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L'usage du glyphosate en vigne est encore sur la sellette

La molécule herbicide n’est pour l’heure autorisée en Europe que jusqu’au 15 décembre 2022. De nouvelles négociations se préparent au sein des vingt-sept.

Le désherbage chimique à base de glyphosate est restreint au niveau français, mais pourrait être même interdit au niveau européen après 2022.
Le désherbage chimique à base de glyphosate est restreint au niveau français, mais pourrait être même interdit au niveau européen après 2022.
© J.-C. Gutner

Depuis l’an dernier, le sort du glyphosate est fixé en France : il est réduit au simple usage du cavaillon, en ce qui concerne la viticulture. Mais ça ne veut pas dire qu’il soit tiré d’affaire. En novembre 2017, les États membres européens n’ont pas réussi à s’entendre sur la réhomologation ou non de la substance. Car c’est bel et bien l’Europe, et non pas la France, qui décide de l’autorisation des molécules. Après moult débats, la décision avait donc été prise de renouveler exceptionnellement l’autorisation de la matière active glyphosate pour cinq ans au lieu de quinze, comme c’est le cas habituellement. Le temps, pour les parties prenantes, de voir apparaître de nouvelles études et d’avoir de nouveaux éléments concernant la dangerosité du produit (son aspect cancérigène en premier lieu). La fin de l’année 2022 marque l’échéance de cette période transitoire.

Les rapporteurs estiment que le glyphosate n’est pas cancérigène

Pendant ces cinq années le processus européen a mené son bonhomme de chemin : quatre États membres, à savoir la France, la Hongrie, les Pays Bas et la Suède, ont été chargés d’évaluer la substance et de fournir leur conclusion. Cela a donné lieu à un projet de rapport, qui a été rendu en juin 2021 aux organes européens que sont l’Efsa (Autorité européenne de sécurité des aliments) et l’Echa (Agence européenne des produits chimiques). « La conclusion des États membres est la même qu’en 2017, à savoir que le glyphosate n’a pas de potentiel cancérigène et que le risque est acceptable, informe Jérôme Pierrard, expert réglementaire de la Plateforme glyphosate France. Ce qui va dans le sens d’une réhomologation, puisque la substance répond aux critères d’approbation. »

Un rapport que s’est empressée de fustiger l’association Générations futures, accusant les auteurs d’avoir mis de côté les études universitaires pour garder une majorité d’études faites par les industriels, elles-mêmes biaisées pour minimiser la toxicité. L’ONG a lancé une pétition pour demander à l’Europe une révision complète de ces méthodes d’évaluation. Qu’elle soit fondée ou non, cette requête semble toutefois bien difficile à mettre en place, encore plus d’ici décembre…

Les résultats de la consultation européenne sont en majorité positifs

C’est donc l’Efsa qui a maintenant les cartes en main. En septembre elle a soumis à consultation du grand public européen ce projet de rapport, afin de recueillir les avis de la population, et donnera ses conclusions générales à la Commission européenne en juin, après analyse par un collège d’experts. « Il y a eu près de 340 commentaires déposés, ce qui est énorme comparé à ce qui se passe d’habitude pour ce genre de dossier », relate Jérôme Pierrard. Environ 80 % de ces commentaires viennent de France, où le débat semble plus vif que partout ailleurs. Parmi les annotateurs, on trouve des ONG, des agriculteurs, des responsables syndicaux, des anonymes…

La grande majorité des commentaires se positionne en faveur du renouvellement du glyphosate. « Les arguments mis en avant sont souvent la crainte d’arriver dans une impasse technique, mais aussi l’aspect bilan carbone qui est meilleur que le labour », note l’expert de la Plateforme glyphosate France. Preuve que la profession agricole s’est mobilisée pour défendre ses intérêts. Reste que la décision finale reviendra à des hommes et des femmes politiques. En effet, l’Efsa enverra en juin une note de recommandation à la Commission européenne, et c’est elle qui proposera un texte aux États membres à l’occasion d’un Comité permanent des végétaux, des animaux, des denrées alimentaires et de l’alimentation animale (CPVADAA), dont la version définitive est censée arriver avant le 15 décembre.

Les positions des différents pays européens sont encore floues

« Les autorités font des efforts pour tenir les délais, mais il est possible que le planning glisse de quelques mois », estime Jérôme Pierrard. Pour lui, c’est une bonne chose que les agriculteurs aient pris conscience des enjeux en 2020 et qu’ils aient commenté le projet de rapport, ce qui permet de traduire de manière factuelle l’utilité du glyphosate. Malgré cela, la situation de l’herbicide n’évolue pas favorablement et les enjeux politiques dépassent parfois les réalités techniques. La position de la France sera arbitrée par une commission interministérielle. Si le gouvernement actuel a finalement retenu la philosophie d’une autorisation de la molécule avec une restriction des usages au strict minimum, nul ne sait encore quel gouvernement sera au pouvoir au second semestre 2022. La question du glyphosate risque d’ailleurs de s’immiscer dans la campagne électorale à un moment ou à un autre.

La position des autres pays de l’Union reste également très incertaine, comme en Allemagne où le sujet n’a pas été remis sur la table mais où les verts ont récupéré au sein de la coalition les ministères de l'agriculture et de l'environnement. Il faudra attendre un premier tour de table au CPVADAA, probablement à l’automne, pour avoir une idée des différentes positions. « Il faudra toutefois trouver une raison pour ne pas réapprouver le glyphosate ! », fait remarquer l’expert. Sans compter que l’on peut imaginer que certaines positions intermédiaires puissent convenir à tout le monde lors des débats. Comme un nouveau renouvellement partiel, pour cinq ans seulement. « L’exemple de la France est intéressant, poursuit Jérôme Pierrard. Qui sait ? Peut-être qu’il y aura une proposition pour un renouvellement avec des restrictions d’usage au niveau communautaire. » Une chose est sûre, c’est que tout peut encore arriver.

repères

C’est au niveau européen qu’est décidée l’autorisation des substances actives (molécules). Pour être utilisable à l’avenir, le glyphosate doit être réapprouvé en décembre 2022.

Les autorisations de vente pour les formulations phytosanitaires (produits) sont gérées par les États membres. C’est dans ce cadre que la France a choisi d’instaurer des restrictions d’usage, produit par produit.

Les modalités d’emploi pour 2022

Depuis fin 2020, les conditions d’utilisation du glyphosate ont changé en France. S’il existait l’an dernier un flou juridique permettant de continuer à l’utiliser comme avant en choisissant certaines spécialités commerciales, toutes les Autorisations de mise en marché (AMM) des produits contenant la matière active ont désormais été rectifiées. L’emploi est donc autorisé à hauteur de 450 grammes par an et par hectare, avec interdiction de l’appliquer sur l’interrang. Sauf dans le cas des vignes installées en forte pente ou en terrasse, sols caillouteux et des vignes-mères, où le glyphosate reste autorisé à la dose annuelle de 2 160 grammes par hectare.

Toutefois le législateur ne précise pas de pourcentage de pente ou de proportion de cailloux. Par ailleurs, la règle initiale obligeant à ne pas traiter sur plus de 20 % de la surface a disparu, pour éviter de pénaliser davantage les vignes étroites. « Malgré cela on reste à la limite de l’impasse technique », regrette Arnaud Descôtes, directeur technique du Comité Champagne. Il conseille aux viticulteurs de garder la dose réduite de glyphosate soit pour nettoyer en sortie d’hiver, soit pour gérer les vivaces sur les parcelles à problème.

voir plus loin

La flumioxazine, molécule herbicide de pré-levée connue en vigne avec le produit Pledge de Philagro, a suivi le cheminement administratif de la réapprobation courant 2021. Le vote des États membres a été positif, son renouvellement est donc effectif pour quinze ans c’est-à-dire jusqu’en 2037.

 

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