’elle embarque une génératrice utilisée pour alimenter les lampes à UV. Sur la version interligne, cette dernière est entraînée par la prise de force, à régime 420 tr/min. Sur la version enjambeur l’entraînement est hydraulique, et mobilise 30 à 35 chevaux. « Le besoin de puissance est équivalent à un pulvérisateur », résume Nicolas Pascouau. La génératrice alimente par un câble un boîtier de dérivation qui distribue ensuite aux panneaux. Ces panneaux, d’environ 70 kg chacun, sont montés sur un cadre identique à ceux des rogneuses. Ils contiennent les lampes à UV (tubulaires), mais aussi un système de ballasts, un ventilateur pour évacuer la chaleur dégagée par les lampes, ainsi qu’une carte mère reliée au pupitre de commande en cabine pour la gestion des lampes, la température, etc.

Un travail à réaliser entre 2 et 4 km/h

Les panneaux sont également équipés d’un rideau, pour les bouts de rangs ou les éventuels arrêts dans la parcelle. Car l’allumage et la montée en température des lampes prend généralement quelques minutes. L’opération de stimulation se fait sur une plage de vitesse de 2 à 4 km/h selon les conditions. « Il y a un biais à prendre et donc la nécessité de former l’opérateur, Jérôme Santin, cogérant d’Aquitaine Viti-Service, prestataire équipé d’une machine à Saint-Magne-de-Castillon en Gironde. Mais une fois qu’on l’a en main il n’y a rien de bien compliqué. » Un constat partagé par la société Performances Vignobles, à Saint-Émilion. « Mieux vaut un opérateur soigneux car c’est un matériel onéreux », commente Julie Marénaud, responsable d’équipe. Le tarif indiqué par la firme dépasse les 50 000 euros. De son côté Nicolas Poumeyrau, au Château Smith Haut Lafitte, parle de « quelques centaines d’euros par hectare et par passage » pour ce que lui coûte la prestation.

Une pratique également étudiée aux États-Unis

L’utilisation de rayons ultraviolets (UV) sur les vignes est également en cours de développement Outre-Atlantique, par l’université Cornell (État de New York). Les chercheurs ont réalisé plusieurs essais en champ sur chardonnay, et ont observé une diminution significative du mildiou et de l’oïdium en exposant la vigne aux UV une fois par semaine. Les Américains en revanche réalisent les interventions uniquement de nuit, et avancent l’explication que les rayons UV endommagent l’ADN des organismes ciblés. « De nuit, les pathogènes ne sont pas habitués à recevoir les UV provenant du soleil, et leurs mécanismes de réparation ne fonctionnent pas », expose David Gadoury, encadrant le projet. Les chercheurs de Cornell se sont associés avec la société Saga Robotics (Norvège) pour développer un robot autonome appelé Thorvald, équipé de lampes à UV et capable d’arpenter les vignes seul pour réaliser le traitement. Ce robot devrait apparaître sur le marché dès cette année. Et à terme, les chercheurs américains espèrent arriver à une version plus élaborée capable de prendre en compte la santé du plant pour adapter la dose d’UV.

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